Les questions de scolarisation des jeunes filles, de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) et d’autonomisation des femmes sont aujourd’hui au cœur des priorités. Ces enjeux mobilisent gouvernements, ONG et associations, mais aussi des figures traditionnelles comme Ahan Béatrice Kalidji, Reine d’Oussouye et ambassadrice d’ONU Femmes. Engagée, elle prône la tolérance zéro face aux violences faites aux femmes et milite pour la scolarisation des jeunes filles.
Dans une interview accordée à l’agence savoir News, la reine évoque les raisons de son attachement à la scolarisation de la jeune fille.
Votre Altesse, pourquoi la scolarisation des filles est-elle si importante pour vous ?
Parce qu’elle est essentielle à leur émancipation. Bien que je n’aie pas pu continuer mes études après mon intronisation à 14 ans, je veux que chaque fille ait cette chance. L’éducation leur permet d’avoir des opportunités, d’être autonomes et de réaliser leurs rêves. Dans mon royaume, nous sensibilisons les familles à cet enjeu, malgré certaines résistances culturelles.
Vous avez quitté l’école si jeune… Comment l’avez-vous vécu ?
J’ai dû arrêter l’école en classe de CM2, après mon intronisation comme reine mère à 14 ans. Ce choix s’imposait à moi, dicté par la tradition. J’aurais aimé continuer, mais les sages du royaume s’y sont opposées, arguant que mon rôle devait rester local. Cela a été difficile, car je rêvais d’études, de conférences et de grandes responsabilités.
Votre intronisation a également marqué votre mariage précoce. Comment avez-vous surmonté cela ?
Effectivement, j’ai été mariée très jeune, et cela reste une réalité pour beaucoup de filles dans nos communautés. À 14 ans, j’ai dû porter des responsabilités d’adulte et sacrifier mes rêves. Ce vécu alimente aujourd’hui mon combat : personne ne devrait imposer un mariage ou des choix de vie précoces à une fille. Elle doit avoir le droit de se construire, d’étudier et de choisir son avenir.
Ces rêves sont-ils restés inaccessibles ?
Non, ils se réalisent différemment. Depuis 2016, avec l’appui d’ONU Femmes, je voyage pour représenter mon royaume et participer à des rencontres internationales. Mais l’absence d’une bonne maîtrise du français reste un obstacle. C’est pourquoi je tiens tant à ce que les jeunes filles puissent étudier, aller au-delà du primaire, et éviter les mariages précoces.
Quels sont les principaux obstacles à la scolarisation des filles ?
Les traditions et la pauvreté. Certaines familles préfèrent marier leurs filles jeunes ou les gardent pour les tâches domestiques. Pour y remédier, nous sensibilisons les communautés en mettant en avant des exemples de réussite grâce à l’éducation. ONU Femmes nous accompagne dans cette mission.
Vous êtes également très engagée contre les violences basées sur le genre…
Absolument. Dans mon royaume, il est interdit de lever la main sur son épouse ou de pratiquer la violence verbale, qui peut être dévastatrice. Avec mon association, Servir le Bonheur, nous sensibilisons, formons des relais dans les villages et intervenons pour résoudre les conflits avant qu’ils ne dégénèrent. Nous avons également mis en place une caisse solidaire pour soutenir les victimes.
La tradition et la modernité peuvent-elles coexister pour protéger les droits des femmes ?
Oui, c’est possible. Il faut intégrer des pratiques modernes tout en respectant nos traditions. Par exemple, nous avons inclus l’éducation des filles dans nos discussions communautaires, pour que cela devienne une norme.
Un mot pour clore notre entretien ?
Peu importe où vous allez, restez attachés à vos racines tout en défendant l’harmonie, le respect et la protection des plus vulnérables. FIN
Propos recueillis par Ambroisine MEMEDE