Florent Eustache Hessou, docteur en socio-anthropologie et développement à l’université d’Abomey Calavi au Benin a récemment défendu sa thèse sur le thème « Représentations sociales de la sorcellerie AZE chez les Fon au sud du Bénin ». Interrogé par Lilianne Nyatcha, il soutient que la sorcellerie est une « science » qui a aussi des vertus.
Que révèlent vos recherches ?
Ma thèse a porté sur un sujet tabou, la sorcellerie. Il paraît que ceux qui ont osé l’aborder pour en faire un sujet de thèse ne l’ont jamais achevé. Je me suis dit qu’il faut que j’affronte ce sujet parce que je suis coach-formateur. Et dans ma formation, on m’a appris que rien n’est impossible.
Donc j’ai fait 07 (sept) années de recherches à travailler sur ce sujet. Est-ce qu’il y a dans la vie, un phénomène qui soit négatif à 100% ? La réponse est non. Alors si la sorcellerie » AZE » tue les gens, cela va vouloir dire qu’on peut y trouver des aspects positifs.
Alors dans ma recherche, je me suis dit que la sorcellerie est un terme chargé négativement par le colonisateur qui a comme mission de noircir la philosophie ou les pratiques endogènes. J’ai découvert qu’en réalité, cette sorcellerie dont on parle n’est qu’une science pratiquée par les sorciers, ceux qu’on appelle ‘’les Azetons ‘’ chez nous. J’ai aussi découvert qu’on peut utiliser cette science dont on dit du mal pour faire du bien.
Vous avez réussi à démontrer que la sorcellerie a aussi des vertus ?
Oui, j’ai réussi cela. Quand vous prenez par exemple la téléportation, c’est une pratique qui peut permettre à un monsieur (sorcier) de rester au Bénin et vous guérir même si vous êtes par exemple en France. Il le peut et il n’a pas besoin de prendre l’avion.
Tout comme il peut vous faire du mal aussi à partir du Bénin…
Voilà. C’est-à-dire qu’en réalité ce n’est pas la science en elle-même qui est une mauvaise chose, mais c’est celui qui pratique la sorcellerie qui peut être mauvais.
Donc l’usage que le sorcier en fait……
Oui, c’est l’usage que le sorcier en fait. Ce sont carrément des sciences de la métaphysique que des gens maitrisent par initiation. Par contre, il y a d’autres personnes qui ont des capacités naturelles et qui frisent cette science. Il y a des femmes, lorsqu’elles rêvent que vous êtes mort, il n’y a rien à faire. Vous allez partir. Ou bien quand elles rêvent que vous êtes bizarre et vous le disent, deux jours après, il va falloir faire des sacrifices. Ce sont ces femmes-là qu’on appelle chez nous ‘’les sorcières’’ alors que ce sont des prédispositions naturelles qu’elles ont. Elles ont la science de prédire l’avenir.
Pour vous, ce n’est pas la sorcellerie qu’il faut blâmer, mais plutôt les gens qui en font un usage négatif pour nuire ?
Absolument ! Puisqu’ils ont la capacité et la possibilité d’en faire le bien. Ils en font d’ailleurs le bien, mais quand cela arrive, on n’en parle pas.
Un exemple découvert lors de vos recherches ?
Par exemple, il y a un vieux qu’on appelle «grand sorcier du village». Un jour, j’ai un camarade journaliste dont la femme enceinte est arrivée à termes et on devait lui faire une césarienne. On dirigeait la dame vers la salle d’opération qui était déjà préparée. Elle était à deux minutes de recevoir le bistouri quand mon ami a appelé le vieux pour lui expliquer la situation et lui demander son secours. Il a dit de poser le téléphone à l’oreille de la dame. On l’a fait et le vieux a dit quelque chose à l’oreille de la dame et elle a accouché par terre avant d’aller en salle d’opération. Et ça, c’est authentique, ce n’est pas qu’on me l’a rapporté, c’est vrai.
Ne seriez-vous pas en train de confondre la médecine traditionnelle et la sorcellerie ?
Non, ça ce n’est pas la médecine traditionnelle. Mais même nos médecines traditionnelles, on les appelle de la sorcellerie parce qu’il y a des plantes qui ont des vertus que seuls les initiés comprennent. Moi je connais par exemple une plante qui lorsque tu la consommes avec une autre, cela te rend invisible.
Vous l’avez essayé vous-même ?
Non. Moi, mon rôle n’est pas d’essayer, mais d’indiquer.
La sorcellerie évoque souvent la peur, le mauvais sort, un phénomène surnaturel occulte et autres pratiques mystiques. Quel est le rapport à la sorcellerie au Bénin ?
C’est la frayeur et la mort. Ce n’est vraiment rien de positif. C’est en cela que ma thèse a défrayé la chronique. Au Bénin maintenant, je suis le chercheur le plus connu et le plus craint.
On vous assimile aussi un peu aux sorciers…
Oui-oui. On m’assimile aux sorciers. Or, si j’avais pris la sorcellerie, je n’aurais pas pu faire ma thèse. Parce qu’ils m’ont dit que je ne peux pas être initié et faire ma recherche. Sinon je prendrais tous les dévoilements de leurs secrets… D’ailleurs, ils ne m’ont pas raté. J’ai eu chaud pendant deux mois au moins.
Vous envisagez de créer une école de sorcellerie au Bénin. Quel est le but et comment va se passer le recrutement des élèves ?
Mon école s’appelle « Institut métaphysique Imhotep Prométhée ». Il enseigne les sciences que j’ai découvertes dans leur positivité.
Donc, ce sera davantage une école d’initiation
Il y aura de l’initiation mais pas forcément. Ce sera une école de formation sur la métaphysique, c’est-à-dire les trucs qu’on ne peut pas apprendre dans les écoles classiques ou à l’université. Il y aura le savoir, il y aura les connaissances. Est-ce que vous savez par exemple, que quand on prend le caméléon qu’on met dans un tube et qu’il rencontre un scorpion, le tonnerre tombe ? Ça doit tomber !!!La sorcellerie est un coaching, et tout être humain est un sorcier qui s’ignore.
Source : africaradio.com