Les Angolais ont voté mercredi pour choisir un successeur au président José Eduardo dos Santos, qui a décidé de quitter le pouvoir au terme d’un règne autoritaire de trente-huit ans à la tête de son pays, en pleine crise économique.
Le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), au pouvoir depuis 1975, doit sauf coup de théâtre retrouver sa majorité absolue au Parlement et installer son candidat et dauphin désigné, l’ex-ministre de la Défense Joao Lourenço, dans le siège laissé vacant par le « camarade numéro 1 ».
Les bureaux de vote ont lentement commencé à fermer après 17h00 GMT, au terme d’une journée de scrutin où, selon les constatations des journalistes de l’AFP présents à Luanda, ils n’ont pas fait le plein des 9,3 millions d’électeurs inscrits.
Le dépouillement a immédiatement débuté et devrait livrer ses premiers résultats d’ici vendredi.
A la mi-journée, la Commission nationale électorale (CNE) n’y avait relevé aucun incident notable.
« J’ai voté pour ceux qui vont résoudre les problèmes du pays, j’ai voté pour le numéro 4 », le MPLA, a indiqué Rui Francisco Joao, un forgeron de 33 ans qui a fait son devoir électoral dans une école de Bairo Popular, un quartier défavorisé de la capitale Luanda.
« Notre parti a commis quelques erreurs, mais nous allons changer », a-t-il ajouté.
« J’ai voté pour l’opposition parce que notre pays ne peut pas continuer dans la même direction, il faut que ça change », a estimé pour sa part Helder Domingos, 29 ans, un chômeur du même quartier. « Pour nous les jeunes, la situation est critique, il n’y a pas d’emplois ».
‘Besoin de changement’
Malgré une décennie de forte croissance depuis la fin de la guerre civile en 2002, l’Angola reste un des pays les plus pauvres de la planète.
Il y a trois ans, la chute brutale des cours du pétrole, sa principale source de revenus, a précipité le pays dans la tourmente. Sa dette s’est creusée, sa monnaie a dégringolé, l’inflation et le chômage ont explosé.
Tout au long de leur campagne, les adversaires du régime ont insisté sur le ras-le-bol de plus en plus manifeste d’une bonne partie des 28 millions d’Angolais et plaidé pour l’alternance.
« Nous avons besoin de changement », a lancé Isaias Samakuva, le patron de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita), en votant à Luanda. « Aujourd’hui est une date importante ».
« Ça n’a pas de sens, quarante-deux ans après l’indépendance, de voir un pays très riche dont les enfants n’arrivent toujours pas à mener une vie heureuse », a insisté de son côté en sortant de l’isoloir le chef de la Casa-CE, Abel Chivukuvuku.
Ses adversaires reprochent à M. Dos Santos d’avoir mis en coupe réglée des pans entiers de l’économie du pays, confiés à sa famille ou des proches.
Sa milliardaire de fille Isabel, considérée comme la femme la plus riche d’Afrique, est devenue le symbole de cette « privatisation de l’Etat », selon le mot du journaliste d’opposition Rafael Marques de Morais. Son père en a fait l’an dernier le PDG de la compagnie pétrolière nationale, la Sonangol.
Promesse de ‘miracle’
Très matinal mercredi, le président sortant, bientôt 75 ans, a déposé son bulletin dans l’urne dans une école du centre de la capitale, sans faire de déclaration.
Son très probable successeur l’a imité une heure après dans un autre bureau de vote de Luanda, confiant. « Je suis serein. Je vais rester calmement chez moi en attendant que mes collègues du parti m’informent des résultats », a déclaré M. Lourenço.
Apparatchik du MPLA sans grand charisme, ce général à la retraite de 64 ans a fait campagne en promettant de « corriger ce qui va mal ».
Conscient du mécontentement ambiant, le MPLA a inondé ces derniers mois le pays de toute sa puissance financière de parti-Etat et multiplié les inaugurations de grands travaux, ponts ou de barrage.
« Ma mission sera de relancer l’économie du pays », a-t-il déclaré à la presse à la veille du scrutin. « Si j’y parviens, j’aimerais être reconnu dans l’histoire comme l’homme du miracle économique en Angola. »
M. Lourenço a aussi promis de « combattre la corruption ». Mais beaucoup doutent de sa volonté de s’attaquer au « système » de son prédécesseur.
Même usé par la maladie, M. Dos Santos doit rester président du MPLA jusqu’en 2022. Il a verrouillé sa sortie en faisant voter des lois qui lui assurent une large immunité judiciaire et gèlent pour des années toute la hiérarchie dans l’armée et la police.
Dans ce contexte d’usure du pouvoir et de crise, les analystes tablent sur un net recul électoral du MPLA, qui avait réuni 72 % des voix il y a cinq ans.
SOURCE: AFP