Les pays de la sous-région ouest-africaine ne sont pas encore au bout de leurs peines, malgré les efforts consentis pour endiguer et éradiquer l’épidémie de la fièvre hémorragique à virus Ebola, a affirmé ce vendredi à Accra (Ghana), le chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé lors d’une rencontre de haut niveau de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao) avec les différents partenaires.
L’épidémie a déjà fait 8.459 morts sur plus de 21.329 cas depuis son apparition en décembre 2013, selon le dernier bilan publié jeudi par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Jeudi, l’OMS s’est félicitée d’une « baisse réelle » du nombre de nouveaux cas dans les trois pays les plus affectés par l’épidémie.
« En dépit des efforts que nous avons consentis pour endiguer et éradiquer l’épidémie, nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Si nous avons convenu à Abuja, de nous retrouver ici à Accra, au lendemain de la trêve des fêtes de fin d’année, c’est bien parce que nous avons pleinement conscience que la vraie portée des diverses initiatives que nous avons prises à ce jour, doit se mesurer en définitive, à l’aune de leur impact sur le terrain », a déclaré Faure Gnassingbé.
Le président togolais avait été désigné par ses pairs de la sous-région ouest-africaine lors du dernier sommet extraordinaire de la Cédéao, tenu le 6 novembre dernier à Accra (Ghana) pour « superviser le processus de riposte et d’éradication de la maladie à virus Ebola ».
Selon lui, la situation épidémiologique « est loin d’être sous contrôle », malgré « quelques signaux encourageants enregistrés ces dernières semaines ».
« Tout triomphalisme est donc prématuré. Le relâchement de nos efforts n’est pas à l’ordre du jour. L’immensité de la tâche qui nous attend requiert que nous accordions une importance décisive à la coordination de nos efforts. Pris individuellement, aucun des pays touchés, ne peut trouver à lui tout seul, la voie du salut. Les pays qui partagent des frontières avec ceux qui sont déjà touchés par l’épidémie ne peuvent pas non plus continuer à se préserver durablement, en comptant uniquement sur leurs propres forces », a précisé Faure Gnassingbé.
Voici l’ ’intégralité du discours de Faure Gnassingbé
Monsieur le Président de la République du Ghana, Président en exercice de la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de la Commission de la CEDEAO,
Mesdames et Messieurs les Représentants des institutions partenaires,
Mesdames et messieurs les Ambassadeurs et membres du corps diplomatique,
Mesdames et Messieurs les représentants du secteur privé,
Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens avant toutes choses, à dire toute ma reconnaissance à mon frère et ami, le Président John Dramani Mahama et au peuple ghanéen pour leur accueil chaleureux et leur sens de l’hospitalité. Je saisis l’occasion, pour réitérer au Président Mahama, toutes mes félicitations tout mon soutien pour le dynamisme avec lequel il s’acquitte de sa mission, depuis qu’il préside aux destinées de la CEDEAO.
Nous avons hérité de l’année 2014, une crise internationale de santé publique majeure. L’épidémie de la maladie à virus Ebola qui a semé une véritable psychose au sein de nos populations, continue de préoccuper l’ensemble de la planète.
Compte tenu du lourd tribut que nos pays paient à cette crise sanitaire sans précédent, il y a lieu de se réjouir que la CEDEAO, ait pris dès les premiers jours, la mesure des enjeux, en initiant sur le plan institutionnel, une série de démarches qui nous ont permis de nous engager activement dans la lutte contre la propagation de l’épidémie.
Il faut à cet égard, se féliciter de la prise de conscience au niveau politique le plus élevé de l’urgence d’une approche commune de la lutte. Celle-ci s’est traduite, entres autres, par l’adoption d’un Plan régional intégré de riposte contre l’épidémie, la mise en place d’une coordination et d’une supervision à l’échelle sous-régionale ainsi que le lancement d’un Fonds régional de solidarité pour la lutte contre Ebola, placé sous l’égide de la CEDEAO.
La mobilisation s’est étendue bien au-delà de notre continent, avec l’implication active des plusieurs pays dont les Etats-Unis, de la France, de la Grande-Bretagne, la Chine ainsi que les Nations-Unies, l’Organisation mondiale de la santé et l’Union européenne. En leur disant merci, c’est à l’ensemble des partenaires qui se sont engagés à nos côtés, que nous exprimons notre profonde gratitude et notre reconnaissance.
Dieu merci, les initiatives prises par les uns et les autres, n’ont pas été vaines. Mais il nous faut prolonger nos efforts, en travaillant davantage en synergie, afin que nos différentes actions concourent à la mise en œuvre effective de notre plan régional intégré de riposte contre l’épidémie.
