En Afrique, les périodes électorales sont de véritables moments d’expression de tensions ethniques et politiques. En Guinée Conakry, elles sont également des opportunités de positionnement social qui malheureusement endeuille les populations.
Partageant au deuxième jour de l’atelier de la CEDEAO et des Nations Unies sur les bonnes pratiques et les échanges en matière de violences liées aux élections, les Commissaires de la CENI-Guinée,Youssouf Leno et Séraphine Kondiano ont tout d’abord rappelé l’origine des conflits en période électorale dans leur pays.
Pour Youssouf Leno (rapporteur de la CENI-Guinée), les origines des conflits électoraux sont de deux ordres : les origines ethniques et politiques.
Dans le registre des origines ethniques, l’orateur pointe du doigt le mode de gouvernance antérieure.
« Le mode de gouvernance antérieure a inculqué une considération quasi-généralisée, qui a fait que certaines personnes pensent que la prospérité passe par le biais du pouvoir avec ses liens de famille ou de communauté », a affirmé Youssouf Leno au cours de sa présentation.
Abordant les origines politiques, elles s’expliquent selon Youssouf Leno « par l’instrumentalisation de l’ethnie par les faiseurs d’opinions, la tenue des discours politiques basés sur l’ethnie et la communauté d’origine ».
« Ainsi, le conflit est nourri à l’origine par un climat de méfiance et de défiance entre les acteurs du processus électoral, en commençant par le gouvernement pour se terminer à une opposition divisée, en passant par les organisations de la société civile, jugées à tort ou à raison de faire le jeu d’un camp », a-t-il poursuivi.
Précisons qu’en 2013, l’acceptation des résultats des élections législatives en Guinée, avait aussi été une véritable illustration.
Déjà en 2010, entre les deux tours de l’élection présidentielle, les conflits électoraux nés en Haute et Moyenne Guinée entre les deux grandes ethnies du pays, ont accompagné le processus électoral plus d’un mois durant, a avancé Leno.
Réfléchissant au mécanisme de prévention, le Commissaire de la CENI-Guinée Youssouf Leno propose que « pour prévenir la survenance des violences électorales, les organes de gestion des élections doivent être les plus transparentes possibles et surtout faire participer les acteurs les plus importants aux grandes orientations concernant le déroulement des opérations électorales. Cette association des acteurs et partenaires au processus est facteur de prévention de certains conflits superfétatoires nés d’incompréhension entre ces mêmes acteurs du processus électoral ».
En Guinée, beaucoup de cadres de concertation et consultation ont été imaginés par les structures en charge de l’organisation des élections.
C’est ainsi que la Commission Électorale Nationale Indépendante CENI, dans le souci d’organiser des élections obéissantes aux normes universelles (transparence, inclusivité, équité etc…) et d’éviter la survenue d’autres violences liées aux élections, a mis en place quatre outils de prévention des conflits liés aux élections : le Comité Inter-Parties (CIP), la Cellule Technique d’Action et de Suivi du Processus Electoral (C.T.A.S.P.E), le Centre de Commandement Opérationnel (CCO), et l’Unité Spéciale de Sécurisation des Elections (USSEL).
L’Unité Spéciale de Sécurisation des Élections (USSEL), une duplication de la Force Sécurité Élections au Togo
Ayant tiré des leçons des violences lors des élections précédentes, une unité mixte composée des Agents du Haut Commandement de la Gendarmerie et de la Police Nationale a été instituée en mai 2010. Mais c’est entre les deux tours des élections présidentielles qu’elle a effectivement été rendue opérationnelle.
L’USSEL compte plus de 20.000 Agents qui reçoivent une formation sur le déroulement du processus électoral et couvre tous les 15.573 bureaux de vote le jour du scrutin.
Notons que dans des zones à risque, les moyens de locomotion sont mis à leur disposition pour faire la patrouille le jour du scrutin, avec pour objectifs d’encadrer les opérations de vote et apporter une intervention immédiate à tout désaccord ou malentendu constaté. Elle est aussi dirigée dans ses interventions par la cellule technique d’action et de suivi du processus électoral ou le CCO.
En termes de propositions pour prévenir et atténuer les violences liées aux élections, Youssouf Leno et sa collègue Séraphine Kondiano suggèrent un renforcement de l’Éducation citoyenne et de la culture du militantisme au sein des partis politiques, un renforcement de la neutralité de l’Administration et une amélioration du cadre juridique des élections.
L’atelier de la CEDEAO et des Nations Unies sur le partage d’expériences et de bonnes pratiques de prévention et d’atténuation des violences liées aux élections en Afrique de l’Ouest prendra fin demain dans la capitale ghanéenne.
Crédo TETTEH, envoyé spécial à Accra.