La destruction des mausolées de Tombouctou évaluée à 2,7 millions d’euros

La Cour pénale internationale (CPI) a déclaré jeudi que le jihadiste malien Ahmad al Faqi al Mahdi avait provoqué pour 2,7 millions d’euros de dégâts en faisant détruire en 2012 des mausolées de la cité historique de Tombouctou, dans le nord du Mali, et ordonné des réparations pour les victimes, les premières dans le cadre d’un procès pour destruction de biens culturels.

« La chambre ordonne des réparations individuelles, collectives et symboliques pour la communauté de Tombouctou, reconnaît que la destruction des bâtiments protégés a causé de la souffrance aux personnes à travers le Mali et la communauté internationale et estime M. Mahdi responsable pour les réparations à 2,7 millions d’euros », a déclaré le juge Raul Cano Pangalangan.

Le Touareg a été condamné en septembre dernier à neuf ans de prison pour avoir « dirigé intentionnellement des attaques » contre la porte de la mosquée Sidi Yahia et neuf des mausolées de Tombouctou, classés au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco.

Toutefois, étant donné l’indigence du jihadiste, la Cour encourage le Fonds au profit des victimes, organe indépendant mis en place par le statut de Rome, traité fondateur de la CPI, à « compléter les réparations ordonnées » et à lever des fonds à cette fin.

Créé en 2004, le Fonds, qui reçoit des contributions volontaires versées par les gouvernements membres de la CPI, d’organisations internationales et de particuliers, devra présenter d’ici au 16 février un projet de plan de mise en œuvre des réparations.

La CPI a souligné l’importance du patrimoine culturel et de ces biens « uniques (qui) revêtent une valeur sentimentale ».

« Leur destruction porte un message de terreur et d’impuissance, annihile une partie de la mémoire partagée et de la conscience collective de l’humanité et empêche celle-ci de transmettre ses valeurs et ses connaissances aux générations futures », a affirmé le juge.

Chemise africaine et crinière bouclée, Ahmad al Faqi al Mahdi a écouté avec attention la lecture de l’ordonnance.

– ’Se relever’ –

Trois catégories de préjudices ont été identifiées par la Cour basée à La Haye : « l’endommagement des bâtiments historiques et religieux attaqués, les pertes économiques indirectes et le préjudice moral ».

Les réparations collectives doivent « permettre la réhabilitation des sites » et « que la communauté de Tombouctou dans son ensemble se relève des pertes financières et du préjudice économique subis, ainsi que de la détresse affective ressentie du fait de l’attaque ».

Par ailleurs, les personnes dont les sources de revenus dépendaient exclusivement des bâtiments attaqués ainsi que les descendants des défunts dont les sites funéraires ont été endommagés doivent bénéficier de réparations individuelles, dont la mise en œuvre est prioritaire, a souligné la Cour.

En termes de réparations symboliques, la CPI a ordonné le versement d’un euro symbolique à l’Etat malien et à la communauté internationale « qui est le mieux représentée par l’Unesco » dans cette affaire pour la souffrance encourue et promeut des mesures comme « l’édification d’un monument ou une cérémonie de commémoration ou du pardon afin que soit reconnu publiquement le préjudice moral ».

La Cour a également exigé la publication en ligne des excuses que M. Mahdi avait faites à l’ouverture de son procès en août 2016, les jugeant « sincères, sans équivoque et empreintes d’empathie ».

Après avoir plaidé coupable, il avait en effet demandé pardon à son peuple pour avoir saccagé ces monuments à coups de pioche, de houe et de burin, assurant être « plein de remords et de regrets ».

Né vers 1975, il était un membre d’Ansar Dine, l’un des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda qui ont contrôlé le nord du Mali pendant environ dix mois en 2012, avant d’être en grande partie chassés par une intervention internationale déclenchée en janvier 2013 par la France.

En tant que chef de la Hisbah, la brigade islamique des moeurs, il avait ordonné et participé aux attaques contre les mausolées de cette ville fondée à partir du Ve siècle par des tribus touareg et devenue un grand centre intellectuel de l’islam.

Il s’agit de la seconde ordonnance de réparations dans l’histoire de la Cour établie en 2002 pour poursuivre des auteurs présumés de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, après celle rendue en mars à la suite du procès de l’ancien chef de milice congolais Germain Katanga.

SOURCE : AFP