Les catholiques ivoiriens ont appelé dimanche à Yamoussoukro à la libération des prisonniers détenus dans le cadre de la crise postélectorale de 2010-2011 en vue d’aboutir à une véritable réconciliation dans le pays après une décennie de troubles politico-militaires.
Des dizaines de milliers de chrétiens s’étaient réunis à la basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro, la capitale politique et administrative, dans le centre du pays, pour le « pèlerinage national » lancé dans le cadre du Jubilé de la Miséricorde, une année sainte ouverte le 8 décembre par le pape François.
Arrivés samedi soir de toutes les contrées du pays, les catholiques ivoiriens se sont installés dans la basilique et sur les parvis de l’immense édifice pour une veillée rythmée par les enseignements, les prières et les chants.
« La réconciliation naturellement exige la libération des prisonniers dans le cadre du conflit advenu dans le pays, surtout que de ce point de vue, personne ne peut se dire innocent », a déclaré au nom des évêques ivoiriens Mgr Ignace Bessi Dogbo, l’évêque de Katiola (nord).
« Pour se réconcilier il faut être libre, pour être libre, il faut avoir la faculté d’aller et de venir sans être inquiété », a-t-il ajouté.
Dans la situation sociopolitique de la Côte d’Ivoire, le pèlerinage à la basilique de Yamoussoukro « revêt un caractère particulier, en raison de la diversité culturelle des fidèles », a souligné de son côté le père Donald Ouali, de l’archidiocèse de Bouaké (centre), deuxième ville du pays.
« Ici (…), il n’y a pas d’ethnie, il n’y a pas de groupe politique. Ce qui nous réunit, c’est notre foi », a-t-il expliqué.
Les chrétiens « en venant ici ont montré leur unité. C’est maintenant aux politiciens de se tendre la main en ouvrant les prisons pour libérer nos frères », a estimé Bénédicte Kra, une fidèle qui a effectué le déplacement depuis Agboville (sud).
Le pèlerinage de Yamoussoukro a été un moment de « communion et de partage » mais aussi « d’émerveillement » pour des milliers de catholiques ivoiriens qui découvraient pour la première fois la basilique Notre-Dame de la Paix.
« C’est vrai, je suis en Côte d’Ivoire mais je ne connaissais pas la basilique et l’opportunité s’est présentée avec ce pèlerinage », a confié à l’AFP Isabelle N’Guessan, arrivée de Gagnoa (ouest).
Le pays a connu une décennie de crise politico-militaire, marquée par une partition entre le Nord aux mains d’une rébellion et le Sud contrôlé par le camp de l’ex-président Laurent Gbagbo (au pouvoir entre 2000 et 2011).
Cette période troublée a culminé avec la crise postélectorale de 2010-2011, provoquée par le refus de M. Gbagbo de reconnaître la victoire de son rival Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre 2010. Les violences avaient fait plus de 3.000 morts en cinq mois.
Si les deux camps se sont montrés coupables d’exactions, aucun responsable pro-Ouattara n’a à ce jour été inquiété, ce qui nourrit les accusations par l’opposition de « justice des vainqueurs ».
Le Front populaire ivoirien (FPI) d’opposition, créé par M. Gbagbo, parle de « 300 personnes » encore détenues, tandis que le gouvernement évoque « entre 140 et 150 prisonniers ».
« Le malaise est profond et il convient à présent de mettre un accent particulier sur les initiatives en faveur de la réconciliation », avait alerté en avril Mgr Siméon Ahouana, président de la Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes (CONARIV).
La Côte d’Ivoire, avec 23 millions d’habitants, dont 5,4 millions d’étrangers, compte 40% de musulmans, 40% de chrétiens et 20% d’animistes.
SOURCE : AFP