Débats sur les réformes politiques : A bâtons rompus avec Me Jean Yaovi Dégli, président International du Mouvement « Bâtir le Togo »

Marches concurrentes par-ci dans les rues de Lomé, débats sur les radios et télévisions et meetings par-là : le climat politique est quelque peu tendu ces dernières semaines, et pour cause : les réformes constitutionnelles et institutionnelles. La récente sortie médiatique à Accra (Ghana) du chef de l’État togolais Faure Gnassingbé a encore fait rougir certains opposants. L’Agence Savoir News a approché Me Jean Yaovi Dégli, avocat, président International du Mouvement +Bâtir le Togo+. Lisez.

Savoir News : Quelle analyse faites-vous de la récente déclaration de Faure Gnassingbé: « La constitution en vigueur sera rigoureusement respectée »

Me Jean Yaovi Dégli: On ne peut pas faire une analyse de la déclaration du Chef de l’État sans savoir la question qui lui a été posée. La constitution doit nécessairement être respectée. Un chef d’État est garant du respect de la constitution. Donc le Président de la République ne peut pas dire autre chose que le fait qu’il va respecter la constitution. Maintenant, si la question concerne le mandat présidentiel, je crois que ça été toujours sa position.

C’est-à-dire que la constitution actuelle ne l’empêche pas de briguer un nouveau mandat et il va le briguer dans le respect de la constitution.

Si l’on veut savoir si le Chef de l’État va accepter ou pas les réformes constitutionnelle, c’est une autre paire de manche puisque même si la réforme constitutionnelle intervenait aujourd’hui avec la limitation de mandat, la loi n’étant pas rétroactive, le Chef de l’État une fois encore a la possibilité dans le respect de la constitution d’aller aux élections sans froisser ou sans violer ladite constitution parce que la loi n’est pas rétroactive.

Cette déclaration a soulevé beaucoup de polémiques, mais à chaque fois que les journalistes m’ont approché, j’ai toujours demandé à savoir d’abord la question qui a été posée par le journaliste. Je crois que toute analyse serait insuffisante si l’on ne sait pas exactement la question que le journaliste a posée avant que le Président de la République ne donne sa réponse.

Q : Selon vous, qu’est-ce qui bloque les réformes constitutionnelles et institutionnelles, surtout que le pouvoir affirme sur tous les toits qu’il n’est pas hostile à ces réformes ?

R : Je crois que beaucoup de choses ont bloqué les réformes. D’abord ces réformes auraient dû être faites depuis 2007 lorsque les élections législatives ont été déterminées. Malheureusement l’opposition a mal joué dans la composition du gouvernement et puis après, elle a oublié complètement que l’Accord ¨Politique Globale prévoyait des réformes et qu’il fallait les faire. Sur ce point, c’est la responsabilité de l’opposition.

Après le pouvoir qui n’était pas non plus sous la pression, parce qu’en 2007, Faure Gnassingbé cherchait encore une légitimité internationale et nationale.
Et donc il lui aurait été judicieux et nécessaire de faire rapidement les réformes pour se positionner positivement sur le plan international, on ne l’a pas fait.

Faure Gnassingbé aurait fait ces réformes avec la limitation de mandat et c’est lui qu’on aurait présenté aujourd’hui partout comme un modèle, et il serait sorti comme un grand homme.

Moi personnellement, je lui ai écrit en lui disant : Monsieur le Président ne faites pas les réformes comme sous la pression, faites-les volontairement. Oubliez ce que votre collègue du Burkina-Faso vous dit et faites les réformes. Vous ne gouvernez pas au Burkina-Faso, vous gouvernez au Togo, vous avez promis cette réforme à votre peuple. La nécessité de régler les problèmes politiques togolais exige ces réformes, la CVJR l’a demandé, faites les et vous sortirai vainqueur. Vous sortirai un grand homme, vous en avez besoin. Malheureusement il ne les a pas faites.

Q: Le nœud du problème, c’est la candidature de Faure Gnassingbé. En tant que juriste, quelle appréciation faites-vous de ce sujet ?

