Le procès du putsch manqué de septembre 2015 au Burkina Faso s’est ouvert mardi à Ouagadougou, protégé par un dispositif sécuritaire exceptionnel.
Les forces de l’ordre étaient positionnées sur un rayon de 200 mètres autour de la salle des banquets de Ouaga 2000, un quartier huppé de la capitale burkinabè, où le tribunal militaire a été délocalisé pour la circonstance. Toute circulation était bloquée, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Les généraux Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé, cerveaux présumés du coup d’Etat manqué, ont été acclamés par des partisans à leur arrivée à 8H00 (locales et GMT), a constaté l’AFP.
Au total 84 accusés sont jugés, 66 militaires et 18 civils, pour la tentative de putsch du 16 septembre 2015, où des soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) avaient tenté en vain de renverser le gouvernement de transition mis en place après la chute du président Blaise Compaoré. Le RSP était la garde prétorienne de Compaoré, chassé le 31 octobre 2014 par la rue après 27 ans au pouvoir.
Le coup d’État manqué de septembre 2015 a fait au total 14 morts et 270 blessés.
« Dans ce pays nous avons connu beaucoup d’impunité et nous espérons qu’a partir de ce moment, c’est l’heure de la vérité », a déclaré à l’AFP Oscibi Joël, artiste et membre du Balai Citoyen, un collectif de la société civile qui a été en pointe dans les mouvements populaires burkinabè.
Un homme blessé lors du coup d’état manqué, Sibalo Soumaïla, a souhaité que justice soit rendue « en faveur du peuple, parce que c’est le peuple qui s’est sacrifié pour la paix, la sécurité et le développement du pays ».
Des membres de l’Association des blessés du coup d’Etat du 16 septembre 2015 (ABCE) brandissaient des banderoles devant la salle d’audience.
Les autorités ont interdit tout appareil électronique, notamment les téléphones portables, à l’audience et même dans la zone de sécurité de 200 m autour de la salle, y compris aux journalistes. Le public était systématiquement fouillé à l’entrée de la zone.
Une mesure déploré par Abdoulaye Diallo, directeur du centre de presse Norbert Zongo : « Ça me fait quand même mal au coeur que, pour un procès aussi historique, on ne puisse pas permettre à la presse audiovisuelle de capter ne serait-ce que le début du procès. Ça permet au moins aux gens de se rendre compte de ce qui se passe ».
– Procès marathon –
Les accusés risquent tous de « lourdes peines » au terme de ce procès censé durer plusieurs mois, selon des sources judiciaires, qui ont précisé que « la lecture de l’ordonnance de plus de 15.000 pages annoncera la couleur de ce procès marathon ».
Le général Diendéré, qui avait pris la tête du coup d’Etat, et les autres personnes poursuivies sont accusés d’attentat à la sûreté de l’État, meurtres, coups et blessures volontaires.
Le général Djibrill Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères de Compaoré, est lui poursuivi pour « trahison » sur la base de l’enregistrement d’une conversation téléphonique qu’il aurait eue avec le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, dans laquelle celui-ci semble affirmer son soutien au putsch de septembre 2015.
« Nous attendons que la lumière soit faite, la vérité dite et que les réparations et indemnisations aux parents des martyrs et aux blessés réglées », a déclaré avant le procès le président de l’ABCE, Honoré Sawadogo.
Le choix d’un tribunal militaire a été critiqué par la défense, qui redoute une justice politique, aux ordres du pouvoir, ainsi que par Amnesty International.
Ce procès est un « test grandeur nature de la crédibilité de la justice burkinabè », a jugé le président du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), Chrysogone Zougmoré, qui apporte une assistance judiciaire aux victimes.
SOURCE : AFP