Des incendies qont ravagé tout récemment le marché de Kara (nord) et le principal bâtiment du grand marché de Lomé. Pour le gouvernement, il s’agit « d’actes criminels ». Les autorités togolaises ont mis en place une commission composée d’officiers de police et de gendarmerie, placée sous l’autorité du Procureur.
Deux experts français en police scientifique séjournent à Lomé ils chercheront à « comprendre les causes » de ces incendies.
Pas de pertes en vies humaines lors de ces incendies, les dégâts sont importants et pourraient avoir des conséquences énormes sur l’économie togolaise, selon certains économistes. Pour sa rubrique « TROIS QUESTIONS A… « , L’Agence Savoir News s’est rapprochée de Charles Birregah Docteur en Science de gestion et Expert Comptable.
Savoir News : Le marché de Kara et le principal bâtiment du grand marché de Lomé ont été ravagés la semaine dernière par des incendies. Vous êtes un économiste de haut niveau. Sur le plan macroéconomique, comment peut-on qualifier ces deux « drames »? Et à combien peut-on évaluer les dégâts?
Dr Charles Birregah : Je voudrais avant tout, présenter ma compassion à tous les sinistrés du grand marché de Lomé et de Kara. C’est un drame national. C’est vraiment dommage que ce soit arrivé à notre pays qui essaie de se relever des difficultés de ces 15 dernières années. Ce que nous pouvons faire à notre niveau en tant qu’expert-comptable, financier ou en tant que président de Fonds d’Aide aux Orphelins et aux veuves (FONDAVO), nous le ferons pour venir en aide à tous les sinistrés aux côté de l’Etat qui doit jouer son rôle régalien.
Au sujet de votre question, je compare les deux drames à ce qui s’est passé le 11 Septembre 2001 aux Etats-Unis : on a touché les deux entités importantes qui représentent le commerce sur le plan national. Et vous n’êtes pas sans savoir que le marché de Lomé, est un marché de régulation. C’est là que résident les grands commerçants du Togo. Et celui de Kara joue le même rôle pour le Nord. Par conséquent, ces drames vont entraîner beaucoup de conséquences sur le plan d’abord des transactions commerciales. Il y aura des conséquences sur les transactions commerciales au niveau de la région maritime, national ou sous-régional et surtout plus particulièrement au niveau du corridor Abidjan-Accra-Lomé-Cotonou-Lagos.
Vous savez que le grand marché de Lomé est une adresse incontournable pour tous les grands commerçants de l’Afrique de l’Ouest et Centrale qui viennent s’approvisionner dans diverses marchandises notamment les pagnes.
C’est un drame pour toute la Nation, et par ricochet pour tout le commerce. Les prix de référence qui se faisaient sur les autres marchés venaient essentiellement du grand marché de Lomé et de Kara. Donc, cela va entrainer, une évolution erratique, une flambée des prix spontanée. Nous risquons de faire face à une hausse anarchique des prix des denrées alimentaires due à ce désordre qui sera installé au niveau du circuit de commercialisation.
Les conséquences qui peuvent en découler sont de divers ordres. Nous pouvons évoquer les conséquences sociales, c’est-à-dire qu’il y aura ces personnes qui vivaient du marché, qui travaillaient et qui seront inactifs. Une mise en chômage de tous ceux qui exercent une activité liée aux deux grands marchés. Nous pouvons relever également des problèmes socio-psychologiques, parce que ces hommes et femmes feront face à des difficultés financières dans leur foyer pour pouvoir subvenir aux besoins de leurs enfants. Il y aura également des conséquences au niveau des banques, des micro-finances parce que ces commerçantes travaillent beaucoup avec ces institutions bancaires. On va connaître une baisse des mouvements de dépôts et de crédits dans les banques. Il faut craindre aussi des crédits en souffrance dans les institutions financières. Ce qui va engendrer une baisse considérable de leur rentabilité. Si on ne fait même pas attention, certaines institutions de micro finance risquent la faillite. Il faut des mesures idoines notamment d’accompagnement comme se fût le cas aux Etats Unis. L’Etat doit maintenant jouer son rôle régalien pour pouvoir minimiser un peu les conséquences de ce drame. L’autre conséquence réside dans le fait que si on ne trouve pas une solution rapide à ce drame, le savoir-faire des Nana Benz risque de disparaitre. Elles ont un savoir-faire séculaire qu’on doit sauvegarder à tout prix. Les pagnes au Togo, c’est une référence dans la sous-région, en Afrique, même en Europe (…). Il y aura aussi des conséquences pour l’Etat. Les recettes douanières vont chuter, puisque ces femmes ne peuvent plus faire des commandes. Il y aura une baisse de la transaction commerciale. Leurs containers resteront en souffrance au PAL, elles ne peuvent plus commander.
