L’Afrique, notamment la sous-région ouest-africaine est de plus en plus menacée par différentes sortes de violences : attaques terroristes par-ci, explosion de kamikazes par-là… : on se souvient encore des filles de Chibok (Nigeria) enlevées par des membres de la secte islamiste Boko Haram.
Jamais de tels cauchemars n’ont circulé dans l’imagination des populations, mais le pire est que ces faits sont réellement vécus, des images qui s’enregistrent dans les esprits avec un automatisme indescriptible.
Selon des dépêches des agences internationales, deux paysans ont été tués le 16 juin dernier dans leurs champs dans le village de Soumouni (au Mali) par six hommes armés circulant sur trois motos ».
La veille, un véhicule de l’armée malienne a sauté sur une mine posée par les terroristes. Bilan : un militaire tué et deux autres blessés.
Au moins neuf personnes ont été tuées et des dizaines d’autres enlevées le 2 juillet lors d’une attaque dans le sud-est du Niger par des combattants présumés de Boko Haram.
Et pour renforcer une panique presque permanente, on découvre au moins neuf insurgés de Boko Haram et 100 complices, « fondus » dans une masse de 920 réfugiés nigérians en provenance du Cameroun.
Des situations aussi bien inquiétantes que curieuses où les images projetées par la presse ou publiées sur les réseaux sociaux, contribuent à formater les esprits. Des mots et expressions nouvelles sont progressivement entrés dans le vocabulaire des communautés et devenus courants : terrorisme, extrémisme, extrémisme violent, radicalisme, Daesh, Aqmi, Mujao, Ansar Dine, etc. et la panique monte…
Protection ou contrainte…
« Je les ai rejoints pour faire vivre ma famille. Je n’avais pas de salaire, mais je bénéficiais d’aides ponctuelles », a avoué le 19 juillet 2016 à Tombouctou, un ex-engagé (Ansar Dine), interrogé par une équipe de ISS-Dakar lors d’une étude sur la question des jeunes « djihadistes »au Mali.
« Avec les vidéos d’exactions, des combats des autres djihadistes dans le monde, les débats en groupe, j’ai trouvé mon chemin », a déclaré dans la même localité, un autre ex-engagé de Ansar Dine/AQMI (Kidal).
Un troisième interviewé à Mopti, a expliqué que rejoindre la Katiba Macina (encore appelée les gens de Kouffa) « est devenu le moyen le plus rapide d’obtenir la main d’une femme, surtout si sa famille possède beaucoup d’animaux ». Pour d’autres, il était question de protection ou de contrainte.
Le fait inaperçu, mais non moins inquiétant, est que les réseaux sociaux et autres médias de grande audience sont devenus les vecteurs inlassables, de ces actes qui mettent à mal la quiétude sociale : le terrorisme a atteint un niveau exceptionnel de gravité et se caractérise par sa dimension médiatique.
L’hyper-médiatisation par les TIC assure un effet psychologique massif aux terroristes qui en recueillent des bénéfices médiatiques.
Violence, terrorisme, extrémisme violent, radicalisme …
La violence est l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès.
Le terrorisme représente un ensemble d’actes de violence (attentats, prises d’otages, etc.) commis par une organisation ou un individu pour créer un climat d’insécurité, pour exercer un chantage sur un gouvernement, pour satisfaire une haine à l’égard d’une communauté, d’un pays, d’un système.
L’extrémisme est la tendance à adopter une attitude, une opinion extrême, radicale, exagérée, poussée jusqu’à ses limites ou à ses conséquences extrêmes. L’extrémiste a la conviction d’avoir la vérité absolue, et est prêt à recourir à tous les moyens pour l’imposer. Il manifeste une incapacité à accepter d’autres opinions et remet en question la norme socialement acceptée.
Quant au radicalisme, il se présente comme une attitude d’esprit et doctrine de ceux qui veulent une rupture complète avec le passé institutionnel. Et plusieurs jeunes de la sous-région se laissent emporter par ce vent de violence et de propagande aux conséquences inconcevables.
