« Quatre membres de ma famille ont péri dans les flammes », raconte d’une voix tremblante Antoine Djanta au lendemain de l’incendie d’un dépôt de carburant illégal dans le sud-est du Bénin qui a fait 34 morts et 20 blessés.
Dans la maison de cet homme de 54 ans, à quelques kilomètres du lieu du drame, les voisins se pressent pour présenter par petits groupes leurs condoléances à la famille endeuillée.
« Qu’avons-nous fait pour mériter de perdre nos proches comme cela? », s’exclame le commerçant, inconsolable comme les autres membres de cette famille qui survit grâce au commerce de l’essence de contrebande avec le Nigeria.
La veille, l’un des principaux entrepôts de stockage d’essence situé à Sémè-Kraké, ville frontalière avec le pays pétrolier voisin, est parti en fumée en quelques minutes.
Vingt-quatre heures plus tard, il ne reste que des murs et les carcasses de voitures et motos calcinées.
Aux alentours, toutes les boutiques ont leurs portes défoncées. Les occupants et les riverains ont dû, la veille, tout forcer pour récupérer ce qui pouvait l’être avant l’arrivée des flammes.
Massavo Houngbo, 42 ans, commerçant vivant lui aussi du trafic d’essence n’en revient toujours pas. Lui et son fils aîné ont échappé de justesse à la mort.
« J’avais des dizaines de bidons là-bas », raconte-t-il.
« J’avais accompli des formalités pour un de mes chargements qui partait pour Cotonou. Mais le véhicule pour le convoyage a pris du retard et j’ai dû quitter les lieux avec mon fils pour revenir plus tard ».
Dix minutes après son départ, une détonation, puis une énorme fumée noire.
« Nous avons perdu énormément dans cet incendie, mais nous ne pouvons pas pleurer les pertes. Nous sommes en vie et cela n’a pas de prix », dit l’homme en tenant sa tête entre ses mains.
Selon un bilan des autorités samedi soir, 34 personnes dont deux bébés ont péri dans les flammes. Et vingt personnes ont été blessées, certaines grièvement, et admises à l’hôpital.
Le gouvernement n’avait pas communiqué de nouveau bilan dimanche soir. Une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances.
– Le Kpayo –
Depuis les années 80, le carburant du Nigeria, l’un des premiers producteurs de pétrole en Afrique, transite illégalement jusqu’au Bénin voisin où l’essence est revendue le long des routes par une multitude de vendeurs informels.
Cette essence de contrebande, appelée le « Kpayo », est devenue la principale source de carburant au Bénin, et elle fait vivre des dizaines de milliers de personnes.
Elle était, jusqu’en mai dernier, presque trois fois moins chère que celle vendue dans les stations-services béninoises, car le Nigeria subventionnait jusqu’alors son carburant.
Mais ce commerce comporte de grands risques du fait de la précarité des conditions de stockage et de transports, et les incendies mortels sont fréquents.
Depuis 2018, le gouvernement tente de mettre fin à ce trafic et de formaliser le secteur, en encourageant la création de station-services mais aussi la réinsertion des acteurs du secteur par des formations.
Mais l’ampleur du secteur est telle que même la fin des subventions sur le carburant au Nigeria voisin, décidée fin mai et qui a fait tripler le prix du Kpayo, le rendant plus onéreux que l’essence vendue légalement dans les stations, n’a pas mis fin aux trafics.
« Le drame qui vient de se produire nous rappelle l’impérieuse nécessité de régler la question du kpayo », a déclaré samedi soir à la presse le ministre béninois de l’Economie, Romuald Wadagni.
« On dénombre au Bénin 54.000 points de vente de l’essence de contrebande », selon lui.
« Et nous faisons tous le constat qu’on ne peut plus continuer à vendre l’essence en bouteille…Nous sommes convaincus qu’en donnant un métier décent à ces acteurs, ils vont pouvoir changer d’activité », a-t-il ajouté.
Selon lui, plus de 5.000 personnes ont déjà pu bénéficier d’une formation dans le textile pour changer d’activité.
A la frontière, les revendeurs se disent sous le choc.
« Il y a eu trop de dégâts », dit l’un d’entre eux, sous le couvert de l’anonymat. « Il faut que l’Etat nous apporte son aide parce que nous n’avons pas d’autre métier à faire à part celui-là ».
SOURCE : AFP