« Nous parlons de dialogue, mais nous n’irons pas dialoguer dans n’importe quelles conditions », a affirmé Jean Pierre Fabre, le président de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC, opposition) dans une interview exclusive à l’Agence Savoir News. Ce dernier a abordé plusieurs sujets, notamment sa récente visite à Paris et le dialogue manqué du 28 juin dernier à la Primature. Il revient également sur les conditions posées par le Collectif « Sauvons le Togo » pour sa participation au Dialogue. Rappelons que l’ANC fait partie de ce collectif, officiellement lancé le 5 avril dernier à Lomé.
Savoir News: L’ANC va boucler en octobre prochain, ses deux années d’existence. Comment se porte aujourd’hui ce parti politique?
Jean Pierre Fabre:<
/strong> Notre parti politique, par la grâce de Dieu, se porte bien. Nous avons entrepris une tournée nationale que nous avons terminé depuis bientôt 7 mois, et qui nous a permis de sillonner le pays et d’évaluer notre implantation. Nous avons fait du bon travail, nous sommes bien connus et nous sommes présents en ce qui concerne l’actualité politique.Savoir News: La semaine dernière, vous étiez à Paris où vous avez été reçu par le Conseiller-Afrique du Président français François Hollande. De manière succincte, de quoi avez-vous discuté?
Jean Pierre Fabre: Nous avons discuté de la situation politique au Togo et de la réalité de la crise qui secoue actuellement le pays. Nous avons aussi discuté des solutions. Vous convenez avec moi que le Togo est secoué par une crise depuis plus de 20 ans. C’est une crise au seuil du refus du pouvoir en place, d’œuvrer à la restauration de la démocratie, comme les populations togolaises le demandent ardemment. Le régime use de tous les superfuges pour se maintenir au pouvoir. Et c’est l’origine de la crise. Le pouvoir viole constamment la constitution, les lois et les droits de l’Homme. Vous vous souvenez de la question des députés ANC, révoqués de leur mandat parlementaire et du dossier relatif au rapport de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH). Ces deux points suffisent pour expliquer le tableau que je viens de brosser.
Savoir News: Et qu’est-ce que le Conseiller-Afrique de M.Hollande vous a dit?
Jean Pierre Fabre: On ne divulgue pas sur la place publique, le contenu de ces genres de discussions. Comme je l’ai dit plus haut, nous avons discuté de la situation politique actuelle au Togo. Il m’a écouté et il a donné le point de vue du gouvernement français.
Savoir News: Aujourd’hui la situation est morose. Quelle est, selon vous, la solution de sortie de « crise »?
Jean Pierre Fabre: Il faut d’abord que le pouvoir comprenne que la fuite en avant n’est pas une solution. Pourquoi empêcher les manifestations, alors que la constitution garantit le libre exercice des libertés fondamentales? Ce n’est pas la solution. En tant que membre du Collectif « Sauvons le Togo », nous n’allons pas céder à cette stratégie. Bien vrai, le moment viendra où il faudra discuter. Actuellement, je pense que le gouvernement se précipite de parler de dialogue, parce qu’il considère que nous n’avons jamais été bon dans les discussions qui ont eu lieu depuis 1990. Le gouvernement doit se détromper, car cela va être très difficile pour lui.
Savoir News: Le 28 juin dernier, le Collectif « Sauvons le Togo » a boudé l’invitation du Premier ministre Gilbert Fossoun Houngbo. Ne pensez-vous que c’était une opportunité loupée?
Jean Pierre Fabre: Nous parlons de dialogue, mais nous n’irons pas dialoguer dans n’importe quelles conditions. Les conditions que nous posons sont de deux ordres:
Le premier point concerne le règlement des problèmes nés de la répression des manifestations de ces derniers temps: libération des personnes détenues, restitution du matériel confisqué et exercice de liberté de manifestations.
Le deuxième point concerne l’apaisement du contexte politique général. A ce niveau, il y a deux points: le règlement de la question des députés ANC révoqués de leur mandat parlementaire en violation de la constitution, la mise en œuvre des recommandations de la CNDH et la punition des auteurs ayant falsifié le rapport de cette Commission.
Vous parliez de l’invitation du Premier ministre. Elle s’est faite dans la précipitation et dans l’empressement. Vous savez, rien de sérieux ne se fait dans la précipitation. C’est pour cela que nous n’avons pas jugé nécessaire de nous présenter à la Primature.
Savoir News: Vous savez que nous sommes en Afrique et que dans nos traditions, il faut d’abord répondre à une invitation.
Jean Pierre Fabre: Les valeurs africaines n’empêchent pas le Premier ministre de prendre son temps, s’il veut nous inviter à discuter de manière sérieuse. Pensez-vous que le fait d’avoir invité les ambassadeurs sans nous informer est conforme aux valeurs africaines? Les valeurs africaines ne préconisent pas la précipitation et le manque de tact. Au contraire, elles préconisent qu’on se donne le temps pour régler les problèmes.
Savoir News: Pensez-vous que le Premier ministre a vraiment manqué de tact?
Jean Pierre Fabre:<
/strong> Il avait manqué de tact. Il a agi dans la précipitation et je vous avoue que c’était un raté.Savoir News: Selon vous, le Premier ministre devrait faire quoi?
Jean Pierre Fabre: Il devait d’abord prendre le temps, ne pas lancer d’invitations et nous laisser 48 heures. Le collectif est composé de partis politiques et d’Associations qui ont besoin de consulter leur base, et cela prend du temps. Ensuite, qu’est-ce que c’est, cette invitation des ambassadeurs, alors qu’on est au préliminaire. Nous ne refusons pas l’invitation des ambassadeurs. Nous sommes d’accord et cela été déjà fait par le passé. En principe, c’est quand le dialogue proprement dit commence, qu’on peut les inviter à observer l’ambiance dans laquelle se déroulent les discussions.
Savoir News: Apparemment, le fait d’avoir d’invité les ambassadeurs, vous a beaucoup gêné?
Jean Pierre Fabre:<
/strong> Pas du tout. On nous a dit que les ambassadeurs étaient offusqués, parce qu’on n’avait pas répondu à l’invitation du Premier ministre. Nous pensons plutôt que c’est le Premier ministre qui leur a manqué de respect en ne vérifiant pas si le collectif allait se présenter ou non, avant de les inviter. Avant d’inviter quelqu’un à un spectacle, il faut d’abord s’assurer que le spectacle aura lieu.Savoir News: Vous ne pensez pas que vous vous êtes fait piéger?
Jean Pierre Fabre: Pourquoi? Finalement, qu’est-ce qu’on a perdu?
Savoir News: Ces ambassadeurs auront une mauvaise idée de vous?
Jean Pierre Fabre:<
/strong> Ce que nous craignons, c’est que le peuple ait une mauvaise idée de nous. Car, si le peuple a une mauvaise idée de nous, cela nous posera problème.Savoir News: D’aucuns estiment aujourd’hui qu’il faut un médiateur ou un facilitateur pour « aider » les acteurs politiques togolais. Etes-vous dans cette logique à l’ANC?
Jean Pierre Fabre: us ne sommes pas dans la logique de refuser des propositions de médiation ou de facilitation. Aujourd’hui, les médiations et facilitations ont fait leur preuve, elles n’ont pas réussi chez nous. Nous pensons que par la mobilisation populaire, nous pouvons réaliser ce que les facilitations et médiations n’ont pas réussi. FIN
Propos recueillis par Junior AUREL
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