R : <

/strong> Aucun élément de notre constitution n’empêche Faure Gnassingbé d’aller aux prochaines élections, aucun élément. La constitution que nous avons actuellement est une constitution qui a été tripatouillée par Gnassingbé Eyadéma en décembre 2002. Nous avons fait en 1992 une constitution limitant les mandats présidentiels à deux. Gnassingbé Eyadema a enlevé la limitation de mandat en décembre 2002. Donc la constitution actuelle est une constitution à mandat illimité et en tant que tel, Faure Gnassingbé a tout loisir d’aller aux élections.

Vous savez en octobre 2007, j’écrivais un livre : « Togo à quand l’alternance politique » où je disais à partir de la page 265, à l’opposition togolaise : +faites faire les réformes immédiatement, sinon le président va faire deux mandats, il va les terminer et puis il va vous dire maintenant je suis d’accord pour la limitation des mandats. Mais, comme la loi n’est pas rétroactive, les deux mandats que j’ai déjà faits ne comptent pas+. C’est comme si j’avais prophétisé.

Aucun de nos leaders de l’opposition n’a tenu compte de ce que je disais en octobre 2007. Nous sommes dans cette situation aujourd’hui. Si on avait fait les réformes en 2007, qui parlerait aujourd’hui de limitation de mandat ? On serait déjà dans la fin des mandats de Faure Gnassingbé.

On ne les a pas faites. Aujourd’hui la loi fondamentale n’empêche pas Faure Gnassingbé d’avoir un autre mandat. Et bien, il faut comprendre que même si on fait les réformes aujourd’hui, la loi n’étant pas rétroactive et notamment cette réforme ne pouvant être rétroactive que si les parties sont d’accord là-dessus et sachant que UNIR et son président ne seront jamais d’accord de se limiter à deux mandats, et bien Faure Gnassingbé a tout loisir juridiquement et constitutionnellement d’aller aux élections en 2015. Et rien ne l’en n’empêche et personne malheureusement ne pourra l’en empêcher.

Q : Quels conseils avez-vous à l’endroit de la classe politique togolaise (pouvoir et opposition)?

R : A l’ endroit du Président de la République: Je dirai comme je le lui ai adressé tout dernièrement, qu’il faut qu’il devienne un grand homme, il faut qu’il prenne les taureaux par les cornes. Vous savez les grands hommes quelque fois sont obligés de faire les choses même contre leurs propres intérêts.

Qu’il oublie l’intérêt qui ne coïncide pas avec les intérêts du peuple, qu’il tienne compte de l’intérêt général du peuple togolais, qu’il tienne compte du fait que ces réformes ont été une nécessité des crises politiques à répétition que nous avons connues, qu’il tienne compte du fait que ces réformes sont indispensables parce que la CVJR que lui-même a mis en place pour aboutir à une réconciliation dans ce pays, l’a exigées et qu’il fasse les réformes là.

Et que le Président de la République, Faure Gnassingbé accepte de devenir pour le Togo, le premier ancien Chef d’État à un moment donné. Qu’il accepte de devenir le premier ancien Chef de l’État en vie qui ne soit pas en exil, qu’il soit quelqu’un que l’on respecte dans son pays, que l’on consulte en temps opportun. C’est l’occasion pour lui de devenir ce grand homme là dont je lui ai parlé dans mon courrier il y a quelque temps.

La deuxième chose, vis -à vis de l’opposition : qu’elle tienne compte aussi du fait que l’intérêt général seul doit prévaloir. Ce n’est pas parce que certains ne peuvent pas, gagner les élections ou alors que s’ils ratent l’étape de 2015, ils seront trop vieux pour aller aux élections après 2015, qu’ils doivent faire de la politique politicienne.

Il est indispensable de faire la politique de ces moyens et de comprendre que le principe fondamental de droit, c’est que la loi n’est pas rétroactive. Obtenons aujourd’hui ce qui est obtenable, c’est-à-dire limitation de mandat, sachons que cela commence à courir à partir d’aujourd’hui.

Maintenant entre les deux, opposition et présidence de la république, pourquoi ne pas, dans l’intérêt de ce peuple s’asseoir pour négocier. Je les appelle tous à respecter l’intérêt général de ce pays et à faire quelque chose pour le bien-être de notre peuple, d’un côté comme de l’autre. Ils en gagneront, ils en sortiront comme de grands hommes. FIN

De Kpalimé, Ahmed MAESTRO

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