Imaginez qu’en faisant vos courses dans votre supermarché habituel, vous vous retrouviez face à des prix exorbitants, quand les rayons ne sont pas déjà vides.
Ce scénario n’est pas aussi improbable qu’on pourrait le penser. Invisibles aux yeux du consommateur ordinaire, les chaînes d’approvisionnement mondiales œuvrent 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 pour garantir la disponibilité de produits à des prix abordables.
Or ces chaînes logistiques sont plus fragiles qu’il n’y paraît, et plusieurs évènements récents ont révélé la vulnérabilité du commerce international. La pandémie de COVID-19, d’abord, qui a gravement perturbé les opérations maritimes, provoquant des retards et des goulets d’étranglement qui se sont propagés à la faveur de chaînes d’approvisionnement mondialisées.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie, ensuite, qui a considérablement affecté l’offre alimentaire mondiale, avec pour conséquences un renchérissement des denrées, une réduction des exportations de céréales et une aggravation de l’insécurité alimentaire, en particulier en Afrique subsaharienne, où les coûts de transport peuvent représenter jusqu’à 50 % des prix des aliments.
Enfin, plus récemment, les attaques perpétrées contre des navires dans le golfe d’Aden ont perturbé des routes commerciales stratégiques, entraînant une augmentation des coûts et des délais d’expédition.
L’impact ne s’arrête pas aux rayons alimentaires des supermarchés : les perturbations des chaînes d’approvisionnement peuvent toucher tous les produits – des biens de consommation aux équipements industriels en passant par les appareils électroniques, les véhicules automobiles ou les fournitures médicales – et survenir sans prévenir.
Les ruptures de stocks, les inefficacités opérationnelles, les retards de production et les hausses de coûts qui en résultent peuvent avoir des effets dévastateurs sur les économies, en particulier dans les pays en développement.
Les ports à conteneurs à la rescousse
Nul ne sait quelles menaces surgiront demain. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que les ports à conteneurs peuvent contribuer à protéger les échanges contre des perturbations imprévisibles.
Ce sont des infrastructures commerciales vitales, en particulier pour les pays en développement.
Plus de 80 % du commerce international s’effectue par voie maritime, dont une part importante par conteneurs. L’efficacité des terminaux à conteneurs portuaires réduit les coûts et les délais associés à l’importation et à l’exportation de marchandises, ce qui accroît la compétitivité des produits exportés et fait baisser les prix de ceux importés.
Plus un port est performant, plus il permettra d’attirer des investissements étrangers, de soutenir les activités locales, de créer des emplois et d’augmenter les niveaux de revenus, favorisant ainsi un développement économique durable.
Voici de quelle manière les ports à conteneurs peuvent protéger le commerce mondial contre des perturbations imprévues :
-Les investissements dans la capacité des installations portuaires permettent de traiter des volumes de marchandises plus importants et d’assurer des opérations plus fluides et plus rapides.
-L’adoption de technologies numériques avancées permet de rationaliser les processus, de réduire la paperasserie et d’améliorer l’échange de données, ce qui accroît l’efficacité des opérations et atténue l’impact des perturbations.
-L’établissement de liaisons avec les réseaux de transport terrestre (chemins de fer, routes, voies navigables) assure la circulation fluide des marchandises des ports à leur destination finale.
-La collaboration avec les parties prenantes, et notamment les compagnies maritimes et les organismes de réglementation, permet de mieux gérer les perturbations et d’assurer la continuité des opérations portuaires.
-Les investissements dans des infrastructures vertes et le respect des réglementations environnementales peuvent atténuer les effets du changement climatique sur les installations portuaires.
Le renforcement de la résilience des ports nécessite toutefois des données fiables et régulières. S’ils disposent d’indicateurs de performance précis, les pouvoirs publics et les autres parties prenantes sont mieux en mesure de cerner les inefficacités existantes et de cibler les domaines à améliorer.
Avec des données de qualité, il est possible de prendre des décisions éclairées et de mettre en œuvre des interventions stratégiques qui renforcent effectivement la résilience et l’efficacité des ports. Une telle approche garantit que les investissements dans les infrastructures, les technologies et les processus sont bien dirigés là où ils sont le plus nécessaires, contribuant ainsi à protéger le commerce mondial contre des risques de désorganisation.
