Plus de 27 ans après l’assassinat de l’ex-président Thomas Sankara lors d’un putsch ayant porté Blaise Compaoré au pouvoir, sa veuve Mariam a été entendue lundi par la justice burkinabè, symbole du démarrage d’une enquête longtemps gelée sous l’ancien régime.
« Ça a été long mais je pense que cela valait la peine. (Le juge d’instruction) est revenu sur ma plainte. Il avait beaucoup de questions, mais je ne peux pas vous en dire plus », a déclaré devant la presse Mariam Sankara, le visage fatigué.
Arrivée à 9H00 (locales et GMT) au palais de justice militaire de Ouagadougou, Mme Sankara, qui portait un « faso dan fani » bleu foncé et blanc, un pagne typique du Burkina dont le port était encouragé sous le régime de son mari, en est ressortie après un peu moins de huit heures d’audition.
« Elle a confirmé la plainte contre X qu’elle a déposée depuis 1997 et qui n’a jamais eu de suite », a déclaré à l’AFP Me Bénéwendé Stanislas Sankara, l’un des quatre avocats l’entourant, qui a indiqué avoir eu « la chair de poule » en écoutant sa cliente.
« Imaginer l’ambiance dans une affaire où on parle d’attentat, d’assassinat… », a-t-il raconté, le tout dans « une ambiance d’extrême sérénité ».
« On est serein dans les réponses, les questionnements pour la recherche de la vérité », s’est félicité Me Sankara, qui a été désigné dimanche candidat des « sankaristes » pour la présidentielle d’octobre.
La justice burkinabè a démarré fin mars une enquête sur la mort de Thomas Sankara, tué le 15 octobre 1987 lors d’un coup d’Etat qui porta Blaise Compaoré au pouvoir.
Plusieurs auditions ont déjà eu lieu dans le cadre de cette affaire ces six dernières semaines, dont celles de Valentin et Blandine Sankara, le frère aîné et la soeur cadette de l’ancien président, a-t-on appris de source judiciaire.
Le régime de M. Compaoré, renversé fin octobre par une insurrection populaire, avait toujours refusé l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de cet assassinat.
– ‘Audition marathon’ –
« C’est la première fois qu’elle était entendue dans le cadre de cette procédure. Elle a pu s’exprimer. C’est la raison pour laquelle cela a pris un certain temps, parce qu’elle y avait un certain nombre de choses à dire », a commenté Me Ferdinand Djammen Nzepa, un avocat franco-camerounais inscrit au barreau de Toulouse (sud-ouest de la France).
« Elle a parlé, elle a dit ce qu’elle avait à dire et elle a maintenu sa plainte » contre X au terme d’une « audition marathon », a ajouté cet autre défenseur de Mariam Sankara.
Les infractions d' »attentat, faux en écriture, assassinat, recel de cadavre » ont notamment été retenues dans ce dossier politiquement sensible au Burkina Faso, a indiqué Me Sankara.
La figure de Thomas Sankara, révolutionnaire loué pour son intégrité et icône du panafricanisme, a été abondamment évoquée durant le soulèvement populaire qui a conduit à la chute du président Compaoré le 31 octobre dernier.
De nombreux Burkinabè doutent ainsi que la dépouille reposant dans la tombe de Thomas Sankara soit vraiment la sienne. Sa famille avait saisi la Cour africaine des droits de l’homme, qui avait ordonné en 2008 au gouvernement du Burkina Faso d’autoriser les expertises nécessaires, en vain.
Un expert français inscrit près de la Cour d’appel de Bordeaux se rendra « la semaine prochaine » à Ouagadougou pour l’exhumation du corps de l’ex- président et de ses douze compagnons tués lors du d’Etat afin de procéder à des analyses ADN, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier.
Mariam Sankara, qui avec ses deux enfants a quitté le Burkina Faso pour le Gabon puis la France après la mort de son mari, est rentrée jeudi à Ouagadougou pour la deuxième fois en 27 ans.
Des milliers de personnes ont accueilli dans la liesse celle dont la précédente venue dans son pays datait de 2007, à l’occasion de la commémoration du vingtième anniversaire de la mort de Thomas Sankara.
SOURCE : AFP