« C’est l’heure de Koh-Lanta », rigole un soldat ivoirien en soulevant le radeau de fortune construit avec des branches par ses camarades et lui même au Détachement d’Intervention et d’Aguerrissement Lagunaire (Dial) des Forces françaises en Côte d’Ivoire (FFCI).
Les hommes s’enfoncent ensuite jusqu’au cou dans l’eau boueuse de la lagune Ebrié d’Abidjan, pour rallier avec leur radeau un point de rendez-vous où leur sera délivrée leur nourriture du soir: des poulets vivants…
« La sueur épargne le sang », sourit le sergent ivoirien Soumaila Koné, en dirigeant sa section du Bataillon pilote projetable, qui a vocation à être envoyée sur des théâtres d’opération onusiens.
Dans le cadre des accords de coopération militaire entre la Côte d’Ivoire et Paris, la France, qui dispose à Abidjan d’une énorme base servant principalement comme plateforme logistique pour l’opération Barkhane, dispense notamment des formations à l’armée ivoirienne.
L’armée ivoirienne (23.000 hommes), qui a intégré dans ses rangs 13.000 hommes issus de la rébellion, est en pleine mutation.
Des mutineries en 2014 ont abouti à la nomination de 6000 sergents pour un total de 15.000 sous-officiers ! En 2017 de nouvelles mutineries pour des primes, en janvier et en mai, ont ébranlé le pays, alors que de nombreux militaires se plaignent de leurs conditions de vie.
– Chauves-souris et machettes –
Les autorités ont lancé une loi de programmation militaire en 2016, qui prévoit la modernisation de l’institution, avec une plus grande professionnalisation mais aussi une réduction des effectifs.
Le pays veut à la fois normaliser la chaîne de commandement, qui pose souvent problème depuis la fusion des deux camps nord et sud qui se sont affrontés à partir de 2002, pouvoir fournir des troupes aux forces onusiennes (et ainsi bénéficier d’aides internationales), et former des troupes d’élite capables d’intervenir face à des groupes jihadistes dans un pays exposé (frontières avec le Mali et le Burkina, attentat de Grand-Bassam et ses 19 morts en mars 2016).
Le passage par le Dial, qui accueille des soldats ivoiriens comme français, est une des formations proposées par les FFCI.
Sur la petite île Agobri, rebaptisée l’île aux chauves-souris par les Français en raison des seuls pensionnaires y vivant à plein temps, la section du sergent Koné dégage à coups de machette un « layon » (chemin) dans la forêt tropicale. « Ceux qui sont fatigués laissent la place à ceux qui sont derrière eux », crie-t-il.
« Ce genre d’exercice nous est utile. On doit pouvoir tout faire. c’est un bon entraînement », précise-t-il.
– ‘Se surpasser’ –
Arrivés sur l’île en kayak, les soldats y campent plusieurs jours en effectuant divers ateliers allant des transmissions aux franchissements de zones humides.
« Ils doivent être capables à la fin de refaire les exercices », souligne le major français Philippe, qui rappelle toutefois que l’entraînement va au-delà des simples ateliers. « Je les mets en état de fatigue. Le fait d’être en permanence dans la difficulté, ça crée l’esprit de groupe et de cohésion. Ca leur montre que seul, on ne peut pas s’en sortir. Ce sera forcément en groupe qu’on s’en sortira ».
Pantalons déchirés, cernes, petites blessures aux mains… Les hommes du BPP montrent en tout cas un bel entrain, malgré les difficultés.
« Ils adhèrent », se félicite le Major.
« Le but, c’est de leur inculquer différentes techniques de franchissement et de survie commando, dans le but ultime de se préparer à la projection » sur le terrain, explique le lieutenant ivoirien Fortunat Bouberi, qui souligne lui aussi que l’aguerrissement pousse « à se surpasser, à puiser au fond d’eux mêmes ».
« On apprend beaucoup. Les soldats mais aussi les cadres », précise le lieutenant. La formation « représente un plus de la part d’une armée moderne et professionnelle qui a une expérience et un vécu. C’est bon de pouvoir appliquer ce savoir-faire ».
SOURCE : AFP