Les audiences publiques, privées et à huis clos de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) se sont poursuivies ce mardi à Lomé avec 15 témoignages sur cinq grands évènements dont l’assassinat de Tavio Amorin en juillet 1992, a constaté l’Agence Savoir News.
Sur les 15 témoignages, 4 se sont déroulés à huis clos et 2 en privé.
En dehors de la tragédie du Fréau Jardin, les témoignages recueillis ce mardi concernent les atteintes à la vie de personnalités politiques, civiles et militaires; il s’agit notamment de l’assassinat de Tavio Amorin, le 23 juillet 1992, l’assassinat du Colonel Eugène Koffi Tépé, le 25 mars 1993, l’enlèvement et l’assassinat du député Edeh Gaston du CAR, le 13 février 1994, l’enlèvement et la disparition de David Bruce, le 6 septembre 1994 et l’assassinat du Capitaine Philippe Djobo Azoti, le 27 janvier 1996.
Un certain nombre de cas d’agressions physiques, d’arrestations et de détentions arbitraires ; et autres violations des droits humains ont été également examinés par la CVJR.
Au sujet de la tragédie de Fréau Jardin, l’audition de M.Abdoulaye Yaya, procureur de la République au moment des faits, a permis de mieux situer les niveaux de responsabilité lié à la tuerie qui a endeuillé cette marche organisée le 25 janvier 1993 par le Collectif de l’opposition démocratique (COD II).
Quant aux assassinats de Tavio Amorin et du député Edeh Gaston, ils ont été éclairés respectivement par les auditions du Dr David Ekoudé Ihou, ministre de la Santé à l’époque pour le premier, et de Akalo Kodjo, témoin rescapé du drame, secondé par Me Yawovi Agboyibo, alors président du CAR pour le second.
Par ailleurs, des membres de la famille Tépé ont relaté les circonstances de l’assassinat du Colonel Eugène Koffi Tépé et de ses 3 neveux, survenu dans le cadre de la tentative de coup d’Etat du 24 au 25 mars 1993 au camp RIT.
La disparition de David Bruce a fait l’objet d’une audition très suivie en audience privée.
Yaya Abdoulaye, ancien procureur de la République a expliqué qu’au cours du massacre de Fréau Jardin, ils ont été instruits pour faire une enquête, mais malheureusement elle n’a pas été bouclée.
« Le jour du drame, c’est le consul de France qui m’avait informé. Nous avons une idée de ceux qui ont prêté flanc à ce jeu macabre. Nous avons auditionné les organisateurs de la manifestation et le ministre de l’Intérieur. Nous savons que se sont les policiers qui ont fait le coup », a-t-il indiqué.
Par ailleurs, des membres de la famille Tépé ont relaté les circonstances de l’assassinat du Colonel Eugène Koffi Tépé et de ses 3 neveux, dans le cadre de la tentative de coup d’Etat du 24 au 25 mars 1993 au camp RIT. La disparition de David Bruce a fait l’objet d’une audition très suivie en audience privée.
Tépé Komi Agbenyo, neveu du colonel Tepe Koffi Eugène assasiné le 25 mars 1993 affirme: « Le 24 mars 1993, le colonel Tépé était venu au village à Womé et est rentré le soir même à Lomé. Dans la nuit profonde, il y avait des coups de feu partout. Le matin, le colonel Tepe était parti au mât. Au cours d’une interrogation, on a ouvert le feu sur lui. Après l’avoir abattu, les enfants ont fui pour l’étage, mais ils ont été arrêtés et torturés jusqu’à mort. C’était horrible », a-t-il raconté les larmes aux yeux.
Selon lui, après l’assassinat du colonel Tepe, les militaires ont endommagé ses voitures, sa maison pillée et tout a été détruit.
Bédi Koffi, ancien militaire, témoin de l’assassinat du colonel Tepe a raconté que le colonel a été tué dans sa maison et devant lui.
Maître Agboyibo Yawovi, président d’honneur du Comité d’action pour le renouveau (CAR) a de son côté, témoigné sur l’assassinat du député du CAR, Edeh Gaston.
« Edeh Gaston, est député du CAR. Une semaine après le premier tour des élections législative de 94, la famille d’Edeh Gaston m’a téléphoné qu’il est allé au village et n’est plus revenu. On a fait des recherches qui n’ont rien donné. Mais par la suite on a eu l’information selon laquelle des corps ont été retrouvés calcinés à Massouhoin, non loin de Lomé II. Et c’est là que j’ai vu son corps calciné avec deux autres », a-t-il révélé.
Quant aux assassinats de Tavio Amorin et du député Edeh Gaston, les membres de la CVJR ont été éclairés respectivement par les auditions du Dr David Ekoudé Ihou, ministre de la Santé à l’époque pour le premier, et de Akalo Kodjo, témoin rescapé du drame, secondé par Me Yawovi Agboyibo, alors président du CAR pour le second.
A l’analyse de tous ces témoignages, la CVJR a noté qu’avec le processus de démocratisation enclenché dans les années 1990, le Togo a été le théâtre d’un cycle de violences militaires et politiques regrettables.
Les responsables de ce cycle de violences sont à chercher au niveau de certaines autorités politiques, proches du pouvoir ou de l’opposition, mais aussi d’une organisation militaire dénommée Brigade Rouge, bras armé d’une minorité de répression, proche de l’armée et de la police, mais dont l’existence est officiellement inconnue des Forces Armées Togolaises.
La Commission a présenté sa compassion et ses condoléances à toutes les victimes. Elle a déploré une fois encore les arrestations et détentions arbitraires, les exécutions extrajudiciaires et les violences exercées au nom de l’appartenance à un parti politique.
La CVJR a exhorté les auteurs présumés à faire acte de contrition ; elle encourage les victimes à ne pas cultiver l’esprit de vengeance et à privilégier le pardon.
Elle a rappelé, enfin que c’est à la lumière des informations fournies par les différents intervenants au cours des audiences (publiques, in camera et privées) ainsi que des rapports de ses investigations, qu’elle fera ses recommandations finales à l’attention du peuple togolais dans le sens de l’apaisement.
Les audiences se poursuivent mercredi et seront consacrées à un droit de réponse et à des dossiers sur requête et autres violations des droits humains.
Nicolas KOFFIGAN
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