« Le phénomène +zémidjan+ a fait son apparition au Bénin dans les années 1980. Et personne ne pouvait songer qu’en un temps très proche, le taxi moto allait conquérir le Togo jusqu’à ravir la vedette aux autres modes traditionnels de transport », confie Komlavi Agbo, coordonnateur du Collectif des Organisations Syndicales des Taxis Motos du Togo (COSTT).
Au Togo, la première apparition des zémidjans remonte à novembre 1990 au moment où les conducteurs de véhicules taxi-autos affectés au transport public de passagers, ont protesté contre l’obtention obligatoire du permis de conduire professionnel imposé par l’administration togolaise dans le cadre du règlement des problèmes sécuritaires liés au transport routier notamment la recrudescence des accidents sur nos routes.
« Les conducteurs d’autos avaient observé une grève de deux jours, plus précisément les 28 et 29 novembre 1990. Et c’est au cours de cette période de paralysie du transport public, que les taxis motos ont fait leur sortie qui n’a malheureusement duré que deux jours », se souvient encore M.Agbo.
« Au début de la grève, ce n’était pas du tout facile d’exercer cette activité. Certains quartiers étaient interdits aux taxis motos pour des raisons politiques diverses et souvent fallacieuses. Si vous habitez Bê, vous êtes indexé de mauvais citoyens parce que disait-on, vous sabotez la réussite de la grève. Vous êtes menacé de mort et votre pneu crevé. Si vous habitez le quartier Adéwui (Tokoin Doumassesse), vous ne pouvez pas faire taxi moto, parce que vous êtes rapidement épinglé comme partisan de l’opposition politique », raconte-t-il.
Après ces deux jours « d’essai », certains ont pris goût à la chose. Durant l’année 1990, quelque 121 jeunes se sont lancés dans cette aventure, imitant ainsi les béninois déjà en avance dans le secteur.
Au fil des années, le phénomène a pris corps en raison de la longue crise économique. Beaucoup de jeunes togolais ont alors adopté ces taxis-motos pour se faufiler dans la crise.
Boom des conducteurs de taxis-motos
Selon les récentes statistiques du COSTT, les zémidjans étaient estimés à 213.807 à fin décembre 2011 dont 57.215 à Lomé, 41.806 dans le Golfe et 26.674 dans la région Maritime.
La région la moins représentée dans le tableau est la région de la Kara avec 17.905 zémidjans pour la même année.
En 2010, ces zémidjans étaient estimés à 191.560 contre 174.016 en 2009 et 155.813 en 2008. Dix années plus tôt (en 2002), le Togo comptait 94.670 zémidjans dont 27.201 à Lomé et 21.547 dans la région maritime.
Malgré les critiques acerbes portées contre ces conducteurs de taxi-motos et les conditions très difficiles d’exercice de ce métier, le nombre de « pilotes » de motos ne cessent d’augmenter.
« Cette situation est due d’abord à l’organisation syndicale du phénomène et ensuite à sa rentabilité quoiqu’on dise. Il devient impératif de protéger le système deux roues, de l’améliorer, de le sécuriser, de le pérenniser afin qu’il demeure un tremplin pour les jeunes », estime M.Agbo.
La première structure des conducteurs de taxi-motos baptisé Regroupement des Taxi Motos (RETAMO) a vu le jour en 1993. C’était une simple association qui a suscité peu d’intérêt au sein des zémidjans. Elle a laissé place en janvier 1994 au premier syndicat des taxi-motos dénommé Union Syndicale des Conducteurs de Taxi Motos du Togo (USYNCTAT). Près de 1.400 zémidjans avaient pris part à l’Assemblée générale constitutive de ce syndicat. De nos jours, le secteur compte sept syndicats, réunis dans au sein du COSTT.
Un secteur à assainir
Sur le terrain, les enquêtes ont révélé que le Zémidjan est la principale activité qui occupe aujourd’hui beaucoup de jeunes diplômés sans emploi, d’où la nécessité d’assainir le secteur. Beaucoup de jeunes ont vidé les villages pour les villes où ils exercent ce métier. Certains quittent les coins les plus reculés en début de semaine et ne rentrent que les week-ends. Et durant toute la semaine, ils passent la nuit devant des magasins; dans des marchés ou à la belle étoile.
Selon des responsables du COSTT, à peine 5% des conducteurs de taxi-motos détiennent leur permis de conduire, situation qui n’est pas sans conséquence: des accidents récurrents dans les grandes villes du pays, occasionnant parfois des pertes en vies humaines.
En 2011, environ 313 accidents mortels de la circulation d’engins à deux roues sont enregistrés contre 249 en 2010. A Lomé, 202 accidents mortels ont été recensés en 2011 contre 148 en 2009.
« Les nombreux accidents qui surviennent sont dus dans la plupart des cas, à la non maîtrise du langage de la route. Il y a également certains qui ne maîtrisent pas les engins », explique le coordonnateur du COSTT.
« Outre les accidents, les conducteurs sont également exposés à plusieurs dangers dont des braquages. Certains voleurs sont des conducteurs de taxi-motos qui agressent leurs camarades. Ils leur retirent les motos et vont les vendre selon un circuit bien déterminé que nous ne maîtrisons pas encore », souligne M.Agbo. FIN
Junior AUREL / Lambert ATISSO
Savoir News, une équipe jeune et dynamique
www.savoirnews.net, l’info en continu 24H/24