Porté sur les fonts baptismaux en avril dernier, le « Nouvel Engagement Togolais » (NET) » est l’un des petits poucets de la scène politique togolaise. Cette formation politique dirigée par Gerry Taama a fait ces dernières semaines de petites sorties et la dernière remonte au 9 octobre avec le lancement de l’opération « pouvoir d’accord, Togo d’abord ».
Il s’agit d’une initiative visant à inviter tous les acteurs politiques togolais à accepter le principe du dialogue dans un autre cadre de discussion, qui sera présidé par les autorités religieuses du Togo. Approché par l’Agence Savoir News, M.Taama revient sur cette opération, les manifestations du Collectif « Sauvons le Togo » et le processus d’élection des membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
Savoirs news : Dimanche dernier au stade, on vous a beaucoup vu (avec certains des membres de votre bureau politique) au stade où vous avez bruyamment supporté les éperviers. Vraie passion pour le football ou activité politique déguisée?
Gerry Taama: (rires) Non, la politique n’est pas un spectacle. Ceux qui me connaissent savent que je suis un vrai amoureux du ballon rond. Alors, quand c’est la nation qui peut retrouver sa cohésion grâce au foot, quoi de mieux que de supporter nos ambassadeurs et nous retrouver où nous devons être, justement dans la foule. Vous savez, au début, j’étais à la tribune officielle, mais il y a avait trop de personnes qui se prenaient au sérieux là bas, j’ai rejoint les copains dans les tribunes supérieur, et j’avoue qu’on s’est bien amusé.
Savoirs news : Est-ce une nouvelle façon de faire la politique alors, s’immerger ainsi dans la foule ? Vous n’aviez pas peur pour votre sécurité ?
Gerry Taama:<
/strong> Je ne sais pas si c’est une nouvelle façon de faire la politique. Moi je crois que c’est là seule façon de s’engager. Si vous n’êtes pas avec les gens, comment savoir ce qu’ils pensent, et ce dont ils ont besoin? Pour ma sécurité, si je commence à avoir peur de me retrouver dans la foule, il faut songer à faire un autre métier.Savoir news : Revenons maintenant à la politique. On a l’impression que votre parti, le NET est devenu un « médiateur » dans la crise togolaise. Vous sillonnez le pays pour inviter les acteurs politiques au dialogue. Ce n’est pas très orthodoxe comme activité d’un parti politique, non?
Gerry Taama : Je ne sais pas si c’est orthodoxe ou pas, mais en tout cas, je sais que c’est nécessaire. Vous savez, nous sommes un peu les benjamins de la classe politique togolaise (la moyenne d’âge au NET est de 30 ans) et ce que le peuple togolais attend de nous, c’est de l’audace et de la créativité, parce que nous sommes l’obligatoire relève de demain. Si nous restons dans les sentiers battus, s’engager en politique pour la faire autrement n’a plus aucun sens. Voila pourquoi nous essayons, chaque fois que nous en ressentons la nécessité, de porter une autre voix, de poser un autre regard sur notre réalité politique et sociale, avec cependant un dénominateur commun, c’est notre obligation de contribuer au changement de régime à la tête du Togo en 2015. Et cela commence par les locales et législatives de 2012.
Savoir news : Mais en quoi consiste donc votre projet : « pouvoir d’accord, Togo d’abord ».
Gerry Taama:<
/strong> Le NET est parti sur le constat de l’impasse dans lequel se trouve la classe politique togolaise. Le plus grand mal pour notre peuple est que cette impasse a des répercussions directes sur le vécu des Togolais. D’abord, il y a un net ralentissement du climat des affaires. Je suis opérateur économique et je peux vous dire qu’il s’agit d’une réalité que nous observons directement sur le terrain. Ensuite, c’est l’imminence d’une explosion de violences, comme nous avons commencé à le voir à Adewui, si rien n’est fait. Mais c’est aussi le constat du manque de volonté du régime à faire de vraies reformes qui nous amène à tirer la sonnette d’alarme. Il est important qu’on fasse quelque chose pour sauvegarder la nation togolaise. Vous avez suivi les conclusions de l’accord du 13 septembre. Vous avez suivi comme tout le monde l’élection des membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Est-ce que vous y trouvez une envie de mettre fin au malaise politique ? Non. C’est le pourquoi, il faut tenter quelque chose. Nous estimons qu’aujourd’hui, le gouvernement n’est plus crédible à abriter un cadre de discussion. Voilà pourquoi nous en appelons aux autorités religieuses à prendre le relais. Tout le monde craint Dieu dans notre pays, eux seuls ont la personnalité morale suffisante pour amener tous les acteurs à parler à se cœur ouvert. Mais ils ne doivent pas être seuls, les responsables coutumiers et la société civile impartiale doit les accompagner, avec l’appui de la communauté internationale, surtout celle présente au Togo.Savoir news : D’aucuns disent qu’il y eu suffisamment de dialogues au Togo, et que c’est l’application des conclusions du dialogue qui fait défaut. Qu’en dites-vous?
