L’archevêque de Lomé, Mgr Nicodème Barrigah-Bénissan, est lauréat du Grand prix de la littérature togolaise 2020 pour sa pièce théâtrale, Le Trône royal réédité en 2019 aux Éditions Saint Augustin Afrique. L’évêque diplomate et artiste confie à La Croix Africa, sa passion pour l’art.
La Croix Africa : Monseigneur, vous êtes lauréat du Grand prix théâtre de la littérature togolaise. Quelle place occupe l’art dans votre vie et votre mission ?
Mgr Nicodème Barrigah-Bénissan : L’art est une manière d’être, de sentir, de vivre. Il s’agit d’une prédisposition que l’on découvre et cultive patiemment. Le but de l’art n’est pas d’abord de produire des œuvres commerciales mais de transmettre ce que l’on ressent ou saisit de la vie. L’art exprime une réalité intérieure. L’écrivain Eric-Emmanuel Schmitt affirme que « l’art aide à vivre » parce qu’il procure la paix intérieure à celui qui le pratique et transmet des valeurs à ceux qui le reçoivent. Pour moi, l’art est essentiellement un moyen d’évangélisation ; il consiste à exprimer quelque chose de beau, de bien, de grand. Et je le mets volontiers au service de Dieu, des grandes valeurs qui orientent ma vie.
Vous êtes écrivain, mais également chanteur. Comment a commencé votre amour pour l’art et comment l’avez-vous nourri au fil des années malgré vos responsabilités ?
L’art n’est pas une décoration, un ornement que l’on ajoute à ce que l’on fait. Il est essentiellement une manière de faire, de communiquer ce qu’on vit. Ainsi, à travers le chant, tout comme dans mes écrits, je ne poursuis qu’un seul but : faire découvrir quelque chose de beau et de bien aux autres. C’est ainsi que je conçois l’art et cela est inséparable de mes activités. Certes, il faut du temps pour écrire et composer ; mais tout est une question d’organisation. Mes moments d’inspiration sont souvent ceux de mes prières et de mes méditations. En somme, l’art est inséparable de mes responsabilités ; il fait partie de ma manière d’exercer les tâches qui me sont confiées.
Quels défis au Togo pour que l’art soit davantage au service de la foi chrétienne ?
Beaucoup de fidèles ont une âme d’artiste mais se heurtent à de grosses difficultés qui les empêchent de développer leur art. Lorsqu’on manque cruellement du minimum vital, on n’a pas le temps de se consacrer à l’art. De même, lorsqu’on n’a personne pour apprendre de lui comment cultiver ses dispositions naturelles, on en reste souvent à une étape de balbutiement car les œuvres d’art requièrent beaucoup d’exercice. Je pense à tant de jeunes qui ont besoin d’être aidés pour développer leurs potentialités. Comme Église, nous devons essayer de mettre sur pied des cadres propices à l’éclosion et au développement des artistes.
Quels patrimoines artistiques religieux l’Église du Togo laissera-t-elle à la postérité ?
Sur le plan architectural, plusieurs églises s’inspirent non seulement de l’art occidental mais aussi de réalités africaines. Ainsi à côté des cathédrales de Lomé, Aného, Kpalimé, par exemple, qui sont d’un style gothique, nous avons de belles églises et autres réalisations qui sont plutôt d’inspiration africaine, comme la paroisse universitaire Saint-Jean Apôtre de Lomé. Ce sont de précieux patrimoines à préserver.
Dans le domaine musical aussi, notre héritage est constitué à la fois des mélodies latines, allemandes et françaises auxquelles vient s’ajouter notre riche patrimoine togolais. En parcourant le pays, on peut facilement se rendre compte de cette grande diversité qui enrichit l’Église. Le troisième patrimoine qui me vient à l’esprit est celui de la sculpture et de la peinture. Sur ce plan également, nous assistons à l’émergence de l’art d’inspiration africaine : les sculptures de nos églises, les chemins de croix, les motifs religieux de nos ornements liturgiques.
Recueilli par Charles Ayetan