J’appelle donc toutes les parties prenantes, à mutualiser leurs efforts, leurs moyens et leurs interventions pour soutenir les victimes, à prévenir les nouveaux cas et à accompagner la reconstruction des pays les plus touchés.
C’est le lieu pour moi, de remercier à mon tour, les Etats membres de la CEDEAO ainsi que leurs partenaires bilatéraux et multilatéraux pour l’appui multiforme qu’ils ont apporté, en soutien aux efforts déployés, tant à l’échelle nationale que sous-régionale.
Je ne saurais passer sous silence l’implication active de l’Union africaine et du secteur privé qui a accepté de prendre sa part du lourd fardeau que cette épidémie fait peser sur nos Etats. Il est important d’associer davantage le secteur privé à la mise en œuvre de notre feuille de route parce qu’il regorge de compétences et de moyens qui peuvent contribuer à renforcer nos actions sur le terrain.
Les personnels de santé gardent naturellement une place toute particulière dans nos cœurs.
Je salue en effet, le dévouement et la bravoure des agents de santé qui, dans des conditions extrêmement difficiles et même au péril de leur vie sont toujours aux premières lignes de la riposte contre cette maladie.
Distingués invités,
Chers partenaires,
Mesdames et Messieurs,
En dépit des efforts que nous avons consentis pour endiguer et éradiquer l’épidémie, nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Si nous avons convenu à Abuja, de nous retrouver ici à Accra, au lendemain de la trêve des fêtes de fin d’année, c’est bien parce que nous avons pleinement conscience que la vraie portée des diverses initiatives que nous avons prises à ce jour, doit se mesurer en définitive, à l’aune de leur impact sur le terrain.
Certes, quelques signaux encourageants ont été enregistrés ces dernières semaines. Mais globalement, la situation épidémiologique est loin d’être sous contrôle.
Tout triomphalisme est donc prématuré. Le relâchement de nos efforts n’est pas à l’ordre du jour.
L’immensité de la tâche qui nous attend requiert que nous accordions une importance décisive à la coordination de nos efforts. Pris individuellement, aucun des pays touchés, ne peut trouver à lui tout seul, la voie du salut.
Les pays qui partagent des frontières avec ceux qui sont déjà touchés par l’épidémie ne peuvent pas non plus continuer à se préserver durablement, en comptant uniquement sur leurs propres forces.
Fort de ce constat, nous devons continuer à renforcer activement les liens fonctionnels, avec toutes les organisations étatiques, internationales, intergouvernementales et non-gouvernementales qui se sont engagées, à bâtir une vraie coalition internationale contre l’épidémie.
Le Plan régional opérationnel intégré de réponse au virus Ebola, adopté par la CEDEAO a tracé des lignes directrices claires. La feuille de route apporte également des précisions utiles sur la conduite à tenir. Il nous revient dès à présent, de reprendre résolument à notre compte, les axes majeurs d’intervention retenus par les instances sous-régionales.
Ces axes d’intervention sont d’ailleurs conformes aux standards établis par l’Organisation mondiale de la santé.
Ils se sont largement inspirés d’expériences diverses, vécues depuis le déclenchement de l’épidémie par les malades eux-mêmes, le personnel soignant mais aussi par les autorités régionales en charge des questions de santé publique.
La coordination sous-régionale se fait dès lors le devoir de prendre ses responsabilités, en réaffirmant la justesse des choix stratégiques de la CEDEAO et la nécessité d’une mise en œuvre effective et diligente.
Je voudrais dans cette perspective, réitérer notre indéfectible attachement au principe de la libre circulation de personnes et des biens au sein de la CEDEAO.
Pour le succès total et irréversible de la lutte que nous avons engagée ensemble, nous devons tout mettre en œuvre pour maintenir et intensifier les contrôles sanitaires aux frontières. Cependant, nous ne devons pas pour autant, imposer une double peine aux pays affectés, en les marginalisant et en les stigmatisant, au moment même où ceux-ci ont le plus besoin de notre soutien, notre compassion et notre solidarité.
Il est aujourd’hui établi que les restrictions à la libre circulation des personnes et des biens sont contreproductives. Elles favorisent en effet, le développement des passages clandestins qui échappent naturellement à tout contrôle sanitaire, renforçant ainsi les risques de propagation de l’épidémie.
Nous ne devons pas attiser la détresse des personnes touchées par la maladie et qui, par peur d’être mises à l’index, ont tendance à fuir les hôpitaux et les centres de santé.
Face à ces douloureuses réalités qui sont vécues au quotidien par des milliers de personnes, la Coordination sous-régionale de la lutte contre la fièvre hémorragique Ebola dit oui à la pédagogie mais non à la stigmatisation.
Notre objectif est de faire face aux périls et non de les aggraver. Et pour y parvenir, nous devons continuer à construire notre lutte autour de trois principes simples mais essentiels : une vision commune, la solidarité et l’efficacité.