Les recettes fiscales vont également baisser, de même que les recettes de l’EPAM. Il faut retenir que la crise financière et la crise économique que nous vivons actuellement dans les pays occidentaux a été induite par l’attentat du 11 Septembre 2001 pour la simple raison qu’on a touché le cœur du marché américain et que tout s’est désorganisé. Il faudrait faire vite pour que justement, nous ne vivions pas la même situation, afin que les taux de croissance positives de 5% environ que nous connaissons ces trois dernières années puissent être maintenus voire dépassés si on se réfère à la SCAPE (Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi).
Savoir News : A combien peut-on évaluer ces drames?
Dr Charles Birregah : C’est des centaines de milliards F.CFA qui seront perdus. On ne peut connaitre les chiffres réels. Si on cumule ce que ces femmes engendrent en termes de transactions financières, de ressources pour les banques, des recettes fiscales et douanières, de pouvoir d’achat dans le pays, l’impact peut être évalué à des centaines de milliards sur le Produit Intérieur Brut (PIB). C’est pour cela qu’il faut juguler ce désastre pour permettre à notre économie de ne pas trop en subir. C’est ici que l’Etat doit jouer son rôle régalien.
Savoir News : Quelles sont les stratégies que l’Etat peut adopter pour que ces deux drames n’entraînent pas d’autres situations dans nos marchés? (spéculation, inflation etc….). Et qu’est-ce que l’Etat peut faire dans l’immédiat pour une reprise des activités, surtout de ces commerçantes qui ont tout perdu dans les flammes?
Dr Charles Birregah :<
/strong> Il y a des mesures urgentes à prendre et des mesures à court ou long terme. Pour les mesures urgentes, le gouvernement les réalise entièrement sur le plan de la prise en charge psychologique des victimes, le soutien moral, pour que nos concitoyens des deux marchés sentent que, derrière ce drame, ils ont l’Etat à leur côté.Parmi les mesures urgentes, l’Etat doit promettre de prendre en charge leur sinistre dans les banques, c’est-à-dire les dettes qu’ils ont contractées auprès des banques. Il faut que l’Etat arrive à prendre vite cela en charge non pas pour effacer, mais pour racheter ses dettes et permettre aux commerçants de relancer leurs activités afin de rembourser leurs dettes sur une échéance plus longue. Il n’y a que l’Etat qui peut jouer ce rôle d’assureur de dernier ressort. Les bailleurs de fonds ou les sociétés d’assurances peuvent également participe. Ils peuvent également donner des fonds de roulement pour permettre à ces commerçants de reprendre leurs activités. Dieu merci qu’il n’y a pas de perte en vies humaines.
Comme mesure à court terme, c’est d’ériger un site provisoire qui doit être prêt dans un délai d’un mois, afin de permettre aux commerçants de reprendre leurs activités. Les mesures à long terme, c’est de faire appel aux architectes pour ériger des immeubles modernes pour que les commerçants constatent de leurs propres yeux, que des cendres des deux grands marchés, du beau et du neuf seront érigés. C’est le moment de voir l’importance de la communication. Il faut chaque fois, que les mesures soient communiquées à travers les associations des revendeurs et les médias. FIN
Propos recueillis par Lambert ATISSO
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