Me Zeus Ajavon, (coordonnateur du Collectif +Sauvons le Togo+ /CST) et le professeur Komi Wolou (Porte-parole du PSR) avaient été déclarés persona non grata lundi au dialogue entre les responsables des partis politiques parlementaires (pouvoir et opposition) en vue des réformes constitutionnelles et institutionnelles.
Me Ajavon et le Professeur Wolou, faisaient partie respectivement des délégations de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) et de l’ADDI. La délégation du pouvoir a fortement contesté leur présence dans la salle, ces derniers n’étant pas membres d’un parti siégeant au Parlement. Ils ont été simplement priés de quitter la salle. Dans une note publiée ce mardi, le professeur Komi Wolou réagit.
Voici l’intégralité de la réaction du professeur Komi Wolou
Si un seul instant, mon analyse m’avait conduit à penser que ma présence au sein de la délégation de l’ADDI dans le cadre du dialogue, constituait une violation des règles définies pour la tenue dudit dialogue, je ne me serais pas présenté dans cette salle. Cet incident me permet néanmoins de saisir la profondeur du mal togolais et m’oblige à écrire ces lignes.
A la suite des concertations ayant précédé l’ouverture du dialogue, il était convenu que seuls les partis parlementaires devaient y participer. C’est à ce titre que l’ANC et l’ADDI prennent part à ce dialogue. Je suis un responsable du PSR, membre du CST, regroupement auquel appartient aussi ADDI. C’est dire que l’ADDI, le PSR l’ANC de même que les autres formations ont toujours de concert travaillé au sein du CST. J’ai donc accepté de prendre part à ce dialogue au sein de la délégation de l’ADDI sur des sujets sur lesquels je pouvais apporter ma contribution. Dans la salle, les représentants du gouvernement, ceux du parti UNIR et de l’UFC ont considéré que ma présence et celle de Maître AJAVON étaient une entorse aux principes retenus, puisque je n’étais pas membre du parti ADDI. Il était aussi demandé à Maître AJAVON de dire clairement s’il était membre de l’ANC. Face à la résistance des chefs des délégations de l’ANC et de l’ADDI, qui ont clairement exprimé leur droit de composer leur délégation en toute liberté avec des citoyens togolais, une suspension de séance avait été décidée. Le représentant du gouvernement avait, avant de sortir de la salle, clairement indiqué que de leur côté, « ils n’ont pas besoin de dialogue », ce à quoi j’ai répondu, « Je suis heureux de vous l’entendre dire, Monsieur le Ministre ». Cette précision est indispensable. Nous y reviendrons.
En politique comme ailleurs, la règle de droit permet de dire ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Ensuite, toute règle de droit a une finalité qui permet de déterminer sa portée. Il n’y a pas lieu d’imposer dans l’application de la loi, des contraintes qui aillent au-delà du but recherché. Ce serait une absurdité.
L’idéal aurait voulu que tous les Togolais se réunissent pour dialoguer ; cela n’est évidemment pas possible. Il aurait été souhaitable que tous les partis politiques et organisations de la société civile y prennent part. L’effectif des participants serait tel que le dialogue deviendrait impossible ou contre-productif. Il fallait un critère objectif qui ne donne pas l’impression d’une discrimination. Le critère retenu est la participation des partis politiques représentés au parlement. Il est demandé à chaque délégation de présenter deux titulaires et deux suppléants. Ces exigences ne sont pas destinées à exclure un Togolais du dialogue, mais à limiter objectivement le nombre de participants au dialogue dans le but légitime de sa tenue dans des conditions de sérénité. C’est l’esprit de la loi. Ce sont donc les partis politiques parlementaires qui sont représentés à ce dialogue. Il n’est pas dit que ce sont les membres des partis parlementaires. Cette précision est importante pour ceux qui, d’un point de vue juridique, confondent la personne morale (un parti politique par exemple), avec ses membres (ses militants personnes physiques). En Droit, ce sont deux sujets de droit clairement distincts. Ce n’est qu’un principe élémentaire du Droit. Ceux qui se présentent au dialogue au nom des partis politiques ne sont que leurs mandataires. Le mandat ou procuration est le pouvoir donné par le mandant à une personne (le mandataire) de faire quelque chose en son nom et pour son compte. Ceux qui sont dans la délégation de ADDI agissent au nom et pour le compte de ce parti.
Dès lors, le problème juridique qui se pose est celui de savoir si une personne morale (un parti politique) peut donner mandat à une personne physique qui n’en est pas membre pour agir en son nom et pour son compte?
2 – La réponse à cette question permettra de savoir si je pouvais ou non être membre de la délégation de l’ADDI.
Le Droit n’est pas un jeu de hasard. Le Droit est une science. Il définit des concepts qui permettent de réaliser des catégories. A ces catégories correspondent des régimes juridiques. Face à une situation donnée, on procède à une qualification qui permet de ranger la figure en cause dans une catégorie précise. On lui applique ensuite le régime juridique correspondant. La politique sans le droit n’est que dérive et ne peut conduire qu’à la dictature. Certains citoyens, par ignorance des règles de droit, peuvent ne pas comprendre le problème qui se pose. Si éventuellement le gouvernement a aussi agi par ignorance, je l’invite à mieux s’informer. Mais, je n’ose pas croire que les éminents juristes conseillers du chef de l’Etat, les membres du gouvernement et les délégations qui ont soutenu qu’il y avait violation des règles convenues ignoraient ces principes de même que la réponse au problème juridique posé.
