L’opposition sud-africaine a remis mercredi la pression sur le très contesté président Jacob Zuma en faisant descendre ses troupes dans les rues de Pretoria pour exiger sa démission, avant un nouveau vote de défiance annoncé au Parlement.
Moins d’une semaine après une première vague de manifestations d’ampleur dans plusieurs villes du pays, des dizaines de milliers de personnes se sont à nouveau rassemblées dans les rues de la capitale Pretoria au cri de « Zuma doit tomber ».
Englué depuis des mois dans une litanie d’affaires de corruption, le chef de l’Etat est secoué par une nouvelle tempête politique depuis le remaniement ministériel qu’il a ordonné le 30 mars.
Le limogeage du ministre des Finances Pravin Gordhan, qui s’opposait à lui au nom de la transparence de la gestion des deniers publics, a provoqué la colère de l’opposition et une dégradation de la note financière de l’Afrique du Sud.
La marche de mercredi est pour l’essentiel constituée de militants de l’Alliance démocratique (DA) et des Combattants économiques de la liberté (EFF), les deux principaux partis hostiles au Congrès national africain (ANC) au pouvoir.
Elle doit s’achever devant Union Buildings, siège du gouvernement.
« Je suis venu parce que Zuma doit partir, il a vendu le pays. Je ne veux plus le voir », a déclaré à l’AFP une militante des EFF, Mavis Madisha, 37 ans, noyée au milieu des bérets et T-shirts rouges du mouvement de la gauche radicale.
« Nous disons à Zuma et à sa clique +ça suffit+ », a ajouté un autre membre des EFF, Mthunzi Nxumalo, « il y en a assez de ce pillage ».
« Zuma trompe notre pays », a pour sa part estimé Vasco da Gama, responsable local de la DA à Johannesburg. « Il est grand temps pour l’opposition de s’unir pour la cause commune de l’avenir de l’Afrique du Sud », a-t-il ajouté.
Vendredi, des dizaines de milliers de personnes avaient déjà défilé dans plusieurs villes d’Afrique du Sud pour réclamer le départ de Jacob Zuma.
La DA et les EFF ont également déposé au Parlement une nouvelle motion de défiance contre le chef de l’Etat.
– Défiance –
M. Zuma a balayé d’un revers de main ces protestations, qu’il a qualifiées de « racistes » même si toutes les ethnies, confessions et cultures du pays y étaient représentées.
Non content de susciter la colère de l’opposition, son remaniement a provoqué une crise ouverte au sein de l’ANC.
Plusieurs de ses responsables, le vice-président Cyril Ramaphosa en tête, ont publiquement dénoncé la décision du président de démettre Pravin Gordhan, mais sont depuis rentrés dans le rang.
L’ANC, qui dispose d’une confortable majorité de 249 sièges sur 400 au Parlement, a ainsi promis de rejeter comme un seul homme la motion de défiance de l’opposition, prévue le 18 avril.
Ce vote pourrait toutefois être retardé en raison d’une querelle juridique autour d’un possible vote à bulletins secrets, dont pourraient profiter les rivaux de Jacob Zuma au sein de l’ANC pour joindre leurs voix à celles de l’opposition.
« S’il y a un vote à bulletins secrets au Parlement, il est probable que ceux qui s’exprimeront contre l’ANC obtiennent la majorité », a pronostiqué mercredi le président du Congrès pour le peuple (Cope, opposition), Mosiuoa Lekota.
A la tête du pays depuis 2009, Jacob Zuma, 75 ans mercredi, doit prendre sa retraite au terme de son second mandat en 2019.
Mais l’ANC désignera dès la fin de cette année celui qui le remplacera à sa tête et deviendrait président du pays en cas de victoire aux élections générales de 2019.
M. Zuma soutient ostensiblement la candidature de son ex-épouse Nkosazana Dlamini-Zuma, qui vient de quitter la présidence de la Commission de l’Union africaine (UA), face à M. Ramaphosa.
Cette guerre de succession nourrit de vives tensions au sein de l’ANC. Au pouvoir depuis la fin officielle de l’apartheid en 1994, le parti de l’icône Nelson Mandela a vu son influence reculer, sur fond de chômage record et de déclin de l’économie.
Lors des élections locales d’août dernier, il n’a obtenu que 55% des voix au niveau national, son plus mauvais score depuis 1994.
SOURCE : AFP