La tension est montée d’un cran depuis lundi dernier au Togo — pays secoué depuis plus de deux mois par une crise — suite à l’interpellation à Sokodé d’un Imam très proche du Parti National Panafricain (PNP) de Tikpi Atchadam.
Dans la nuit de lundi à mardi, des manifestants — pour la plupart des jeunes — ont dressé des barricades et brûlé des pneus sur plusieurs rues de cette ville située à environ 336 km au nord de Lomé.
Des forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes. Des heurts ont été enregistrés entre manifestants et forces de l’ordre.
Pour ces deux jours seulement, quatre personnes ont trouvé la mort dont deux militaires lynchés. Plusieurs édifices publics, ainsi que des maisons appartenant à des cadres du parti au pouvoir ont été saccagés et brûlées.
Toujours dans la nuit de lundi à mardi à Lomé, plus précisément à Agoè, des manifestations spontanées ont été enregistrées, avec destructions des biens.
Le gouvernement a dénoncé des « actes à visée terroriste, qui tendent notamment à déstabiliser les institutions de l’Etat et à semer la terreur au sein de la population ».
« Les auteurs et les commanditaires de ces actes qui ne visent qu’à compromettre l’unité nationale seront recherchés et poursuivis conformément à la loi », avait le gouvernement dans un communiqué rendu public sur les médias d’Etat.
Les manifestations se sont poursuivies dans la capitale togolaise mercredi et jeudi, à l’appel de la coalition de l’opposition togolaise, malgré l’interdiction.
Les autorités ont interdit les « marches » les jours ouvrables, décision jugée « arbitraire » par les responsables de ce regroupement de 14 partis politiques de l’opposition, qui ont maintenu leurs manifestations.
Ainsi des affrontements ont été enregistrés ces deux jours dans plusieurs quartiers de Bè. A Lomé, presque tous les commerces avaient fermés leurs portes et la circulation très fluide.
Pour les journées de mercredi et jeudi, l’opposition a dénombré cinq morts, accusant les « milices » du pouvoir de « semer la terreur ».
Ce bilan a été aussitôt démenti par le ministre de la sécurité, le colonel Yark Damehame, pour qui « un mort » a été enregistré (le mercredi à Lomé).
Par ailleurs, 30 personnes interpellées lundi et mardi à Lomé, ont été jugées vendredi par le tribunal de première instance de Lomé.
Seize personnes ont écopé de 18 mois de prison dont 8 mois avec sursis. Dix personnes ont été relâchées et les dossiers de trois mineurs confiés au Procureur de la République.
L’heure à « l’apaisement »
Les activités ont repris depuis vendredi dans la capitale togolaise. Les boutiques ont ouvert leurs portes. Mais à Sokodé, la ville est quasi-déserte, selon des journalistes joints au téléphone par la rédaction de l’Agence Savoir News.
« C’est parfois très difficile de sortir pour acheter du pain à côté. Sincèrement, c’est dur ici », a témoigné un journaliste.
Vendredi, le Premier ministre a rencontré le bureau de l’Union musulmane et les Imams de la région maritime, rencontre au cours de laquelle le chef du gouvernement a appelé à « l’apaisement ».
« Le chef de l’Etat nous a demandé de vous dire qu’en aucun cas, la communauté musulmane ne sera pas stigmatisée, parce qu’on sait le rôle positif qu’elle joue pour le bien du pays. Peut être que la situation qui prévaut aujourd’hui, certains n’ont pas pu faire la démarcation entre leur responsabilité de chef religieux et d’autres responsabilités, notamment sur le plan politique. C’est cette démarcation que certains n’ont pas pu faire. Vous avez toujours la confiance du chef de l’Etat et du gouvernement. C’est ensemble que nous devons travailler pour aller vers l’apaisement de tous les cœurs, vers des solutions fiables et durables », a indiqué M. Klassou.
« Avec la situation actuelle, il faudrait que nous puissions aller tous dans le sens de l’apaisement, dans le sens de la culture du vivre-ensemble. Nous sommes dans la même barque, œuvrons tous pour que cette barque (notre cher pays le Togo) nous amène à bon port. Nous n’allons pas léguer un Togo complètement brûlé à nos enfants. Vous avez toujours la confiance des plus hautes autorités de ce pays », a souligné le chef du gouvernement.
Le même exercice s’est déroulé à Kara (environ 420 km au nord de Lomé), avec les autorités de la Kozah et le bureau de l’Union musulmane dans la localité.
Diplomatie sous-régionale discrète
Le chef de l’Etat béninois Patrice Talon s’est entretenu discrètement mercredi dernier à Lomé avec son homologue togolais Faure Gnassingbé. C’est la deuxième visite du président béninois dans la capitale togolaise en l’espace d’une semaine. Rien n’a filtré de cet entretien, mais selon des sources proches de la présidence, la crise togolaise était en bonne place.
« Le sujet a été largement abordée par les deux chefs d’Etat », a précisé à l’Agence Savoir News, un très proche de Faure Gnassingbé.
Après, ce fut le tour du ministre d’Etat ivoirien de la défense Hamed Bakayoko, reçu vendredi au Palais présidentiel par le président togolais à qui il a transmis un message de son homologue de la Côte d’Ivoire.
« Ce message a trait aux bonnes relations de coopération entre la Côte d’Ivoire et le Togo. Nous avons une tradition de contact, d’échanges. Les deux chefs d’Etat se tiennent informés mutuellement des situations de la sous-région et dans leur pays respectif », avait déclaré à la presse M.Bakayoko.
« J’ai été très heureux et je rentre, rendre compte au président Ouattara. Il s’agit d’un échange de qualité. Nous avons fait le tour d’horizon des enjeux sous-régionaux autour des questions de paix et de sécurité », a-t-il ajouté.
Mais selon certaines indiscrétions, le message a trait, à la crise qui secoue le Togo depuis août dernier, avec le déclenchement des manifestations de la coalition de l’opposition.
Le président ivoirien Alassane Ouattara aurait fait des « propositions » à son homologue togolais pour une sortie de crise au Togo.
Des médias internationaux ont annoncé ce vendredi, une médiation de chefs d’Etat de la sous-région dont M. Ouattara les prochains jours dans la capitale togolaise.
Selon des sources proches des opposants, des contacts sont également menés »«au plus haut niveau », au sein de la sous-région.
Précisons que la coalition de l’opposition (regroupement de 14 partis politiques) exige notamment le retour à la constitution de 1992 et le vote des Togolais de la diaspora. Certains leaders de l’opposition exigent également le départ du président Faure Gnassingbé.
La France a « fermement condamné » les violences récentes qui ont fait plusieurs victimes et appelé les différentes parties « à l’apaisement et à entamer un dialogue ».
Mercredi, la secrétaire générale de la Francophonie, Mme Michaëlle Jean a aussi appelé au « dialogue ».
Ce vendredi la Coordination du Système des Nations Unies, la délégation de l’Union européenne et des ambassades de France, de la République Fédérale d’Allemagne, et des Etats-Unis d’Amérique au Togo ont une fois encore appelé ce vendredi, le pouvoir et l’opposition à un « dialogue apaisé, sincère et constructif, seule voie pour sortir le pays de crise actuelle ». FIN
Junior AUREL
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