« Des millions de personnes dans le monde recourent en premier lieu à la médecine traditionnelle pour traiter de nombreuses maladies », avait affirmé en mars 2022, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus (Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé/OMS) lors de la signature d’un accord entre le gouvernement indien et l’agence onusienne portant création du Centre mondial de médecine traditionnelle.
Le terme « médecine traditionnelle » décrit la somme totale des connaissances, des compétences et des pratiques que des cultures autochtones et différentes ont utilisées au fil du temps pour préserver la santé et prévenir, diagnostiquer et traiter les maladies physiques et mentales. La médecine traditionnelle englobe des pratiques anciennes, comme l’acupuncture, la médecine ayurvédique et les mélanges à base de plantes, ainsi que les médecines modernes.
Environ 80 % de la population mondiale a recours à la médecine traditionnelle, selon l’OMS.
Depuis des générations, la grande majorité de la population africaine compte sur la médecine traditionnelle qui constitue la source principale à laquelle cette population recourt pour combler ses besoins en soins de santé, car il est reconnu que la médecine traditionnelle est fiable, acceptable, d’un prix abordable et accessible.
Ainsi, plusieurs praticiens de la médecine traditionnelle ou « traditérapeutes » offrent leurs services à la population.
Au Togo, Michel Akpo, 74 ans, est un grand tradithérapeute très connu dans la capitale. L’homme vit à Adakpamé, l’un des quartiers populaires de Lomé où il exerce son métier depuis 1982.
« Mon père était un grand tradithérapeute. En 1966, il a guéri un patient qui souffrait d’une maladie bizarre. Tout son corps était recouvert de plaies. Après quelques jours de traitement à base des plantes, sa peau était redevenue normale », se souvient encore M.Akpo, avant de poursuivre : « j’ai été tellement séduit. Alors, j’ai commencé à m’intéresser à la chose ».
Ce mécanicien de formation, car titulaire d’un CAP mécanique Auto, alliait son travail et le boulot d’apprenti traditérapeute. Mais l’homme finira par se consacrer totalement à la médecine traditionnelle à partir de 1982, après avoir reçu une bonne dose de notions auprès de son père.
« Je me suis lancé dans l’étude des plantes de 1982 à ce jour. Je me déplace beaucoup à l’intérieur du pays et dans d’autres pays de la sous-région. Je fais assez de recherches. A travers la médecine traditionnelle, j’ai découvert beaucoup de choses », se réjouit le +vieux+ assis dans un fauteuil installé sur une grande terrasse. Il avait à côté de lui, une petite chauffe-eau à moitié remplie de gingembre, de clou de girofle etc. : « je prends un petit verre de cette infusion chaque jour. C’est bon pour l’organisme », murmure-t-il à l’oreille du journaliste de l’Agence Savoir News.
Les recherches effectuées par ce tradi-praticien, sont minutieusement notées et bien conservées dans plusieurs cahiers et agendas de différents formats.
Ce dernier soigne des patients souffrant de plusieurs pathologies: le diabète, l’hypertension, l’hémorroïde, les faiblesses sexuelles, l’infertilité, les fibromes (en fonction de son degré d’évolution), la sinusite…
Mais l’homme a une particularité : « Je traite mes patients sur la base des analyses du médecin, qui montrent qu’ils souffrent réellement du mal. J’ai également des fiches et je prescris des analyses. C’est la première étape avant le traitement d’un patient, et c’est très important pour moi ».
« De l’or » (comme l’appellent certains de ces amis) a confectionné ces fiches d’analyses à l’image des fiches des grands hôpitaux.
On m’appelle « De l’or », parce que « tout ce qui brille n’est pas de l’or. Je ne brille pas, mais je suis de l’or », explique le vieux au regard vif.
‘La guérison d’abord’
« Chez moi, c’est la guérison d’abord. Mais je réclame toujours un petit forfait avant le début du traitement. Car le traitement de toute pathologie nécessite l’achat d’ingrédients. La plupart des patients que je soigne reviennent toujours vers moi, après guérison », précise ce tradi-praticien.
