Le président de la Commission vérité, Justice et réconciliation (CVJR) Mgr Nicodème Barrigah-Benissan a dressé ce jeudi devant la presse, le « bilan de la phase opérationnelle des audiences publiques, à huis clos et en privé », menées du 6 septembre au 17 novembre dernier à Lomé (deux fois), Dapaong, Kara, Sokodé, Atakpamé, Tsévié, Aného, Kpalimé, a constaté une équipe de reportage de l’Agence Savoir News.
C’est l’une des grandes salles de conférences de la CVJR à Lomé qui a servi de cadre à cette conférence de presse qui a duré près de deux heures d’horloge.
Au total 508 dossiers ont été examinés par la CVJR sur divers cas de violences et violations des droits humains de 1958 à 2005.
Les 508 dossiers examinés en audiences ne représentent que les cas sélectionnés par la CVJR et dont les protagonistes ont accepté de contribuer à la manifestation de la vérité pendant les audiences publiques, à huis clos et en privée »,
Selon Mgr Barrigah, les 508 dossiers ont été présentés pendant 424 audiences publiques, 28 à huis clos, 51 en privé et 5 en vidéoconférence.
« Au chapitre des bilans, nous pouvons également citer les 627 journalistes et reporters accrédités, 41 points de presse, 63 communiqués de presse dans le cadre de la sensibilisation continue, 2.340 diffusions de spots télévisés, 18.720 microprogrammes radiophoniques durant les 9 semaines sur toute l’étendue du territoire dans le cadre de la campagne médiatique multicanale consacrée au plaidoyer et à la mobilisation sociale à l’appui des audiences … », a-t-il indiqué.
A l’analyse des dossiers pris en audiences, a souligné M.Barrigah, « il apparaît clairement que les clivages politiques et ethniques sont les premières causes des violences qui ont jalonné le cours de notre histoire nationale, notamment lors des consultations électorales. En effet, jusqu’à une époque récente, les rendez-vous des Togolais avec les urnes ont toujours coïncidé avec un déchainement de violences dont le paroxysme a été atteint lors de la présidentielle de 2005 ».
« Toutefois, il importe de souligner que les violences politiques ne sont pas les seules raisons des affrontements qui ont opposé des Togolais à d’autres Togolais avec à la clé des arrestations et détentions arbitraires, des destructions de biens meubles et immeubles, des déplacements de populations et des meurtres… A bien y regarder, on s’aperçoit très vite que les consultations électorales ont souvent fonctionné comme des détonateurs qui ont fait exploser des frustrations et rancœurs accumulées depuis bien longtemps pour diverses raisons dont les dissensions ethniques, les conflits fonciers, les problèmes de chefferie, les abus administratifs et/ou politiques, les exactions des forces de défense et de sécurité et, bien entendu, l’impunité », a-t-il poursuivi.
Le prélat a relevé « trois préoccupations qui, à juste raison, sont relevées avec beaucoup d’insistance dans les commentaires et les débats au sujet de la commission: la faible participation des populations aux audiences dans certaines régions, la rareté des aveux des auteurs présumés et la non comparution de certains acteurs-clés de notre histoire nationale ».
Pour Mgr Barrigah, « le constat est indéniable: contrairement aux régions de l’intérieur du pays où la présence des foules était assez massive, Lomé, Aného et Tsévié ont enregistré une participation plutôt faible lors des audiences ».
« Toutefois, même dans ces régions où la Commission n’a pas drainé du monde, l’engouement noté pour les émissions et la retransmission des audiences notamment sur les radios de proximité nous porte à croire que la question de la réconciliation demeure une exigence prioritaire pour tous les Togolais. C’est peut-être le lieu de regretter le faible temps d’antenne accordé aux audiences publiques sur les chaines des médias d’Etat, notamment dans le cadre de la retransmission en direct », a-t-il souligné.
