La ville de Niamtougou (environ 450 km au nord de Lomé) a été théâtre samedi dernier d’affrontements entre habitants et forces de l’ordre.
Les heurts font suite à l’incarcération d’un enseignant Tadouna Apéta, après une « vive altercation » avec des agents des forces de sécurité. Bilan: une trentaine de forces de sécurité ont été blessées (dont un cas grave) et des dégâts « matériels très importants », selon un communiqué officiel rendu public.
Selon des investigations de l’Agence Savoir News, Tadouna Apéta est membre du Nouvel Engagement Togolais (NET, opposition), parti politique présidé par Gerry Taama. L’Agence s’est rapprochée de M.Taama qui revient sur les faits.
Savoir News: Des échauffourées ont été enregistrées samedi à Niamtougou entre habitants et forces de l’ordre, suite à l’arrestation d’un enseignant Tadouna Épiphane. Selon nos investigations, ce dernier est l’un des militants du NET. Pouvez-vous nous dire ce qui s’est réellement passé?
Gerry Taama: on les informations recueillies sur le terrain, M Tadouna avait laissé sa moto devant une maison en bordure de la route. Venu la chercher au moment où la circulation était bloquée sur la nationale, un agent de police lui a demandé de rester sur place. Il lui a expliqué qu’il n’avait pas à traverser la route, qu’il récupérait son engin pour aller au cours. L’agent n’a voulu rien entendre, et s’en est suivie une altercation où l’agent en est venu aux mains. L’enseignant ne voulant pas laisser embarquer sa moto, il a été interpellé et mis en garde à vue au commissariat de Niamtougou. Ce qui déjà a soulevé une vive émotion dans la ville de Niamtougou. Trois jours plus tard, il a été déféré à la prison civile de Kara, au motif d’outrage à un fonctionnaire de police en exercice. Les « Nawda » dès le lendemain ont sonné le cor de la guerre. Vous savez, l’injustice a une limite, et cette limite a été franchie ce vendredi là. Je rappelle que M Tadouna, à aucun moment n’a voulu franchir la route pour contrevenir aux règlements en vigueur pour la sécurité du convoi présidentiel. Cela fait une vingtaine d’années qu’il vit à Niamtougou, il connaît parfaitement les consignes.
Q: Tadona Épiphane a été libéré samedi. Est-ce le soulèvement des habitants qui a poussé les autorités sur place à le libérer ? L’avez-vous eu au téléphone ? Si oui, que vous a-t-il dit ?
R: Oui, il a été libéré samedi. Il est incontestable que le soulèvement des habitants a été déterminant dans sa libération. Je dois aussi avouer qu’un travail de lobbying a été fait durant toute la journée de samedi, car il fallait d’une part réussir à contenir les manifestants qui remontés, risquaient de causer plusieurs dommages aux édifices publics, et faire comprendre aux autorités la nécessité de trouver une issue rapide à cette situation. Fort heureusement, la raison a fini par prévaloir. On ne peut pas incarcérer quelqu’un ainsi, pour une altercation dans laquelle il était dans son bon droit. Aujourd’hui, à Lomé, même lorsque le convoi présidentiel passe, on ne bloque que la voie occupée par ses véhicules. Il faut revoir le complexe de supériorité qui habite certains agents des forces de défense. Certaines attitudes sont désormais intolérables et le commandement doit le faire savoir à la troupe.
Q: Comment expliquez-vous ces genres de soulèvements, lorsqu’il y a un « petit évènement »?, surtout lorsque les populations s’en prennent aux édifices publics?
R: Ces incidents traduisent un malaise profond, surtout pour ces populations qui subissent quotidiennement des abus de toutes sortes. Le divorce entre l’administration et les populations de nos localités est entamé. Le recrutement à la fonction publique orienté, l’absence d’une administration décentralisée, et surtout le sentiment d’abandon provoquent nécessairement ce genre de sentiments. Doufelgou a un aéroport, qui ne fournit aucune retombée économique sur la ville de Niamtougou. C’est juste un relais, et pour les populations de la localité, voir tous les jours ces voitures dernier cri traverser tels des bolides la ville pour rallier Kara ou Pya, ne peut que créer de la frustration. Aucun hôtel digne de ce nom, aucun restaurant, aucune agence de tourisme ne permet de fixer le voyageur qui descend dans cet aéroport. On dirait qu’il a été planté dans une brousse, où il n’y a que des animaux sauvages. Et quand en plus de cela, on humilie un de vos fils à cause de ceux-là qui passent comme si vous n’existiez pas, la coupe a vite fait de déborder. Le pouvoir doit, par ces multiples incidents comprendre une chose : il n’y a plus de chasse gardée, de fief imprenable. Depuis plusieurs décennies, Doufelgou a toujours été 98% pour le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT, ex-parti au pouvoir). Les temps ont changé. Aujourd’hui, les populations réclament du respect, de la dignité. Mais elles demandent surtout des comptes. Qu’avez-vous fait de notre vote ?
Bien entendu, nous déplorons la mise à sac des édifices publics, mais ce sont des actions à défaut de réponses. Les populations ont posé pendant 5 heures de temps des questions, personne ne leur a donné de réponse. Excédés, elles ont mis le commissariat à sac. C’est pourquoi nous parlons d’administration décentralisée. Un Maire élu aurait sans aucun doute contrôlé la situation. La preuve, nous avons réussi à la tempérer en étant à Lomé, et nous ne sommes pas Maire.
Q: Quel appel avez-vous à l’endroit des populations de Niamtougou et surtout de vos militants dans cette localité du pays?
R: Je ne peux que les féliciter pour leur vigilance. Même contre l’autorité de l’Etat, quand l’arbitraire atteint un seuil intolérable pour notre dignité et les droits de l’homme, le respect des lois n’a plus de sens, puis que l’administration ne les respecte pas non plus. Nous leur demandons de conserver leur mobilisation et leur vigilance, car le temps où on disait que le losso est un mouton qui suit la meute sans broncher est révolu. L’éveil du peuple togolais est national, de Cinkassé à Aného. Aucune ville n’est plus un domaine réservé, une chasse gardée. FIN
Propos recueillis par Junior AUREL
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