« Il y a 26 ans, j’ai traité un Monsieur qui souffrait d’un mal dont je ne révèle pas le nom. Il s’est promené partout: centres de santé, guérisseurs, couvents de vaudou… Mais avec moi, il est totalement guéri, après mes traitements. Et trois ans après, il a voyagé. Je l’ai totalement oublié. En 2017, j’ai reçu un coup de fil et le Monsieur me dit : +Si je vis aujourd’hui, c’est grâce à toi+ Il a décidé de m’allouer une petite pension par mois depuis deux ans. Et je reçois le transfert tous les mois ».
En Afrique, le patient qui se rend chez un tradipraticien, peut se faire soigner avant de revenir lui offrir de « petits cadeaux » en guise de reconnaissance. Il suffit seulement de glisser un petit forfait et parfois deux ou trois bouteilles de boissons locales avant le traitement.
On se demande parfois s’il n’est pas possible de légaliser l’accès à la médecine traditionnelle sans léser les praticiens et par la même occasion œuvrer à protéger le patient ou le malade qui choisit ce type de soins.
C’est vrai que des problèmes subsistent dans la pratique de la médecine traditionnelle notamment les problèmes liés au respect des règles éthiques dans l’exercice de la fonction pour ainsi extirper des +charlatans+ qui discréditent la profession en s’improvisant tradi-praticiens ou phytothérapeutes, les problèmes d’efficacité des plantes et des produits utilisés, mais aussi les problèmes d’innocuité, de sensibilité, de dosages et d’effets secondaires.
‘On fait souvent peur aux gens’
« On fait souvent peur aux gens, en évoquant le problème de dosage des produits et du blocage des reins. C’est vrai que certains vendeurs d’illusions se sont infiltrés dans le rang des tradi-praticiens et sèment du désordre, parce qu’ils ne maîtrisent pas les plantes et les notions de traitement. Quand je traite un patient, je prends soin d’utiliser aussi des plantes pour protéger ses reins. C’est très important », précise M.Akpo, indiquant au journaliste de l’Agence Savoir News, une plante bien logée au milieu de sa cour : « elle est là pour débloquer les reins ».
« Je le dis haut et fort, les plantes parlent. Elles guérissent plus que nos produits chimiques dont certains sont aujourd’hui, d’origine douteuse. Car beaucoup de médicaments contrefaits pullulent sur nos marchés. On les trouve partout », dénonce le praticien de la médecine traditionnelle.
« Avec les plantes, on peut guérir proprement le diabète. Il suffit que le patient respecte certaines consignes, après le traitement, parce que le pancréas qui sécrète l’insuline est un organe très sensible. Donc, le patient doit faire attention à son alimentation après le traitement. On peut aussi traiter l’hypertension par les plantes et de manière propre », affirme avec force M.Akpo.
En Afrique, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 100.000 décès par an sont liés au commerce de médicaments contrefaits.
Un médicament contrefait est « un médicament dont l’identité et/ou l’origine est délibérément et frauduleusement falsifiée », qu’il s’agisse de produits de marque déposée ou de génériques, souligne l’agence onusienne qui affirme que plus de 30 % des médicaments vendus sont des contrefaçons dans certaines régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine.
Le groupe de réflexion britannique International Policy Network estime que les faux antituberculeux et antipaludiques sont à l’origine de 700.000 décès par an dans le monde, l’équivalent de « quatre avions gros-porteurs remplis de passagers s’écrasant chaque jour ».
« Revenons à nos sources et faisons seulement confiance à certaines choses que nos parents nous ont léguées. En tout cas, les lignes bougent, même si le rythme est lent », se réjouit M.Akpo.
La journée de la médecine traditionnelle africaine a été instaurée en 2003 et depuis lors, on assiste à la mise en œuvre des stratégies régionales de l’OMS pour la promotion et le renforcement du rôle de la médecine traditionnelle dans les systèmes de santé. FIN
Propos recueillis par Junior AUREL