Emmanuel, 8 ans est fréquent aux abords des feux tricolores du boulevard du 13 janvier où il quémande son pain quotidien. Abandonné par ses parents, le jeune garçon n’eut d’autres choix que de longer chaque jour, les grands axes du centre-ville de la capitale togolaise.
Approché par une équipe de Savoir News, il a déclaré passer toutes ces nuits dans les rues, la famille étant disloquée.
« C’est d’abord, ma mère qui nous a abandonnés ma sœur et moi ; pour se remarier. Ce fut ensuite le tour de mon père de quitter la maison, sans nouvelles jusqu’à ce jour. En fin, le propriétaire de la maison a fini par nous chasser car nous n’avions pas de quoi payer le loyer. Ma sœur est partie rejoindre son petit copain et moi sans aucun repère je me suis retrouvé dans la rue », a-t-il confié.
Roger son ami, dépassé par la tournure que prenait sa vie, a préféré fuir la maison.
« Moi je ne sais pas par où commencer mon histoire. Depuis le jour où ma maman a quitté le foyer, la situation était devenue invivable à la maison. Mon père ne faisait que nous tabasser comme si c’était de notre faute si notre mère est partie. Et dans la foulée ma grande sœur est tombée enceinte en classe de 4ème. Après son accouchement elle sort et me demande de garder son enfant. J’étais obligé de trimbaler le bébé à longueur de journée puisque je n’allais plus à l’école. C’est moi qui cherchais même à manger pour l’enfant. Un matin j’ai simplement quitté la maison et je n’y suis jamais retourné. Çà fera bientôt deux ans », a confié pour sa part le jeune Roger.
La recrudescence du phénomène des enfants de la rue n’est plus à démontrer. A chaque enfant de rue, son histoire. Et le phénomène prend de l’ampleur, emballe des enfants de moins de 10ans obliger de quémander, de travailler car le droit à l’alimentation reconnu par les Nations unies ne leur est plus applicable.
On compte plus de 7.000 enfants de rues (dont 1800 filles ) — âgés pour la plupart de 8 à 14 ans — au Togo, selon les statistiques de Hälsa International-Togo en 2020. Halsa international, une association humanitaire qui travaille depuis 2014 avec ces enfants, suit la situation et veille au grain.
« La nuit, nous nous couchons en plein air sur un terrain à Tokoin et le matin nous marchons pour rejoindre le centre-ville. Certains jours lorsqu’on me donne beaucoup d’argent au niveau des feux rouges, je prends un taxi moto pour rentrer et je ne marche plus. Ensuite j’achète un bon plat et je mange et s’il me reste de l’argent, j’en prête aux autres enfants. Les jours où on ne me donne rien dans la journée, je demande à ce qu’on me rembourse pour que je puisse manger. C’est ce que nous faisons tous », a précisé Emmanuel (8ans).
« Lorsque qu’il pleut la nuit, nous courons nous abriter sous les hangars et nous dormons parfois assis car le sol est mouillé. Si l’un d’entre nous tombe malade et qu’il n’a pas de quoi s’acheter les médicaments chez les bonnes dames, nous cotisons pour lui et quand il est rétabli il nous rembourse tout simplement », a poursuivi le jeune enfant.
Les jeunes filles, aussi touchées par le phénomène
Si d’ordinaire l’étiquette d’enfants de la rue est beaucoup plus collée aux jeunes garçons, de nos jours, les jeunes filles ne sont pas épargnées. Même si leur présence aux abords des feux tricolores n’est pas récurrente, les jeunes filles aussi se retrouvent à la rue. Et le récit de leur vie peut parfois choquer.
« Je suis venue de Sotouboua avec ma grande sœur pour chercher une meilleure vie à Lomé. Nous avions atterri sur le site de l’hôtel de la paix au niveau de la plage où nous avons passé les premiers mois. Bizarrement un matin je me suis réveillée et je n’ai plus retrouvé ma sœur. J’ai passé deux jours là-bas affamé et le troisième jour je suis sortie demander de l’argent à tous ceux que j’ai rencontrés sur mon chemin pour pouvoir manger. J’ai fini par rencontrer un groupe d’enfants dans la même situation que moi et c’est devenu ma nouvelle famille. Jusqu’à ce jour je n’ai toujours pas de nouvelles de ma sœur », a confié Rébecca (12 ans).
« Mon histoire ressemble à un film d’horreur pourtan,t c’est la triste réalité. Rejeté tout d’abord par mes deux parents, j’ai ensuite été rejetée par ma famille paternelle qui disait que j’étais une sorcière. Chassée de la maison, je me suis retrouvée à la plage où je dormais. Là-bas j’ai subi des viols successifs sans pouvoir me défendre. J’ai fini par quitter l’endroit pour rejoindre un groupe d’enfants au niveau du terrain de Tokoin et qui sont dans la même situation que moi », a aussi confié Akouvi la quinzaine.
« Ici nous sommes au total sept filles. Lorsque les garçons sortent le matin, nous restons sur place parce qu’on nous a dit que les filles ne doivent pas demander de l’argent et à leur retour, ils nous donnent un peu de ce qu’ils ont. Mais aujourd’hui nous sommes obligées de sortir aussi parce que les garçons ne nous remettent plus rien et affamées, nous sommes donc obligés de sortir chercher de quoi nous nourrir », a ajouté la jeune fille.
Quand les enfants préfèrent la rue à la maison
Parmi ces enfants en situation de rue, certains sont retrouvés par des proches parents, amis de la famille, connaissances et parfois des parents qui les ramènent de gré ou de force à la « maison ».
« Je ne peux pas compter le nombre de fois qu’on m’a ramené à la maison mais, je trouve toujours l’occasion de m’échapper parce que je préfère ma vie dans la rue, j’ai des amis dans la rue et cette atmosphère je la préfère à celle de la maison », a lancé un autre enfant du groupe.
Ayant pris goût à la vie des rues, ces enfants finissent par perdre toute envie de vivre en société, dans une famille ou dans une « maison ».
« Nous nous sentons impuissants face à la situation des enfants de la rue parce que en tant que Ong nos moyens sont limités pour venir en aide à ces enfants. Nous avons ce sentiment d’impuissance parce que ce sont des enfants qui sont difficile d’accès vue les conditions dans lesquelles ces enfants quémandent au quotidien. C’est vraiment déplorable de voir les conditions dans lesquelles ces enfants vivent », a souligné M. Christian Talma chargé de programmes du Centre Kékéli spécialisé dans la protection des droits de l’enfant.
« Pour beaucoup d’enfants, ce n’est pas leur faute lorsqu’ils se retrouvent dans cette situation parce que les premiers responsables de cette situation des enfants, ce sont les parents parce qu’ils sont censés inculquer les différentes valeurs à ces enfants et malheureusement, certains parents arrivent à chasser leurs enfants de la maison soit disant qu’ils sont possédés », a-t-il ajouté.
La recrudescence du phénomène des enfants de la rue ne laisse personne indifférent mais que devons-nous faire face à l’ampleur du phénomène qui est un véritable fléau social ? FIN
Chrystelle MENSAH
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