J’affirme avec certitude qu’aucune règle de droit ne s’oppose à ce qu’une personne morale, fut-elle un parti politique, donne mandat à une personne physique qui n’en est pas membre, d’agir en son nom et pour son compte.
Il ne me viendrait jamais à l’esprit de me présenter à ce dialogue comme responsable du PSR qui de toute évidence n’est pas un parti parlementaire. Chacun prend position en fonction des informations dont il dispose et de son niveau de compréhension des situations. Si le gouvernement a agi par malveillance, qu’il se ressaisisse.
S’agissant du cas particulier de Maître AJAVON, à qui le représentant du gouvernement et les deux autres délégations demandent de dire clairement s’il est membre de l’ANC, en vertu de quelle règle de droit et en quelle qualité peuvent-ils formuler une telle exigence ? Je ne le sais pas. Je m’interroge sur la compréhension qu’ils ont de l’étendue de leur pouvoir, même s’ils sont membres du gouvernement ou membres du parti au pouvoir. Il appartient à l’ANC de reconnaître ses militants, de limiter sa délégation au dialogue à ses membres, de l’étendre s’il le souhaite à ses sympathisants ou de l’ouvrir à tout citoyen togolais.
Il n’y a pas longtemps UNIR présentait parmi ses candidats aux élections législatives, le premier responsable d’un autre parti, sans qu’il y ait liste commune. Pourtant hier au dialogue, le représentant du gouvernement, parlant de ma qualité de responsable du PSR, affirmait haut et fort que personne ne peut appartenir en même temps à deux partis. Je n’ai jamais affirmé appartenir à ADDI. Quand les problèmes sont mal posés, on ne peut aboutir qu’à de mauvaises solutions. UNIR peut tout se permettre sur la terre de nos aïeux, y compris contrôler la qualité de membre d’un autre parti politique. Sur la terre de nos aïeux, l’Eternel se réservera toujours des hommes qui ne fléchiront pas le genou devant Baal parce que le Peuple Togolais s’est placé sous la protection de Dieu.
Il faut par ailleurs ajouter que la légitimité d’une règle de Droit s’apprécie aussi au regard de ses incidences pratiques. Tout bon juriste le sait. La limitation du dialogue aux partis parlementaires serait-elle légitime si elle a pour conséquence d’exclure indûment des citoyens Togolais qui pourraient apporter des contributions réelles ? L’ADDI et l’ANC n’ont jamais demandé que soient augmenté le nombre de leurs participants au dialogue. Ils n’ont fait que constituer leur délégation dans le respect des principes élémentaires du Droit avec leurs compagnons de lutte.
3 – Alors, pourquoi un tel acharnement inutile du gouvernement, de l’UNIR et de l’UFC ? La réponse me paraît évidente après avoir exclu l’hypothèse de l’ignorance. « Nous n’avons pas besoin de dialogue » a affirmé le représentant du gouvernement, publiquement dans la salle de dialogue, menaçant de partir si les personnes concernées ne quittaient pas les lieux. L’acceptation de ce dialogue par le gouvernement n’est qu’une apparence, une hypocrisie, une manière de gagner du temps.
Lorsque, à la suite de ses multiples prises de positions et initiatives, il a été rappelé au représentant du gouvernement qu’il n’avait que la qualité d’observateur, il protesta en soulignant que c’est le gouvernement qui a initié le dialogue. Un gouvernement qui n’a pas besoin de dialogue, en prend l’initiative, se réservant le simple rôle d’observateur, disposant néanmoins de tous les pouvoirs. Cher Togo, d’où te viendra le secours ? Le secours te viendra de l’Eternel qui a fait les cieux et la terre.
Excellence Monsieur le Président de la République, Seriez-vous complice, commanditaire ou simple victime de cette machination ? Le peuple togolais a tant souffert et ne mérite pas ce cynisme. Vous devez instruire vos collaborateurs afin qu’ils reviennent à de meilleurs sentiments. A défaut, le peuple vous imputera directement ces attitudes que rien ne justifie.
Notre problème au Togo résulte du fait que nous sommes dirigés par des super-hommes, trop forts pour comprendre les faibles citoyens que nous sommes.
Je demeure convaincu que le peuple togolais a besoin d’un dialogue franc et sincère même si les contradictions du gouvernement laissent peu de place à l’espoir. Je continuerai ailleurs, modestement mais avec ferme conviction à apporter ma pierre à la construction de mon pays.
Pour terminer, aux abstentionnistes de tous bords, je voudrais dire qu’il y a des situations dans lesquelles ne rien dire équivaut à cautionner le mal. Il y a des silences coupables. Puisse la grâce du Seigneur protéger le Togo.
Professeur Agrégé Komi WOLOU
Porte-parole du PSR