Le premier sommet international sur la cybersécurité en Afrique s’est ouvert ce mercredi à Lomé, lors d’une cérémonie présidée par le chef de l’État togolais Faure Gnassingbé, a constaté un journaliste de l’Agence Savoir News.
Le président togolais avait à ses côtés, le Premier ministre Mme Victoire Tomégah-Dogbé et la présidente de l’Assemblée nationale Mme Yawa Djigbodi Tsègan.
Co-organisé par le Togo et la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), ce sommet permettra aux participants composés notamment de spécialistes en cybersécurité et en développement numérique de se pencher sur la conception d’approches innovantes pour répondre aux enjeux de cybersécurité en Afrique, les enjeux de cybersécurité dans les politiques publiques en Afrique, le financement et l’opérationnalisation des stratégies de cybersécurité sur le continent.
Avant son intervention, le président togolais a reçu le Prix du « Champion d’Afrique de la cybersécurité », distinction honorifique décernée par la CEA . Et ce prix lui a été remis par Mme Vera Songwe, secrétaire exécutive de l’institution.
La déclaration dite de Lomé a été également rendue publique, texte lu par Mme Cina Lawson, ministre de l’économie numérique et de la transformation digitale.
« Le sommet de Lomé, premier du genre en la matière sur notre continent africain, a la lourde obligation d’apporter des réponses idoines à ce double enjeu et de tracer la voie à suivre. Dès lors, il prendra tout son sens et sera d’une utilité certaine », a souligné le président togolais.
Selon Faure Gnassingbé, « seule la coopération numérique entre les Etats, dans un cyberespace où règneraient les principes universels relatifs à la paix et à la sécurité, à l’équité, aux droits humains et au développement durable, apparaît de plus en plus comme la condition essentielle pour tirer à la fois le meilleur profit de la révolution numérique en marche et mobiliser, en même temps, toutes les énergies et toutes les ressources nécessaires pour endiguer durablement la cybercriminalité sous toutes ses formes et manifestations ».
Cadres juridiques
L’une des préoccupations majeures de l’Afrique, a-t-il poursuivi, « est la cybersécurité. Nos États doivent ensemble établir des cadres juridiques pour réglementer l’utilisation du cyberespace et réprimer les cybercrimes et activités connexes ».
Le président togolais a appelé à la mise en œuvre de la Convention de l’Union africaine (UA) sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel, adoptée à Malabo en Guinée Équatoriale le 27 juin 2014, dont l’objectif est d’assurer la coopération efficace et efficiente des pays africains en matière de cybersécurité, de lutte contre la cybercriminalité et de protection des données à caractère personnel.
« Au Togo, le Parlement a adopté le 29 juin 2021 la loi autorisant la ratification de cette Convention en vue de permettre son intégration dans notre législation nationale. La volonté du Gouvernement de faire du numérique un vecteur de croissance et de développement du pays comporte le risque aussi de voir les activités criminelles s’intensifier en ligne. Les tenants de ces activités criminelles bénéficient de la rapidité, de la simplicité et de l’efficacité de la digitalisation, ce qui facilite la croissance exponentielle de leurs actes », a-t-il précisé.
Le choix du Togo pour abriter ce sommet est lié non seulement à la position stratégique du pays dans la sous-région ouest africaine, mais aussi et surtout à sa politique de développement de l’économie numérique.
Selon plusieurs observateurs, le pays reste un modèle en cybersécurité. Ces dernières années, le gouvernement togolais a opéré des réformes structurelles avec l’amélioration et l’achèvement du cadre législatif et réglementaire dans le domaine des Technologies de l’information et de la communication (TIC).
Le pays dispose d’une Agence nationale de la cybersécurité (ANCy) et d’un Centre national de réponse aux incidents de cybersécurité (CERT) dont la mission est d’identifier, d’analyser et d’atténuer les cybermenaces affectant l’État togolais, les citoyens, les entreprises et les organisations.
Le CERT est opéré par Cyber Defense Africa S.A.S (CDA), en tant que service délégué par l’Agence nationale de cybersécurité (ANCy).
« Ces structures assurent la cybersécurité pour les programmes de transformation digitale du pays qui, entre autres, prévoient la numérisation complète de 75 % des services publics et sociaux ainsi que la couverture de 100 % de la population éligible par un nouveau système national d’identification biométrique d’ici 2025 », a précisé M.Gnassingbé.
Des chiffres inquiétants
Selon McAfee, en 2020, les coûts de la cybercriminalité ont augmenté de plus de 50 % au cours des deux dernières années, dépassant désormais 1 000 milliards de dollars dans le monde, soit plus de 1 % du PIB mondial.
La cybercriminalité a réduit le PIB de l’Afrique de plus de 10 %, pour un coût estimé à 4,12 milliards USD en 2021, indique le rapport Kaspersky. Et Interpol reconnaît qu’en juin 2020, l’Afrique du Sud comptait le troisième plus grand nombre de victimes de cybercriminalité dans le monde, pour un coût d’environ 147 millions de dollars par an.
Les cybermenaces ont augmenté au cours du premier semestre 2021. Par exemple, le Kenya a enregistré 32,8 millions d’attaques, l’Afrique du Sud 31,5 millions et le Nigeria 16,7 millions.
« Des quantités massives de données personnelles sont actuellement interceptées en grande partie en dehors de l’Afrique, ce qui place le contrôle de ces données entre les mains de vendeurs et de plateformes situés hors d’Afrique. Les cybercriminels constituent également une menace pour la sécurité nationale. Par exemple, l’agence éthiopienne de sécurité des réseaux d’information (INSA) a déjoué une attaque en juin 2020 », a souligné la secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique.
« Ces évolutions indiquent à quel point la cybercriminalité peut fragiliser l’économie numérique africaine, ainsi que d’autres aspects, notamment sociaux, politiques, la stabilité et la sécurité nationale. En outre, l’Afrique manque de capacités dans divers domaines pour relever les défis auxquels elle est confrontée », a relevé Mme Vera Songwe.
A en croire cette dernière, plus de 90 % des entreprises africaines opèrent sans utiliser les protocoles de cybersécurité nécessaires.
Elle a également noté une pénurie de professionnels de la sécurité certifiés, car le nombre estimé de professionnels de la sécurité certifiés en 2018 était de 7.000, soit 1 pour 177.000 personnes et l’insuffisance du cadre juridique/réglementaire sur la cybersécurité et la protection des données.
Ainsi, sur les 54 pays africains, 28 disposent d’une législation sur la protection des données (52%), et 6 sont en train de rédiger une législation (11%).
« À l’heure des cyber incertitudes, chaque nation africaine doit également créer son propre programme national de cybersécurité », a-t-elle martelé.
Pour ces deux jours de travaux, sont prévus : des panels ministériels et d’experts, des échanges de savoir-faire, des keynotes, des networking autour d’une dizaine de thématiques principales.
Les panels ministériels ont pour intitulés : Comment placer les enjeux de la cybersécurité au cœur des politiques publiques en Afrique ? ; Structurer le financement et assurer l’opérationnalisation des stratégies de cybersécurité en Afrique ; La lutte contre la cybercriminalité à l’heure du développement de l’économie numérique en Afrique ; Afrique : Vers la mise en œuvre d’une coopération internationale en matière de cybersécurité.
Du côté des experts, on peut noter comme panels : Identifier et mettre en œuvre les facteurs clés de succès pour renforcer la collaboration régionale en matière de cybersécurité ; Secteur privé africain : faire face aux risques croissants en matière de cybersécurité. FIN
Junior AUREL