Les élections législatives sont prévues en octobre prochain au Togo. Le pouvoir et certains « poids lourds » de l’opposition se cognent depuis quelques jours au sujet d’un projet de code électoral et d’un avant-projet de loi organique portant de 81 à 91, le nombre de députés pour la prochaine législature, textes examinés et adoptés par le gouvernement le mois dernier. Certains partis politiques dont l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) de Jean Pierre Fabre et le Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) de Me Dodji Apévon boycottent les discussions entamées depuis lundi par le Premier ministre Gilbert Fossoun Houngbo avec certaines formations politiques.
Dans sa rubrique « TROIS QUESTIONS à », l’Agence Savoir News s’est rapprochée de Patrick Spirlet, ambassadeur, chef de la Délégation de l’Union européenne au Togo. Lisez.
Savoir News : Nous sommes à quelques mois des législatives. Les recommandations faites au lendemain des législatives de 2007 par la mission d’observation de l’UE – du moins les principales recommandations – n’ont pas été mises en œuvre. Comment expliquez-vous cette situation, surtout qu’aujourd’hui le pouvoir et l’opposition sont à couteaux tirés sur un projet de loi de code électoral et un avant-projet de loi organique ?
Patrick Spirlet: Dans notre dialogue politique avec le gouvernement, celui-ci nous a toujours confirmé son engagement à prendre en compte les recommandations des Missions d’observation pour lesquelles il avait d’ailleurs mis en place un comité technique pour les intégrer dans la loi électorale. Pour la plupart, la matérialisation de ces recommandations devrait se trouver dans les propositions de loi électorale et dans la loi organique sur la « carte électorale » qu’on appelle aussi « découpage » dont nous n’avons pas encore connaissance.
De notre coté nous avons toujours insisté pour que ce travail se fasse de façon transparente et en concertation avec les principales forces politiques du pays.
Malheureusement la crise de confiance qui existe au niveau de la classe politique togolaise rend cette concertation difficile comme nous l’observons récemment et risque de mettre en péril le processus et le calendrier même de préparation des élections, ce qui nous préoccupe.
Au-delà des retards et des difficultés de mise en place d’un dialogue, les positions des principaux partis sur les reformes principales sont connues et ont été publiées ou exprimées par ceux-ci. Je pense donc qu’un large consensus sur les reformes principales est encore possible si tous les acteurs acceptent de jouer le jeu. Il est également important qu’au-delà des partis, les autres acteurs puissent être informés du résultat des discussions, société civile, médias,…
L’autre question qui mine le dialogue est celle des reformes constitutionnelles qui devraient être débattues au niveau de la prochaine assemblée nationale. Doit-on poursuivre le débat à ce niveau aujourd’hui ou se concentrer sur les reformes liées aux prochaines échéances électorales ? Il est difficile de trancher mais il semble clair que la tenue d’élections libres et crédibles constitue aujourd’hui la priorité des priorités
Savoir News : Le 9 Mai dernier, lors de la célébration de la « Journée de l’Europe » à Lomé, vous appeliez les acteurs politiques togolais à « s’investir dans un dialogue franc et sincère ». Etes-vous inquiets pour le processus électoral en cours ?
Patrick Spirlet :<
/strong> Comme je viens de vous le dire, l’Union européenne souhaite que ce dialogue puisse avoir lieu et permette que les réformes attendues soient faites sur base d’un accord le plus large possible et qu’on s’attelle de toute urgence à l’organisation des élections en privilégiant la qualité du processus. Le pays a non seulement besoin d’une nouvelle Assemblée Nationale représentative du nouvel équilibre politique mais aussi d’autorités locales élues librement et démocratiquement. L’objectif à terme est de relancer le développement économique, la politique de décentralisation et le développement de la démocratie à la base.Savoir News : Aujourd’hui, la tension est palpable, certains observateurs se demandent si le Togo allait se replonger dans le cycle : « élection – contestation – violence ». Quel appel avez-vous à l’endroit des Togolais en général et des acteurs politiques en particulier ?
Patrick Spirlet : Même si le processus de démocratisation, de réconciliation, de lutte contre l’impunité au Togo n’est pas achevé, il existe maintenant une possibilité de manifester, de contester et d’exprimer ses opinions qui peut et doit permettre d’éviter les violences sur base d’un effort de part et d’autre.
Malgré, toutes les limites et les difficultés auxquelles la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) a été confrontée, elle a su rendre au peuple Togolais un rapport qui me semble être la seule voie de sortie possible avec des recommandations très concrètes à mettre en œuvre pour rompre avec tous les cycles de violence. Il faut que toutes les parties s’engagent constructivement dans cette voie et sincèrement dans ce processus pour consolider l’état de droit comme base de démocratisation, de réconciliation et de développement. Il est important de promouvoir plus de confiance, de conciliation et d’apaisement pour y arriver.
L’UE continuera à œuvrer de façon constructive pour atteindre ces objectifs, mais nous ne pouvons qu’accompagner un travail qui doit être fait par les Togolais. FIN
Propos recueillis par Junior AUREL
Savoir News, La Maison de L’INFO
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