La vision commune a été définie dans le Plan régional opérationnel intégré de réponse au virus Ebola qui a pris en compte tous les aspects de la riposte, dans leur dimension tant nationale que sous-régionale.
L’esprit de solidarité est inhérent à notre engagement initial au sein de la CEDEAO. Pour les besoins de la lutte contre Ebola, nous devons renouer avec cet esprit et le vivifier pour le mettre au service de l’efficacité que nous recherchons avec l’ensemble de nos partenaires. Ce que nous recherchons, ce sont des résultats concrets sur le terrain. Il s’agit de la réduction du nombre de malades, du taux de létalité, du taux de contamination et à terme l’éradication de l’épidémie.
Distingués invités,
Mesdames et messieurs,
La recherche d’une efficacité accrue de la lutte contre l’épidémie d’Ebola est une cause exaltante. Celle-ci doit cependant être défendue, dans un état d’esprit propice à la réalisation de nos objectifs.
Comme chacun le sait, l’histoire de l’humanité est un long chapelet de crises sanitaires vaincues.
Des pays que nous envions aujourd’hui, pour leur capacité à faire face aux défis sanitaires, ont connu eux aussi par le passé des épisodes douloureux. Ils les ont surmontés grâce à une forte détermination, à la mobilisation et au renforcement des structures de santé.
Il n’y pas de fatalité qui pèse sur nos Etats et les condamne irrémédiablement à la maladie et aux souffrances sans fin pour nos populations. Aucune malédiction ne frappe notre continent au point que les efforts pour améliorer l’offre de santé publique soient voués à l’échec.
Il nous appartient de nous organiser, de nous tendre mutuellement la main, de nous appuyer sur une vraie volonté politique pour relever ensemble les défis de santé publique.
Notre sous-région, l’Afrique de l’Ouest se trouve malheureusement confrontée à des épidémies récurrentes. Ces crises sanitaires répétitives grèvent nos systèmes de santé déjà fragiles et freinent notre essor économique et social.
Aujourd’hui c’est l’épidémie d’Ebola qui nous préoccupe car elle a pris la forme d’une crise aiguë. Mais avec l’aide de Dieu, cette crise s’estompera. Elle passera.
Et comme dans chaque malheur, il y a des leçons à tirer pour l’avenir, je souhaite d’ores et déjà que nous recherchions ensemble les moyens de nous affranchir du diktat de l’urgence, pour penser aussi à l’avenir.
Il nous faut jeter dès aujourd’hui, les bases des mécanismes pouvant nous permettre d’inscrire notre combat pour une meilleure santé au profit des populations de notre sous-région, sur le moyen et long terme.
Nous devons dans cette perspective reconnaître que l’épidémie de la maladie à virus Ebola a mis à nu la fragilité de nos systèmes de santé. Elle a révélé les limites de nos laboratoires, de nos structures de prise en charge des malades ainsi que l’insuffisance des personnels de santé.
Cette expérience récente doit nous inciter à dépasser les préoccupations immédiates pour rechercher des réponses structurelles aux défis de santé publique.
A l’avenir et pour mieux faire face aux crises sanitaires aiguës comme celle que nous traversons aujourd’hui, nous devons œuvrer au renforcement de nos systèmes de santé nationaux, en augmentant les ressources qui leur sont destinées dans les budgets nationaux, conformément à la déclaration d’Abuja.
Dans notre quête de réponses structurelles durables aux défis de santé publique, nous devons également attaquer de front le phénomène de l’exode des « blouses blanches » qui vide l’Afrique des médecins et des personnels soignants qu’elle a formés à grands frais.
Les ressources humaines dans le domaine de la santé publique sont si précieuses que nous devons tirer les leçons de nos difficultés dans ce domaine.
Il nous faut réfléchir à des schémas réalistes et efficaces grâce auxquels nos pays pourraient mieux gérer leurs atouts pour augmenter le nombre de médecins par habitants.
Toutes ces mesures nécessitent une approche intégrée qui nous permettra d’inscrire la lutte contre l’épidémie d’Ebola dans le contexte plus large de la lutte contre la pauvreté.
Comme vous le voyez, nous avons beaucoup à faire. Et j’espère que la conjugaison de nos efforts nous permettra cette année même, d’inverser le cours des choses, pour enfin voir le bout du tunnel. Nous devons vaincre l’épidémie de la maladie à virus Ebola et nous la vaincrons.
Sur ce, je déclare ouverte, la Réunion de coordination de haut niveau des partenaires de la CEDEAO, sur les efforts visant à contenir la maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest.
Je souhaite plein succès à nos travaux et vous remercie pour votre attention.
En Photo: Faure Gnassingbé, lors de son discours ce vendredi à Accra