Des milliers de fans ont commencé vendredi à Abidjan à rendre hommage à la star du « coupé-décalé », le chanteur ivoirien DJ Arafat, mort dans un accident à 33 ans, lors d’une cérémonie exceptionnelle au cours de laquelle l’artiste a été décorée à titre posthume.
« Le gouvernement de Côte d’Ivoire dit son infini reconnaissance à DJ Arafat, de son vrai nom Ange Didier Houon, pour son immense contribution au rayonnement artistique et à l’influence culturelle de notre pays », a déclaré le ministre ivoirien de la Culture, Maurice Bandaman, lors d’une cérémonie qui va durer jusqu’au matin.
« Le gouvernement nous autorise à le décorer à titre posthume dans l’ordre national du mérite culturel » a poursuivi M. Bandaman, soulignant que DJ Arafat dont « la mort est un conte tragique (…) n’est pas le créateur du
coupé-décalé, mais c’est lui qui par son talent et son génie propre le rend mondialement célèbre ».
« Il a fortement transformé le coupé-décalé, en ajoutant des sonorités nouvelles, des bruits mélodiques à l’image de la pop music et du rock » a salué le ministre ivoirien dans son hommage solennel, affirmant que « le coupé-décalé entre les mains de DJ Arafat se métamorphosa radicalement ».
« Est-ce que les Chinois sont là ? » a lancé Didier Bléou, célèbre animateur de télé en Côte d’Ivoire, aux jeunes venus des quatre coins d’Abidjan pour la cérémonie d’hommage musical qui se déroule au stade Félix Houphouët-Boigny, le plus grand du pays, dans une ambiance festive.
« Il (Arafat) ne peut pas nous quitter comme ça. Nous sommes des +Chinois+ (le surnom donné aux innombrables fans de l’artiste), il fallait qu’on soit présents », a lancé François, un élève de terminale, venu d’Abobo, un quartier populaire de la capitale économique ivoirienne.
« C’est notre idole », a confié Marguerite Yao, arborant un T-shirt à l’effigie de l’artiste sur lequel on pouvait lire : « Adieu Daishinkan » (un des surnoms du chanteur, lié à un héros de BD).
De nombreuses stars ivoiriennes et africaines devaient se produire toute la nuit pour cet hommage grandiose rendu par l’Etat ivoirien : Serge Beynaud, Ismaël Isaac, Koffi Olomidé, Davido, Fally Ipupa, entre autres.
– Ecrans géants dans la ville –
Le quartier du stade était quadrillé depuis le matin par les forces de l’ordre. Quelque 6.500 hommes ont été déployés, selon la radio-télévision publique ivoirienne, pour éviter les débordements.
DJ Arafat, de son vrai nom Ange Didier Houon, est mort le 12 août des suites d’un accident de moto à Abidjan. L’annonce de sa mort avait donné lieu à des scènes d’hystérie parmi ses fans.
Genre musical, mais aussi attitude, le coupé-décalé, musique au rythme endiablé utilisant souvent des sons électroniques, est né en 2003 dans les boîtes de nuit ivoiriennes pour se disséminer ensuite dans toute l’Afrique.
Des écrans géants ont été installés dans des quartiers populaires d’Abidjan, dont Yopougon, Koumassi, Abobo, ainsi qu’à Cocody-Angré où résidait DJ Arafat, pour suivre la cérémonie qui sera aussi retransmise en direct par la Radio-Télévision publique ivoirienne.
Le décès du « Yorobo » (un autre de ses surnoms) a suscité un émoi national en Côte d’Ivoire : dirigeants politiques, stars de football et artistes de renom se sont succédé pour « saluer son talent ».
– Il a ‘révolutionné le coupé-décalé’ –
Né d’un père ingénieur du son réputé et d’une mère chanteuse, le jeune DJ Arafat s’était formé à la musique sur le tas.
DJ dans les maquis de la rue Princesse à Yopougon, le grand lieu de la fête à Abidjan, il avait percé avec le titre « Jonathan » en 2003, avant d’enchaîner les tubes pendant 15 ans : « Kpangor » (2005), Djessimidjeka (2012), Maplorly (2015), Dosabado (2018), entre autres.
Arafat a « révolutionné le coupé-décalé, en mélangeant les sons, les rythmes. Il s’est par exemple inspiré de musiques traditionnelles africaines, mais aussi de l’afrobeat nigérian, du rap, du baile funk brésilien. Il était aussi un danseur exceptionnel et a associé à sa musique des concepts de danse nouveaux », explique Franck Alcide Kacou, directeur label et publishing d’Universal Music Africa (filiale de la multinationale Vivendi), la compagnie qui produisait l’artiste depuis 2013.
« Il était l’artiste le plus influent de l’Afrique de l’Ouest, avec une communauté de deux millions de fans sur facebook. Il avait une véritable aura », selon M. Kacou. « Il commençait à percer en Europe et en Amérique, à toucher un public au-delà de la diaspora ivoirienne ». Sur son dernier album, « Renaissance », sorti fin décembre 2018, il avait invité des artistes internationaux tels que Maître Gims, Dadju, Davido et Fally Ipupa.
« Il est parti de rien, il a pris le trône du coupé-décalé. Vraiment ça c’est quelque chose qui motive les jeunes aujourd’hui, ceux qui n’ont rien », a témoigné auprès de l’AFP une de ses fans, Olga Manou, étudiante.
La star était parfois controversée, pour ses « clashes » sur les réseaux sociaux avec d’autres artistes ou pour ses déclarations homophobes.
« C’était une personnalité clivante. Il était très sensible, d’où ses réactions +sans filtre+. Mais c’étaient aussi des coups marketing », selon M. Kacou.
DJ Arafat avait été désigné « meilleur artiste de l’année » aux Awards du coupé-décalé en 2016 et 2017. Il avait aussi été distingué en 2012 « meilleur artiste africain » au Kora Music Awards, des récompenses musicales panafricaines.
Samedi matin, la dépouille de l’artiste, père de cinq enfants, sera inhumée au cimetière de Williamsville, dans la commune populaire d’Adjamé, à Abidjan.
SOURCE : AFP