Facteurs d’engagement des jeunes
Dans une note d’analyse publiée par l’institut d’Etudes de Sécurité (ISS) dans le cadre du projet « Jeunes, chômage et radicalisation », concernant les jeunes qui grossissent les rangs des groupes armés djihadistes au Mali, le désir de se protéger, de protéger sa famille, sa communauté, son activité économique apparaît comme un des facteurs importants d’engagement, mais les motifs d’adhésion sont divers et interagissent dans la plupart des cas, et varient en fonction des individus, des groupes, des localités et évoluent dans le temps.
Plus de 60 ex-engagés (dont 19 personnes en milieu carcéral) ont été interviewées dans le cadre de cette étude. Et les données recueillies montrent qu’il existe un lien entre le chômage des jeunes et leur implication dans les groupes concernés.
Selon Jeannine Abatan (chercheur ISS-Dakar et membre de l’équipe ayant conduit cette étude), l’utilisation de l’expression « ex-engagés » ne signifie pas que l’engagement a nécessairement été volontaire : « et les raisons pour lesquelles un individu s’associe à un groupe ne sont pas nécessairement celles qui le conduisent à y rester ou à le quitter ».
« La majorité des jeunes rencontrés ont déclaré occuper des postes de subalternes dans la hiérarchie des groupes concernés. Ils n’étaient pas tous des combattants. A titre d’exemple, certains puisaient de l’eau, préparaient le repas, fournissaient des informations, dirigeaient les prières, etc. pendant que d’autres organisaient des patrouilles ou agissaient comme des chauffeurs, messagers, coursiers, mécaniciens, etc. », a-t-elle souligné.
Pour Ibrahim Maïga (chercheur – ISS basé à Bamako et membre de la même équipe), il serait vain de chercher un seul et unique motif d’adhésion des jeunes à ces groupes : « Il faut noter que ces jeunes (essentiellement des exécutants) représentent pour les leaders de ces groupes, des moyens humains nécessaires à la poursuite de leur objectifs. L’analyse indique que la majorité de ces jeunes ont quitté ces groupes de façon involontaire (opération Serval lancée le 11 janvier 2013, …) ».
Mais le constat est que les médias risquent de prêter le flanc à ces actes.
Selon un prêtre (qui a requis l’anonymat), les agissements que nous observons dans le monde aujourd’hui, sont dus à notre éloignement de la parole divine.
« Aujourd’hui, on parle de haine, de terrorisme, de violences, etc. Ce n’est pas ce que la Bible nous enseigne. Il faut que le monde revienne à Dieu et accepte sa parole. Le changement ne viendra en réalité que si nous revenons à Dieu en acceptant de suivre et de vivre selon ses commandements. Dieu nous a déjà donné sa parole de sagesse. Nous devons accepter les commandements de Dieu. Il faut vivre dans la sagesse divine et se laisser diriger et conduire par l’esprit de Dieu », a-t-il martelé.
Pour Alan Kpégo (responsable de société), l’enjeu sécuritaire est de taille : « Lorsque je suis dans un lieu public, je ne passe pas trente minutes sans regarder derrière ! C’est fou, la terreur que ces gens peuvent semer. On trouve des suspects partout ».
« La télé ne cesse de montrer ces images d’explosion dans des stades ou d’aéroports ou encore des restaurants, avec des commentaires de revendications etc. », a-t-il ajouté, invitant les médias à traiter les informations avec responsabilité, car le terrorisme est une menace qui joue en maître des TIC, du choc des images et du poids des mots ».
Violences et extrémisme violent : Les médias, probables vecteurs ?
Il est fréquent de voir (notamment sur les réseaux sociaux), des images d’une rare violence. Ces images et messages sont massivement relayés par les réseaux sociaux et sites internet qui, dans leur course à la priorité et au scoop, oublient souvent le côté choquant des informations véhiculées.
