Debout devant son stand rempli de peaux de bêtes et de crânes d’animaux sauvages, « Egolo », l’un des grands guérisseurs du marché des fétiches, vante les mérites de ses produits à un touriste chinois.
Non loin de lui, l’un de ses collègues, assis sur un tabouret explique les vertus d’un petit caméléon séché à une jeune dame : « Quelques ingrédients associés à ce petit caméléon peut renforcer l’amour entre ton mari et toi, et surtout consolider votre foyer ».
Créé depuis 1920, « Lantassapé » ou le marché des fétiches de Lomé est animé par des béninois originaires d’Abomey (au Bénin), désireux de se rapprocher de leur clientèle. D’abord installé au grand marché de Lomé, Lantassapé à finalement été délocalisé et se situe depuis début 1998 à Akodéssewa.
Très connu dans la sous-région pour ses célèbres féticheurs et guérisseurs traditionnels, ce marché attire plusieurs personnes de différents pays, de diverses classes sociales, et pour diverses préoccupations. Lantassapé accueille également des touristes et des curieux.
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Selon Egolo, c’est surtout pour se rapprocher de leurs clients, que leurs grands parents avaient créé ce marché: « A l’époque, leurs clients, pour la plupart des togolais, venaient jusqu’au Bénin pour s’approvisionner en +ingrédients+ et pour se faire traiter. Certains malades venaient également directement à Cotonou. Pour leur faciliter la tâche, ils ont décidé de s’installer à Lomé. D’où le marché de fétiches ».
On y trouve un peu de tout : des têtes et autres +pièces détachées+ d’animaux sauvages (aigle, caméléon, caïman, carapaces de tortues, reptiles, porc-épic, etc…). Il y a également des pierres médicinales, des amulettes, des statuettes, des objets d’arts etc… De partout, notamment des étalages, se dégage une odeur toute particulière.
On retrouve également des écorces d’arbres, des bouteilles contenant de mystérieuses poudres et des plumes de tout genre.
« Ces +ingrédients+ sont utilisés pour préparer des produits servant à guérir diverses maladies: envoûtement, maux de tête, infertilité, etc. », explique Ignace, l’un des exposants.
« Pour des enfants solides, il faut commencer par les laver dès la naissance à l’aide d’une tisane concoctée à base d’herbes sous lesquels on place les deux pattes (desséchées) d’une perdrix. L’enfant ainsi traité ne sera jamais obèse et tombera rarement malade ! A la longue, il pourrait défier Usain Bolt sur les 100 mètres », se vante-t-il.
Le marché aux fétiches est également le lieu où trouver d’excellents échantillons de figurines honorant les jumeaux, autrefois utilisés. Cette tradition est encore courante dans certains milieux.
Egalement lieu d’approvisionnement d’autres guérisseurs
« Je suis un guérisseur traditionnel et le ce marché est le lieu où je viens m’approvisionner en ingrédients pour composer mes potions et mixtures.
Actuellement j’ai un malade à soigner pour un cas d’envoûtement « , confie Faustin, la soixantaine, accompagné de son fils qu’il initie déjà.
« Il y a de ces maladies qui relèvent du spirituel et il faut les traiter comme tel. Les ingrédients viennent la plupart du temps du Bénin. L’importance de ce marché pour nous, n’est plus à démontrer « , ajoute ce vieil-homme, coiffé d’un bonnet traditionnel.
Abalo, guérisseur venu de Niamtougou (environ 450 km au nord de Lomé), est un habitué du marché : « Je viens ici tous les deux mois pour m’approvisionner. J’ai actuellement un patient en traitement pour la faiblesse sexuelle, et un autre atteint d’hémorroïde. C’est seulement ici que j’achète de bons ingrédients ».
Pour Justin kpêdétin, « il y a des produits déjà préparés et d’utilités multiples que nous vendons aux clients et guérisseurs. Par exemple le +Azon-houii+ (qui signifie +guérit la maladie+ en langue fon du Bénin) est un produit qui doit figurer dans la boîte à pharmacie de tous les ménages! ».
« Ce produit est le premier recours en cas de forte fièvre, d’empoisonnement, de toux, irritations diverses, de dermatose, de piqûres d’insectes et bien d’autres utilisations. Sa composition demande de la concentration, de la patience et une certaine pensée positive qui vient renforcer sa vertu », explique avec engouement Justin, guérisseur dans le marché des fétiches depuis 15 ans.
« Il faut connaître les ingrédients, en choisir de qualité (parfois il faut aller d’un village à l’autre à la recherche d’un seul ingrédient), connaître le bon ordre pour la combinaison, être en état de grâce puis se munir d’une bonne dose de patience dans la composition du mélange », ajoute-t-il.
La plupart des malades soignés par ces guérisseurs, reconnaissent le travail qu’ils abattent sur ce marché.
Amivi (26 ans) qui se plaint depuis plusieurs mois de forte migraine, est pratiquement soulagée, après deux semaines de traitement : « Ce sont des maux de tête insupportables ! Jour et nuit, je me prends la tête ! J’ai parcouru beaucoup d’hôpitaux sans succès ».
« Cette migraine s’appelle « Agbôtä » (en langue fôn-gbé) ! Tu peux boire mille comprimés ! Elle ne finira pas. Pour ces cas, il faut des décoctions spécifiques, autrement l’intéressé n’aura pas la paix! », affirme Gbênakpon Agbésssi, l’un des jeunes guérisseurs de ce marché.
Des couvents et des incantations
Lantassapé abrite également de petits couvents où se trouvent des idoles, fétiches et divinités. Mais l’accès à ces petits couvents n’est pas autorisé à n’importe qui. Il faut avertir les esprits pour un accès : « Agô… ! Âgôôô !!! » (Incantations pour invoquer les divinités), lance Dah, avant d’entrer dans son couvent.
Dans ces cases les guérisseurs consultent des patients pour certaines maladies +mystérieuses+ : envoûtement, des cas d’alcoolisme etc.
« Pour ces cas, nous devons d’abord consulter les oracles, c’est-à-dire le « Fä ». Seul le « Fä » répond par des messages codés à travers un chapelet spécifique ou des cauris. Ce message est décodé, interprété et, suivant l’interprétation, on connaît l’origine du mal et comment l’anéantir », explique Dah, grand pagne noué à la hanche.
« Certaines personnes viennent aussi en consultation pour des problèmes qui leur sont personnels : protection, difficultés au service, dans le foyer, au marché », dévoile-t-il, avant de murmurer à l’oreille d’une journaliste de l’Agence Savoir News : « Certains hommes politiques viennent aussi chez nous ». FIN
En Photo: Journaliste de Savoir News, devant un étalage au marché des fétiches de Lomé
Ambroisine MEMEDE
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