L’indice de performance des ports à conteneurs
Depuis 2020, la Banque mondiale et S&P Global Market Intelligence (a) publient l’indice de performance des ports à conteneurs (a) (ou CPPI selon son acronyme en anglais).
Cet indice, qui mesure et classe la performance de plus de 400 ports dans le monde entier, aide les parties prenantes à identifier les points forts et les faiblesses des installations portuaires. Il repose notamment sur des indicateurs de l’efficacité des opérations, comme le temps de rotation des navires et la vitesse de manutention des marchandises.
L’indice évalue également la qualité des infrastructures, à l’aune notamment du tirant d’eau, de la capacité des quais et des installations de transbordement. Les connexions avec les réseaux de transport terrestre, le rapport coût-efficacité et la qualité des services portuaires, le recours à des technologies numériques avancées et l’efficacité des formalités douanières constituent également des facteurs essentiels pour le calcul de l’indice CPPI.
Renforcer la résilience grâce au CPPI
En se concentrant sur ces indicateurs, les pouvoirs publics et l’ensemble des parties prenantes peuvent prendre des décisions éclairées en vue d’améliorer les performances portuaires, au service de la croissance économique et de la compétitivité.
L’indice CPPI peut également aider les pouvoirs publics à renforcer la résilience des ports et à protéger ainsi les chaînes d’approvisionnement mondiales contre des perturbations imprévues. Ces données sont particulièrement utiles pour :
-Cerner les déficits de performance : L’indice CPPI aide les parties prenantes à mettre en évidence les domaines peu performants dans le fonctionnement d’un port. Cette analyse détaillée permet des interventions ciblées pour remédier aux inefficacités, réduire les délais et optimiser les opérations. En mettant en lumière les ports les plus performants, l’indice facilite l’adoption des meilleures pratiques et promeut ainsi des solutions innovantes et des normes sectorielles susceptibles d’améliorer considérablement les performances des ports à conteneurs.
-Étayer les décisions d’investissement : L’indice CPPI fournit aux décideurs politiques et aux investisseurs une base de données à partir de laquelle prendre des décisions éclairées en matière de développement des infrastructures et d’allocation des ressources. En mettant en évidence les ports qui se distinguent et les raisons de leurs performances, il permet aux parties prenantes de prioriser des investissements dans les domaines qui produiront les meilleurs résultats en termes de gains d’efficacité et d’impact économique.
-Favoriser la collaboration et l’élaboration des politiques publiques : L’indice CPPI favorise une plus grande collaboration entre les différents acteurs impliqués dans les opérations portuaires. En fournissant un ensemble d’indicateurs de performance de référence, il facilite les discussions et les partenariats entre autorités portuaires, compagnies maritimes, organismes de réglementation et autres entités. Cette approche collaborative est essentielle à l’élaboration de politiques et de stratégies cohérentes qui permettent de résoudre des difficultés systémiques et favorisent le développement durable des ports.
-Impulser une transformation numérique : La numérisation est un facteur clé de l’efficacité des infrastructures portuaires, et l’indice CPPI souligne l’importance d’exploiter les nouvelles technologies pour améliorer leur fonctionnement. En mettant en lumière les ports qui ont mis en œuvre avec succès des solutions numériques, il en encourage d’autres à faire leur mue digitale. Cette transition vers la numérisation permet de simplifier les processus, d’améliorer la fiabilité des données et de réduire les coûts d’exploitation, avec à la clé des opérations portuaires plus efficaces et résilientes.
Les ports à conteneurs sont indispensables à la stabilité et à l’efficacité des chaînes d’approvisionnement mondiales, en particulier dans les pays en développement où ils sont un moteur de croissance économique.
En investissant dans l’infrastructure et l’efficacité portuaires et en contrôlant de près leurs performances grâce à des indicateurs clés comme ceux fournis par l’indice CPPI, les pays peuvent tirer pleinement parti du potentiel de leurs ports et protéger leurs chaînes logistiques contre de futures perturbations.
Cette approche permettra non seulement de renforcer la compétitivité internationale des ports, mais aussi de garantir la bonne circulation des marchandises, en assurant ainsi la continuité des approvisionnements et la stabilité des prix même en période d’incertitude mondiale.
Richard Martin Humphreys (Source : Banque mondiale)