Un chocolat bio, équitable, 100% togolais, qui n’a pas besoin d’être conservé au frais et qui peut être vendu sur les étals des marchés du pays: c’est le pari audacieux lancé par la coopérative Choco Togo.
« Cela fait plus de 120 ans que le Togo cultive le cacao, mais on ne fait que l’exporter! Les cacaoculteurs togolais ne connaissent même pas le goût du chocolat », dénonce Komi Agbokou, promoteur du projet.
Désormais, les fèves de cacao cultivées par 1.500 petits exploitants de la région d’Akébou, dans le sud-ouest du Togo, sont décortiquées par une quarantaine de femmes de la région puis transformées à Lomé en tablettes de 80 grammes vendues 1.000 Francs CFA (1,50 euro) dans les boutiques de la capitale.
Avec ses quelque 10.000 tonnes de production par an, le Togo fait figure de poids plume par rapport aux géants ghanéen et ivoirien, qui, à eux seuls, représentent près de 60% de la production mondiale de cacao.
« Comme on ne peut pas concurrencer la Côte d’Ivoire et le Ghana en termes de quantité, nous ne pouvons parier que sur la qualité », sourit Kodjovi Mgbayom, du Conseil interprofessionnel des filières café cacao du Togo.
D’autant que le cacao togolais « a un arôme particulier, dû au terroir et au fait que tout est fait à la main. Le séchage se fait au soleil. Il n’y a pas de fumées de machines ici », poursuit-il.
– La qualité plutôt que la quantité –
Alors que le petit pays ouest-africain produit un cacao courant, comme dans le reste de la région -par opposition aux cacaos fins, très prisés, cultivés surtout en Amérique latine-, les cacaoculteurs togolais ont décidé de s’orienter vers une agriculture biologique et d’obtenir des labels de commerce équitable, pour apporter une valeur ajoutée à leur produit, explique Michel Barrel, expert en cacao au sein de sa société de conseil KawaCao.
Avant Choco Togo, la quasi-intégralité des fèves togolaises étaient exportées. Et si l’on voulait déguster du chocolat, il fallait se rendre dans un des supermarchés du pays pour acheter à prix d’or une tablette d’importation contenant parfois « à peine 30% de cacao », ironise M. Agbokou.
Depuis un an, grâce à Choco Togo, la situation change peu à peu.
L’idée de départ de M. Agbokou, psychologue de formation, était de pousser les jeunes diplômés togolais à entreprendre et à créer eux-mêmes les opportunités qui n’existent pas pour eux sur le marché du travail. Et c’est un peu par hasard que ce quadragénaire est arrivé au chocolat.
A travers l’association « Enfant Foot Développement » de M. Agbokou, et grâce à l’aide financière de l’Union Européenne et au soutien d’une coopérative italienne, six jeunes chômeurs ont été sélectionnés en 2013 pour suivre une formation sur la fabrication du chocolat en Italie.
De retour au Togo, ils se sont lancés dans la production d’un chocolat 100% togolais.
Aujourd’hui, une dizaine d’employés sont payés à l’heure pour transformer le cacao en chocolat dans les locaux de la coopérative, à Lomé, avec pour seule machine un petit torréfacteur à manivelle de fabrication locale.
Si une tonne de chocolat a été fabriquée en 2015, la production s’accélère, désormais, avec déjà deux tonnes produites au premier trimestre 2016.
– Un chocolat qui ne fond pas –
Choco Togo se fournit exclusivement à Akébou, où le cacao est biologique et certifié par Ecocert et Rainforest Alliance, deux organismes internationaux qui s’assurent que la production répond à des critères environnementaux et sociaux très rigoureux.
Comme le cacao est transformé sur place, les coûts de transport sont moindres, et les agriculteurs mieux payés, assure Mgbayom. Et puis « ils voient enfin les tablettes de chocolat produites avec leurs fèves », se réjouit-il.
Choco Togo met aussi à contribution les épouses des paysans, chargées de décortiquer les fèves, pour assurer un revenu supplémentaire aux familles de la région.
Les petites tablettes emballées de papier kraft, qui existent en version nature ou aux arômes naturels de gingembre, cacahuète ou noix de coco, ont été présentées lors de l’exposition universelle à Milan en 2015 et lors du dernier salon du chocolat de Bruxelles.
« Nous étions partis à Bruxelles avec 60 kg de chocolat et tout le stock était fini dès le premier jour », annonce fièrement Nathalie Kpanté, la responsable de production.
Mais pour l’instant, Choco Togo, 100% naturel et à très forte teneur en cacao (60 à 100%), se destine surtout au marché local, avec une particularité qui a son importance: grâce à sa texture granuleuse, le chocolat résiste à la chaleur.
« Jusqu’à 35 degrés, il ne fond pas », explique M. Agbokou. Pratique pour les nombreux foyers togolais qui ne sont pas équipés de réfrigérateur et pour les commerçants des marchés qui voudraient les proposer sur leurs étals.
SOURCE : Emile KOUTON /AFP