Les électeurs votaient en masse ce dimanche en Guinée pour désigner leur président, un scrutin sous tension dont l’opposition compte déjà contester les résultats, alors que le camp du sortant Alpha Condé le donne vainqueur dès le premier tour.
En raison de l’affluence, de la lenteur des vérifications sur les listes électorales et parfois d’un retard dans la mise en place du matériel électoral, le vote a débuté avec retard dans de nombreux bureaux.
A Camayenne, dans la proche banlieue de la capitale Conakry, Mohamed Soumah, technicien, souhaitait « que la paix soit assurée en Guinée, que les Guinéens se donnent la main », après les violences meurtrières de la fin de campagne, jeudi et vendredi, qui ont fait une dizaine de morts.
Les deux précédents scrutins dans le pays, la présidentielle de 2010 et les législatives de 2013, ont été entachées par des violences et des accusations de fraude.
Un étudiant de 21 ans, Mohammed Samb, est sorti écœuré du bureau, empêché de voter car sa photo ne figurait pas dans le fichier. »Je voulais voter pour mon président Sidya Touré », a-t-il confié, désabusé, en référence à l’ex-Premier ministre, arrivé en troisième position à la présidentielle de 2010.
Le président Condé a voté peu après 10h00 (locale et GMT) dans une école de Kaloum, le quartier administratif et des affaires de Conakry.
« Je demande à tous les Guinéens, quel que soit leur bord, de remplir leur devoir civique dans la paix et la tranquillité », a-t-il dit après avoir voté en tunique et toque blanches.
Les six millions d’électeurs ont jusqu’à 18h pour voter.Les premiers résultats ne sont pas attendus avant mardi.
– Soupçons d’irrégularités –
L’enjeu principal porte sur l’éventuelle réélection de M. Condé au premier tour, comme le proclame sa campagne – cinq ans après une victoire à l’arraché au second tour sur Cellou Dalein Diallo, l’actuel chef de l’opposition, – un objectif que ses adversaires jugent irréalisable sans fraude caractérisée.
Les sept concurrents de M. Condé ont invoqué la non-distribution d’une proportion significative de cartes d’électeur et l’inscription présumée indue sur les listes électorales de nombreuses personnes, « notamment des mineurs », pour réclamer un report de l’élection.
Faute des corrections demandées, « les sept candidats ne reconnaîtront pas les résultats qui seront proclamés à l’issue du scrutin organisé avec ces anomalies et irrégularités », ont-ils affirmé vendredi dans une déclaration commune.
Selon la Commission électorale nationale indépendante, les cartes d’électeur ont été distribuées à plus de 90% dans l’ensemble du pays.
Plusieurs missions d’observation – de l’Union européenne, de l’Union africaine, de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest – se sont déployées à travers le pays.Près de 19.000 policiers, gendarmes et agents de la protection civile sont également sur le terrain pour sécuriser le scrutin.
« Généralement ce n’est pas le jour du vote qu’il y a des problèmes, c’est au moment où on proclame les résultats », souligne le Dr Alpha Amadou Bano Barry, professeur de sociologie politique à l’Université de Sonfonia, à Conakry. Un « deuxième tour en Guinée est toujours beaucoup plus conflictuel que le premier », en raison de l’exacerbation des rivalités ethniques.
M. Condé a fait campagne sur son bilan – amoindri selon lui par l’épidémie d’Ebola qui s’est déclarée en décembre 2013 : réforme de l’armée et de la justice, achèvement du barrage hydro-électrique de Kaléta, pour pallier enfin la pénurie criante d’électricité, transparence sur les contrats miniers.
Plus de la moitié des 12 millions de Guinéens vivent sous le seuil de pauvreté, malgré les richesses minières considérables de ce pays d’Afrique de l’Ouest grand comme la moitié de la France.
Les adversaires du président – dont les anciens Premiers ministres Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré et Lansana Kouyaté – accusent Alpha Condé de mauvaise gestion, notamment sur la crise Ebola, d’exercice solitaire du pouvoir et d’attiser les tensions ethniques, particulièrement envers les Peuls, la communauté de M. Diallo.
Ancien opposant qui a connu la prison, Alpha Condé est le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française, dirigée jusqu’alors par des pouvoirs autoritaires ou dictatoriaux.
SOURCE : AFP