Gerry Taama : Je suis parfaitement d’accord, mais face à ce constat, la question que nous posons, c’est ce que nous avons en remplacement. Les manifestations ? Elles sont encore plus inopérantes. Tout le monde s’accorde à dire que nous avons fait en 1994 et 2007 des élections transparentes et crédibles. C’est à l’issue du dialogue que nous avons organisé ces consultations. Toutes les avancées démocratiques que nous avons dans notre pays sont le produit des dialogues. Ne nous méprenons pas. Le dialogue sans la pression (de rue, diplomatique ou de lobbying) est stérile, mais quand on a fini de faire la pression, il faut dialoguer. On y gagne toujours quelque chose. Si vous comparez les résultats des 17 dialogues aux issues des centaines de marches que nous avons sempiternellement organisé au Togo, il n’y a pas de doutes, le dialogue l’emporte. Le problème, c’est que le régime s’appuie toujours sur les clivages au sein de l’opposition pour faire du surplace. Parce qu’au lendemain de la signature de l’Accord Politique Global (APG), l’Union des Forces de Changement (UFC) s’était désolidarisée de l’accord, le point trois de l’APG n’a pas été exécuté, disent les partisans du régime. De même, c’est parce l’ANC et le CAR n’ont pas participé aux CPDC, qu’ils n’ont pas appliqué toutes les décisions de ce cadre.
Pourtant, la « loi Bodjona » est aujourd’hui la propriété de tous les partis politiques, même si certains avaient vilipendé ceux qui l’avaient toilettée. C’est la preuve que le gouvernement peut faire des réformes justes, et avoir le soutien de toutes les parties a fortiori.
Savoir news : Vous avez rencontré beaucoup de monde, quel est votre impression générale à l’issue de ces consultations ?
Gerry Taama Vous savez, nous avons commencé par le quai d’orsay pour nous retrouver aujourd’hui avec les leaders religieux en passant par toutes les représentations diplomatiques présentes au Togo. Il y a à mon sens deux constances qui se dégagent : la première est que la situation sociopolitique togolaise est très complexe et préoccupante, cependant elle n’est pas encore désespérée. Nous pouvons encore rattraper le jeu. La seconde est que si nous continuons à nous tourner le dos, les gens vont nous ignorer, et ceci profite au régime. Exactement comme en 2002.
Savoir news : Le NET n’a jamais fait mystère de son envie à aller aux élections. Si dans le cas actuel, le gouvernement organisait les élections, êtes-vous disposés à y aller quand même ?
Gerry Taama : Vous savez, nous avons souvent été très critiques avec les députés présents dans l’actuelle assemblée nationale qui, pendant cinq ans, n’ont fait de ni propositions de loi, ni enquête parlementaire. L’enjeu qui se joue aujourd’hui, c’est de changer la culture politique de nos députés et d’en faire des acteurs de contre-pouvoir. Pour cela, il faut de nouvelles têtes au parlement. Cependant, il ne faut pas que ce soit à n’importe quelle condition. Le gouvernement, par le dialogue du 13 septembre, et la mise en place d’une CENI fantoche ne prend pas la bonne direction, malheureusement. Mais en tout état de cause, la décision revient à la base. Pour des questions aussi importantes, on s’en remet à la base.
C’est elle qui vote, après tout. Et les élections locales et législatives de 2012 doivent baliser la voie à l’alternance de 2015.
Savoirs News : Les Togolais attendent toujours dans l’anxiété les conclusions de l’enquête sur les violences d’Adéwui. Vous êtes aujourd’hui l’un des rares partis de l’opposition à avoir organisé un meeting à Kara depuis le 04, date à laquelle des jeunes ont empêché le CST à faire sa manifestation à Kara. Que pensez-vous de la gestion de ce dossier par l’État ?
Gerry Taama Je crois que la « ghettoïsation » de certaines parcelles du territoire nationale est une prémisse à l’instauration du chaos dans notre pays. Vous vous doutez bien que si certaines personnes sont déclarées non grata dans des villages ou villes, d’autres personnes aussi peuvent procéder par mimétisme, et nous allons retomber sur nos travers des années 90. Je pense que sur un tel dossier, si sensible, le chef de l’État doit s’exprimer aux Togolais, et prendre des mesures énergiques pour identifier, appréhender et punir ceux qui sont coupables d’agressions et voies de fait. Il faut qu’il s’implique, car les démons de la division et de la discorde sont prêts à rejaillir.
Savoirs News : Votre mot de fin.
Gerry Taama <
/strong>Ce pays a tous les atouts pour devenir un modèle dans la sous-région. Il lui manque juste un détail, la grandeur d’âme de ses hommes politiques. Le pouvoir en face ne veut rien lâcher, on peut à la rigueur les comprendre. L’instinct de conservation est propre à l’homme. C’est à nous, leaders de l’opposition de nous montrer plus pugnaces, plus rusés, et plus organisés. L’analyse prospective manque souvent à nos actions, et en face, ils en profitent. Parfois, je suis tenté de dire que les Togolais sont prêts pour le changement, mais que c’est nous les leaders politiques qui ne le sont encore suffisamment. Et il nous faut rattraper le retard, et vite. FINEn Photo: M.Taama à l’extême gauche
Propos recueillis par Junior AUREL
Savoir News, La Maison de L’INFO
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