En effet, le rôle de vecteur d’information que jouent les médias a pris une orientation presque ciblée : le choc, le drame, la violence (dont on fait large écho), etc. Il est très visible que les informations qui pullulent nos lignes (à part la politique), sont des incidents avec un accent particulier sur leur côté très négatif, que certains médias n’hésitent pas à mettre en avant : des chiffres exagérés, des accidentés à visage découvert, et bien d’autres images horrifiantes. On fait large écho de la violence, une propagande nuisible à notre jeunesse.
La psychologie du lecteur est agressée, et on a l’impression de n’être en sécurité nulle part. Très accessibles et proches de la jeunesse, les médias en ligne, notamment les réseaux sociaux et les radios communautaires sont parfois des véhicules ignorants de ces informations dont l’impact direct sur les populations est une réalité.
La lutte contre l’extrémisme violent, l’un des défis de la CEDEAO
Elu le 4 juin dernier, Faure Gnassingbé, nouveau président en exercice de la CEDEAO a décidé de faire de la lutte contre l’extrémisme violent, l’une des priorités de son mandat. Et pour mener à bien cette lutte, il est prévu un sommet extraordinaire sur la « paix et la lutte contre l’extrémisme violent en Afrique ».
Selon Marcel de Souza (Président de la commission de la CEDEAO), il s’agit d’une excellente initiative car, « sans la paix, quel développement pouvons-nous avoir, quelle intégration économique pouvons-nous faire… ».
« Le phénomène ayant pris une ampleur régionale, il lui faut une réponse régionale », a-t-il souligné, invitant surtout les pays de la Cédéao à une mobilisation.
Pour le ministre togolais des affaires étrangères Robert Dussey, la sous-région ouest-africaine doit maintenant « agir de manière urgente pour répondre et lutter efficacement contre l’extrémisme dont les conséquences sont incalculables sur la survie des Etats de la région ».
Prévention de la violence et de l’extrémisme violent en Afrique de l’Ouest et au Sahel : les médias peuvent contribuer…
Une bonne formation au journalisme contribue à des pratiques professionnelles et éthiques, et favorise la démocratie, le dialogue et le développement. Les médias professionnels jouent le rôle de garant de l’intérêt public. Et en informant les citoyens, les médias permettent leur participation au développement et renforcent les mécanismes de rétroaction de la responsabilité.
Selon le Général Etienne Adossou (ancien chef d’Etat-major général adjoint des forces armées béninoises), le terrorisme est une guerre de communication : »le terroriste se préoccupe de l’efficacité du message, de l’opinion internationale et publique, de la frayeur et de l’émoi sentis par la population, et de la réaction des groupes de pression, des communautés religieuses ».
Le rôle des médias est donc crucial.
Cette question a réuni à Dakar (du 12 au 14 juin dernier) lors d’un séminaire régional, une trentaine de journalistes (médias en ligne et radios communautaires), ainsi que des experts engagés dans le domaine, pour une réflexion soutenue.
Il était question d’émettre une réflexion à la fois qui émane de leur travail de tous les jours et aussi de leur expérience personnelle dans la région.
La rencontre visait spécifiquement à questionner les pratiques des médias pour prévenir les discours de violence et de l’extrémisme violent.
La rencontre a été marquée par quatre grandes plénières: l’expression de la violence et de l’extrémisme violent dans les médias en ligne, les médias communautaires et l’extrémisme violent, de la responsabilité et rôle des médias et des journalistes en ligne et communautaires, etc.
Il ressort de cette rencontre, un certain nombre de bonnes pratiques à observer notamment, se baser sur les règles éthiques et la déontologie du métier de journalisme.
La transparence, le professionnalisme, le respect de la vie privée, l’impact de certaines informations (les images violentes, certaines déclarations, vidéos, etc.), sont des points à ne pas ignorer. Les participants à ce séminaire ont pu identifier les forces de chaque type de médias.
Notons que la grande décision de cette rencontre a été la mise en œuvre d’une charte à laquelle chaque participant a librement décidé d’adhérer. FIN
Dossier réalisé par Ambroisine MEMEDE
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