Chaque année, une biennale de la mode africaine (Festival Elima) se déroule dans la capitale togolaise à travers une série d’activités pour rendre le secteur beaucoup plus compétitif avec des prêts-à-porter « made in Africa ».
Une vingtaine de pays africains sont représentés chaque année à ce festival dédié à la mode africaine qui vise à trouver une ouverture internationale à la carrière des professionnelles de la mode africaine, d’offrir un tremplin aux jeunes créateurs, de promouvoir l’accès de tous au prêt-à-porter.
Mme Linda Awesso, la promotrice de cette biennale, dans une interview, met un accent particulier sur les différents défis du secteur qui représente 5,2% du PIB en Afrique.
Une kyrielle de stylistes venant d’une vingtaine de pays africains prennent part chaque année à votre festival dédié à la mode africaine. Quel est l’apport économique de votre festival pour le continent ?
Je crois que déjà sur le plan national, nous faisons tourner l’économie à travers les hôtels que nous louons, les compagnies aériennes que nous empruntons, les prestataires, les agences de location de voiture, ainsi que les aides que nous apportons aux jeunes créateurs africains. Au cours du festival, c’est tout un circuit que nous mettons en branle chaque année. Même sur le plan touristique, le festival apporte beaucoup à l’économie du Togo et par ricochet à l’économie de l’Afrique.
Est-ce que vous pensez qu’avec les différents festivals organisés ça et là sur le continent permettront un jour à l’Afrique de devenir le carrefour de la mode ?
Je pense que l’Afrique est déjà un carrefour de la mode puisque lorsque vous voyez toutes les collections d’été dans le monde maintenant, il s’agit d’une mode ethnique qui se base sur les potentiels africains. C’est-à-dire nos couleurs, notre joie de vivre et autres. Par ailleurs, j’exhorte mes frères et sœurs africains à profiter de ces richesses que nous avons en Afrique pour ne pas laisser les autres en profiter à notre dépend.
Nous avons déjà sur le continent de très bons stylistes qui ont fait de grandes écoles. En plus, la clientèle est déjà là puisque nous avons la population la plus jeune au monde en Afrique. Je pense qu’avec tout ce potentiel, il est temps qu’à travers nos festivals nous parlions d’une seule voix pour dire aux autres que la mode n’est pas seulement un spectacle, mais c’est notre vie de tous les jours. Dans cette perspective, nous pourrons faire du «made in Africa» comme les « made in china », Indonésie etc. C’est possible aussi en Afrique.
Quelles seront les innovations que vous comptiez imprimer à vos prochaines éditions ?
Sur le plan économique, nous avons beaucoup d’innovations. Cette année, nous aurons à développer une foire au cours de cette édition en dehors des shows qui seront organisés ça et là dans la ville de Lomé. Nous comptons à travers cette foire, sensibiliser un public africain à porter local avec les collections des différents stylises qui participeront au festival.
Dans cette perceptive d’innovation, nous avons invité le footballeur Djibril Cissé qui a développé une marque qui s’appel ‘’Monsieur le Noir’’ qui sera parmi nos collections. Le camerounais Tour Manga qui habille Puff Dady sera aussi de la partie mais aussi de grandes modélistes, stars de la mode africaine et du monde. C’est une fierté que sur cette édition nous ne ferons pas que du pagne mais aussi la haute couture.
A traves vos initiatives, vous avez toujours donné une ouverture internationale à la carrière des professionnelles de la mode africaines. Que faire pour amener les créateurs africains à rivaliser avec leurs compères de l’occident ?
En tant qu’africain, nous avons un devoir d’excellence dans tout ce que nous faisons parce que notre continent est en souffrance et il faut que nous y travaillons pour changer la donne. Nous devons exiger plus de rigueur dans nos créations, parce qu’on est deux fois puni en Afrique puisque nous n’avons pas la faculté de communiquer comme les autres et aussi les moyens sont limités.
Je pense que le peu que nous faisons, nous devons le faire bien pour que cela puisse attirer les autres à s’intéresser à nos créations en Afrique. Il faut que nous changions un peu de clichés pour démontrer au monde que la mode africaine peut maintenant franchir toutes les frontières.
On assiste à l’inondation des marchés africains par le prêt-à-porter chinois. Pensez vous que cela constitue une entrave à la mode africaine ?
Je pense que nous ne devons pas blâmer les chinois, parce qu’ils inondent nos marchés avec des made in china. Ils profitent juste de notre laisser-aller, de notre manque d’innovation et de notre paresse. Dès que j’arrive quelque part et je constate qu’il y a une opportunité, je vais en profiter. Une fois que le marché africain ouvrira plusieurs usines de transformation, on aura moins de chômage et le problème va se régler de lui-même.
Quel est l’apport de ce secteur dans le Produit intérieur brut (PIB) dans l’économie de nos pays?
La mode apporte énormément au PIB africain surtout de façon informelle. Puisque nous travaillons aujourd’hui dans un secteur informel sans déclaration de TVA etc… Dans les pays développés lorsque vous achetez un jeans, par exemple, 18% de ce que vous avez payé reviennent à l’Etat. Ici, ce n’est pas le cas. Si les Etats africains peuvent un jour formaliser ce secteur, cela sera quelque chose de très bien car le vêtement que nous portons fait partie intégrale de l’économie de nos Etats.
Selon Koré Sery, directeur de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), les industries de la création représentent en Afrique 5,2% du Produit intérieur brut (PIB) et environ 5,3% du total des emplois.
Pensez-vous qu’il faudra mettre en place une politique commune visant la promouvoir de la mode africaine?
Je me bats toujours pour ça. Depuis mon premier festival, j’ai adressé un message dans ce sens à nos dirigeants africains pour que ces derniers puissent penser à ce secteur d’activité qui n’est plus à négliger.
Je souhaite aussi que les dirigeants africains s’approprient leur coton puisque l’Afrique dispose de la meilleure qualité de coton au monde, mais toutes nos productions sont vendues pour qu’on nous la revende après sous diverses formes. Ce qui n’a pas trop de sens à mon humble avis. Si les dirigeants africains pourront dire d’une seule voie que 50% du coton produit en Afrique doit être transformé sur place, nous pourrons faire vivre nos économies et créer de l’emploi aux jeunes.
Sur un autre plan, nos dirigeants africains doivent montrer l’exemple en portant nos collections par exemple. FIN
Interview réalisée par Emmanuel ATCHA
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