Au total 20.011 dépositions ont été enregistrées par la CVJR, mais ce chiffre est appelé à évoluer, puisse que la CVJR continue de recevoir de recevoir des plaintes et des requêtes par écrit et par le biais de l’Internet, a fait savoir Mgr Barrigah.
« Après une première phase de dépouillement, de traitement et d’archivage, toutes les dépositions ont été étudiées par les commissaires et une équipe « ad hoc » soit directement à partir de la base des données soit à partir des « fiches bleues » synthétisant l’essentiel des informations de chaque déposant ; puis 7.936 dossiers ont été extraits pour un deuxième examen conformément aux critères élaborés par la CVJR et c’est cette étude qui a permis de sélectionner les 508 dossiers », a-t-il expliqué.
Les audiences sont réputées être la phase où la quête de la Vérité est en pleine lumière, or, « vous avez pu noter avec nous », a précisé Mgr Barrigah, que « la participation des auteurs présumés a été marginale. Bien plus, très rares sont parmi eux ceux qui ont reconnu les allégations formulées contre eux. Tous ou presque se sont plutôt présentés devant la commission en qualité de victimes, rejetant en bloc les récits de leurs accusateurs ».
« L’idéal aurait sans doute été que dans une attitude d’humilité et de sincérité, ceux qui, en leur âme et conscience, reconnaissent les torts qu’ils ont causés ou la part de responsabilité qu’ils ont eue dans des faits regrettables, puissent publiquement demander pardon. Mais je sais que d’autres commissions, avant nous, se sont heurtées à la même difficulté, qu’elles n’ont pu surmonter qu’à travers une forme d’amnistie », a-t-il relevé.
le Prélat a indiqué que la commission sud-africaine n’a pu obtenir des aveux que parce qu’elle a promis en retour une « amnistie conditionnelle aux auteurs présumés qui feraient des aveux complets au sujet de tous les faits relatifs aux violations des droits de l’homme, délits et crimes pour lesquels l’amnistie était sollicitée ».
Citant Desmond Tutu, il a souligné que « l’une des réussites de la Commission a été d’amener de nombreux membres de la police de l’ancien régime à demander l’amnistie et à confesser leurs agissements ».
Parlant ensuite de l’armée, Desmond Tutu a selon Mgr Barrigah, ajouté: « Les rares témoignages que nous ayons obtenus sont ceux de militaires contraints de déposer une demande d’amnistie après avoir été mis en cause par des dépositions de policiers ayant participé avec eux à des opérations coordonnées ».
« Une telle possibilité était-elle envisageable au Togo, au regard de notre mandat » ?, s’est interrogé Mgr Barrigah.
« En ce qui concerne la non comparution de certains acteurs-clés de notre histoire nationale, la CVJR rappelle, une fois encore, qu’elle ne dispose pas de pouvoir de réquisition pouvant obliger à comparaître les personnes auxquelles elle adresse une notification de +droit de réponse+ ou une requête à témoigner. Toutefois, elle garde encore l’espoir, même après avoir clôturé l’étape des audiences, de pouvoir auditionner quelques personnalités, dont la version des faits parait incontournable pour la manifestation de la vérité et l’apaisement des cœurs », a-t-il indiqué.
« La Commission reste encore disponible pour écouter toute personne désireuse d’apporter sa part à l’entreprise de recherche de la vérité dans laquelle nous sommes tous engagés », a-t-il ajouté.
Rappelons que la CVJR est l’émanation d’un processus lié à la quête de la concorde nationale susceptible de permettre au Togo de panser les séquelles de ses développements historiques conflictuels. Elle a pour mission de déterminer, à travers un rapport circonstancié et détaillé, les causes, l’étendue et les conséquences des violations des droits de l’Homme et les violences qui ont secoué les fondements de la communauté togolaise de 1958 à 2005.
Elle doit, in fine, proposer des mesures susceptibles de favoriser le pardon et la Réconciliation.
Le Togo a été, secoué par une série de violences, notamment lors des scrutins présidentiels.
Junior AUREL / Nicolas KOFFIGAN
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