La poursuite des objectifs 3×95 de ONUSIDA oblige les nations à prendre en compte dans la prise en charge, toute parcelle source d’une potentielle relance du Vih. Et les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH), font partie des populations clés sur lesquelles ONUSIDA focalise ses actions dans la région, car elles constituent une des cibles vulnérables dont la prise en compte dans les moindres détails permettra de gagner des points.
Selon le rapport annuel des activités de la riposte national au Vih/Sida publié en 2023, la prévalence au sein de ce groupe cible était de 8,7% (en 2022) contre 22% il y a 5ans. Malgré ces efforts, la prise en charge des HSH demeure difficile et les difficultés se situent à divers niveaux, dont le plateau technique.
Dans notre reportage, nous nous sommes rendus à l’ONG Espoir Vie Togo, une ONG qui travaille sur diverses cibles dont les populations clés (depuis 2008), en l’occurrence les HSH.
Pour mieux cerner les difficultés liées à la prise en charge des HSH dans ce centre, nous avons rencontré Aristide Akouété (un assistant médical avec 22 ans d’expérience de prise en charge du Vih), très engagé sur les questions liées à la lutte contre le VIH. Il nous a avoués qu’on ne peut pas lutter contre le Vih sans travailler avec les populations clés, en l’occurrence les HSH dont le taux de prévalence reste encore élevé. Et certains points constituent une entrave à leur prise en charge, à l’instar du plateau technique qui n’est pas complet.
« Par exemple, la prise en charge des fistules est un traitement spécialisé que nous ne faisons pas ici. De ce fait, nous sommes obligés d’envoyer les patients vers des spécialistes ou en dehors du Togo si nécessaire. Et le problème ici, c’est qu’il faut que le patient aille dans une autre structure, alors que cette cible est déjà stigmatisée par la population en général. Il en découle une auto-stigmatisation : ils n’y vont pas, craignant la discrimination », déplore M. Akouété.
Parlant de la fistule au niveau des hommes, elle est souvent due aux abcès, les petites blessures qui peuvent subvenir et qui sont infectées et non traitées.
« J’ai encore le douloureux souvenir d’un jeune homme (la quarantaine) HSH souffrant d’une fistule, qu’il a trainé pendant longtemps parce qu’il ne savait pas à qui se confier. Quand EVT a mis en place le service de proctologie, on a fait le diagnostic, on l’a suivi et il s’agissait de l’évacuer sur le Ghana. Il y a donc été traité, mais le suivi a été difficile puisqu’il n’y avait pas un spécialiste sur place. Et on a connu une mauvaise évolution de son état qui l’a finalement emporté », se souvient-il, un peu triste.
Nous enregistrons aussi des cas compliqués de condylome anal (infection vénérienne), que nous référons vers des spécialistes, ajoute-t-il.
« La disponibilité permanente des médicaments nous aiderait énormément »
A en croire M. Akouété, les difficultés ne sont pas que techniques, elles sont également liées aux finances du HSH. Le plus souvent, les médicaments IST sont offerts au centre par le Programme national de lutte contre le Sida, les Hépatites Virales et les IST (PNLS-HV-IST). Mais, il peut arriver qu’après consultation, le médicament indiqué contre la pathologie dont souffre la personne ne soit pas disponible sur place ou bien que ce médicament soit en rupture.
« Dans ce cas, une ordonnance est délivrée au patient, qui doit se rendre en pharmacie pour s’en procurer. Mais si après consultation, il n’a pas les moyens pour acheter les médicaments, une simple infection sexuellement transmissible (IST) peut déboucher sur une complication… », signale-t-il.
Il faut renforcer le plateau technique
Un des grands besoins, c’est de renforcer le plateau technique, afin que les cas compliqués de fistule par exemple, puissent se traiter sur place, a dit l’assistant médical. « Par ailleurs, c’est le PNLS qui nous fournit les médicaments IST. Et si elle nous assure la disponibilité permanente de ces médicaments, cela nous éviterait ces soucis ».
Par rapport au manque de moyens financiers, c’est vrai que EVT dispose d’un service social qui apporte un appui financier un peu pour aider à acheter les médicaments (pour tous les patients suivis. Mais ce moyen aussi arrive à manquer, ce qui peut créer des soucis. Une mobilisation de fonds peut appuyer ce service social à mieux répondre aux besoins, a plaidé Folly Akouété.
Sur place, nous avons rencontré Luc (28ans, sans emploi) qui a déjà connu ce genre de difficulté. Il affirme que la disponibilité permanente des médicaments est un facteur de protection des HSH car, cela les maintient à l’abri des regards…
« La disponibilité des médicaments IST serait d’une grande aide po !ur nous. Non seulement nous sommes à l’abri des regards mais, cela nous épargne également les dépenses car, vous savez, tout le monde n’a pas un emploi stable. Donc on n’a pas toujours les moyens de se prendre en charge médicalement. J’ai déjà été confronté à une situation où il me manquait 1500 pour me rendre dans mon centre de prise en charge situé à Lomé pour prendre mes ARV… », a expliqué Luc (nom d’emprunt).
Il nous est par ailleurs paru curieux, d’apprendre que notre personne ressource devrait chaque fois parcourir une distance d’environ 15Km, de Kpogan pour se rendre à Lomé pour sa prise en charge. FIN
Un reportage de Ambroisine MEMEDE