Le gouvernement intérimaire du Burkina Faso a annoncé lundi la suspension, pour « activité incompatible avec la loi », du parti de l’ex-président Blaise Compaoré, chassé par la rue fin octobre après 27 ans de règne.
Il s’agit d’une des mesures les plus fortes prises par les autorités de transition, qui ont affiché leur volonté de tourner la page des années Compaoré, et ont aussi annoncé la suspension d’un autre parti et d’une grande association favorables à l’ancien régime.
« Le parti dénommé Congrès pour la démocratie et le progrès est suspendu pour activité incompatible avec la loi », a annoncé Auguste Denise Barry, le ministre de l’Administration territoriale et de la sécurité, dans un arrêté communiqué à la presse.
Le CDP constituait le bras politique de l’ancien régime. Il a remporté toutes les élections depuis sa création en 1996, et disposait à lui seul de la majorité absolue à l’Assemblée nationale depuis les législatives de 2007. Le ministère de l’Administration territoriale (l’équivalent du ministère de l’Intérieur) a également suspendu l’ADF/RDA (Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique), la troisième force politique du pays.
« Ces partis continuaient à se réunir. Ils menaient des activités qui pouvaient amener à des troubles plus graves », a justifié un cadre du ministère.
Mais la mesure, qui ne vise qu’à « éviter des troubles », est « conservatoire », a-t-il insisté. « Ce n’est pas une dissolution. »
L’ADF/RDA, ancienne formation d’opposition, avait rejoint la majorité en 2005. Ce parti a été particulièrement décrié pour avoir soutenu le CDP lors du débat sur la révision de la Constitution burkinabè, qui a précipité la chute de l’ancien président.
Le CDP n’a pas réagi dans l’immédiat à la décision de suspension, mais l’ADF/RDA a dit en « prendre acte ».
« On a demandé à tous les militants de suspendre toutes les activités politiques en province et à Ouagadougou », a indiqué Diao Koné, premier vice-président de l’ADF/RDA. Une telle mesure, selon la loi, ne devrait pas excéder « trois mois », a-t-il assuré.
Le ministère de l’Administration territoriale a aussi annoncé la suspension de la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (Fedap-BC), qui était le fer de lance du pouvoir Compaoré au sein de la société civile.
Blaise Compaoré a été renversé le 31 octobre, pour avoir voulu modifier la Loi fondamentale afin de se maintenir au pouvoir dans ce pays pauvre du Sahel, qu’il dirigeait depuis un putsch en 1987.
Le siège du CDP à Ouagadougou avait été incendié le 30 octobre durant l’insurrection populaire qui a balayé le régime. Le chef du parti, Assimi Kouanda, avait été interpellé, puis relâché.
Les autorités de transition, en place jusqu’à des élections présidentielle et législatives prévues en novembre 2015, ont multiplié les signaux pour marquer une rupture avec l’ancien régime.
Les conseils municipaux et régionaux, dans lesquels CDP et ADF/RDA étaient majoritaires, ont été dissous mi-novembre.
Dans le domaine économique, des mesures ont été prises à l’encontre du clan Compaoré, dont la gestion « patrimoniale » du Burkina Faso était vilipendée par la société civile et l’opposition d’alors.
Deux directeurs de sociétés publiques ont été limogés en novembre, et la nationalisation d’une entreprise immobilière appartenant à la richissime belle-mère de François Compaoré, frère cadet de l’ancien président, a été annoncée samedi.
SOURCE : AFP