Les soldats mutins de Bouaké (centre), épicentre des mutineries de janvier et de vendredi, ont tiré en l’air toute la nuit et bloqué samedi matin l’accès des quatre entrées de la deuxième ville du pays, a constaté un journaliste de l’AFP.
Par ailleurs, à Daloa (centre), des mutins ont également tiré pendant la nuit et continuaient à circuler en ville, selon deux habitants joints par l’AFP par téléphone.
Ce mouvement de grogne survient au lendemain des déclarations du chef d’état-major des armées ivoirien, le général Touré Sekou, qui a menacé vendredi soir les mutins de « sanctions disciplinaires sévères », et alors qu’un représentant de mutins avait annoncé jeudi au nom de tous les soldats renoncer à « toute revendication d’ordre financier ».
« Nous voulons notre argent », a lancé samedi à Bouaké sous couvert d’anonymat l’un des mutins, qui portait une cagoule sur la tête.
Ces mutins ont chassé les policiers qui contrôlent habituellement les « corridors », et ont pris position sur les routes, bloquant les accès à Bouaké et empêchant toute circulation.
Les corridors Nord et Sud sont situés sur le principal axe routier du pays qui part de la capitale économique Abidjan, et poursuit vers le nord jusqu’au Burkina Faso voisin.
Les mutins tiraient samedi sporadiquement en l’air au niveau de ces corridors mais aussi à l’intérieur de la deuxième ville du pays, où les banques et les magasins n’ont pas ouvert samedi matin.
Vendredi, des mutins avaient tiré et pris position autour du camp Gallieni situé au centre d’Abidjan. Ils avaient également tiré en l’air à Akouedo (est d’Abidjan) et paralysé plusieurs villes du pays dont Bouaké, Korhogo (nord), Odienné (nord) et Man (ouest).
Les forces loyalistes avaient de leur côté déployé vendredi un important dispositif à Abidjan, et menacé dans la soirée les mutins de sanctions, lors d’une allocution du chef d’état-major des armées au journal télévisé.
Samedi, la situation était calme à Abidjan, a constaté un journaliste de l’AFP.
« La situation est plus compliquée à Bouaké que dans les autres villes du pays. N’oubliez pas que cette ville fut la capitale de la rébellion », a commenté auprès de l’AFP Yao Kobena, enseignant à Bouaké.
Bouaké a été la capitale de la rébellion à partir de 2002. Une large partie de ces rebelles, qui ont soutenu le président Alassane Ouattara lors de la crise de 2010-2011 contre l’ancien président Laurent Gbagbo qui refusait de reconnaître sa défaite électorale, ont ensuite été intégrés à l’armée. C’est ce contingent de 8.400 hommes qui a lancé la mutinerie de janvier.
Anciens rebelles intégrés dans l’armée, les mutins réclament le paiement de reliquats de primes que leur avait promis le gouvernement après les mutineries de début janvier qui avaient ébranlé le pays.
Les mutins avaient réclamé 12 millions de francs CFA de primes (18.000 euros) et obtenu le versement dès janvier de 5 millions (7.500 euros). On leur avait promis de payer les 7 millions restants par tranche à partir de ce mois de mai.
Toutefois, jeudi soir, un représentant de soldats avait annoncé renoncer à leurs revendications financières, lors d’une cérémonie au Palais présidentiel en présence du président Ouattara et d’autres soldats.
Cette cérémonie, organisée sans la présence de la presse et diffusée en différé après montage, se voulait visiblement un point final à la protestation de l’ensemble des forces de sécurité, mais a finalement déclenché un nouveau mouvement de grogne.
SOURCE : AFP