Muhammadu Buhari a été investi président du Nigeria lors d’une cérémonie considérée comme historique. Jamais le pays le plus peuplé d’Afrique n’avait en effet encore vu un opposant succéder démocratiquement à un chef d’État sortant.
À 72 ans, Muhammadu Buhari est officiellement devenu, vendredi 29 mai, le nouveau président du Nigeria à l’occasion d’une cérémonie d’investiture sans précédent. Pour la première fois dans l’histoire du pays, un opposant succède en effet démocratiquement à un chef d’État sortant.
Pavoisée de dizaines de drapeaux internationaux et décorée aux couleurs vert et blanc du Nigeria, Eagle Square, la grande place au centre de la capitale fédérale Abuja, s’est animée tôt vendredi aux sons des chants et des danses traditionnelles pour la cérémonie.
Dans la tribune officielle avaient pris place des présidents africains, dont Jacob Zuma (Afrique du Sud) et Paul Kagame (Rwanda), et des responsables étrangers comme le secrétaire d’État américain, John Kerry, et son homologue français, Laurent Fabius. Ce qui s’est passé au Nigeria est « un exemple pour toute l’Afrique », a déclaré à l’AFP le ministre français des Affaires étrangères.
Si le régime civil a été restauré en 1999, le Parti démocratique populaire (PDP) du président battu Goodluck Jonathan n’avait jusque-là jamais lâché le pouvoir. Pour Bola Tinubu, fondateur et chef du Congrès progressiste (APC), le parti de Muhammadu Buhari, cette investiture est en effet « un tournant dans la trajectoire du pays », le plus peuplé d’Afrique.
« Nous sommes bien conscients des défis dressés contre notre bien-être. L’insécurité, le déclin économique et la corruption, nous devons les combattre sans relâche comme si nous allions à la guerre et non à un carnaval », a-t-il ajouté.
« Démocrate converti »
Ancien général putschiste ayant exercé, il y a 32 ans, le pouvoir durant seulement 20 mois, le nouveau président se décrit lui-même comme un « démocrate converti » et s’est engagé à diriger une administration au service des 173 millions de Nigérians en combattant le fléau de la corruption.
Pour les analystes, sa première tâche pourrait être bien plutôt de répondre aux attentes d’une population qui se bat depuis des décennies avec des infrastructures pitoyables, un chômage écrasant et des violences endémiques.
Bien que le Nigeria soit le premier producteur de pétrole du continent, avec 70 % de ses recettes provenant des ventes de brut, la chute des cours et une pénurie de carburant sans précédent ont quasiment paralysé le pays.
L’État ne verse plus de salaires à des milliers de fonctionnaires, tandis que la monnaie locale, le naira, a atteint un plancher historique. Muhammadu Buhari et son parti ont promis plus d’emplois, plus de sécurité et un meilleur approvisionnement en électricité. Mais avec des caisses publiques vides, les promesses risquent d’être difficiles à tenir.
Le défi Boko Haram
Les populations exposées aux violences de Boko Haram dans le nord-est du pays espèrent, elles aussi, que le nouveau chef d’État fera mieux que son prédécesseur. L’insurrection et sa répression par les forces de sécurité ont fait plus de 15 000 morts depuis 2009.
Si l’armée nigériane, aidée par ses voisins camerounais, tchadien et nigérien, a regagné du terrain depuis février sur le mouvement armé qui a fait allégeance à l’organisation de l’État islamique (EI), les violences et les attentats n’ont pas cessé.
La région pétrolière du delta du Niger, dans le Sud, sera aussi à surveiller : d’anciens rebelles, réclamant une meilleure redistribution des bénéfices de l’or noir, pourraient y reprendre les armes, alors que le programme d’amnistie qu’ils ont signé prend fin cette année.
SOURCE : AFP