Démarrées mardi, les audiences publiques, privées et à huis clos de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), se sont poursuivies ce mercredi à la cathédrale Sts Pierre et Paul d’Aného (environ 45 km à l’est de Lomé), a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.
Au total 17 témoins et victimes ont défilé devant la CVJR pour raconter des violences vécues lors des consultations électorales de 1958, 1998 et de 2005
De leurs témoignages, il ressort qu’il avait eu des scènes d’humiliation subies par les chefs traditionnels alors qu’ils essayaient de concilier les jeunes émeutiers et les forces de l’ordre et de sécurité au moment de la proclamation des résultats de la présidentielle de 2005, les tentatives d’incendies des urnes, de destruction de biens meubles et immeubles, les arrestations et détentions arbitraires exercés par les forces de l’ordre et de sécurité.
Lawson-Body Mensah Hilla, notable, représentant de Togbui Lawson Zankli VIII a reconnu qu’à Aného, il y avait eu des actes de violences lors de la présidentielle de 2005. Il raconté le calvaire vécu le 25 avril, suite au soulèvement de certains jeunes: « J’ai dû héberger un brigadier du nom de Kao, menacé de mort par des jeunes surexcités ».
La situation s’est aggravée le 26 avril, le jour de la proclamation des résultats : « les gendarmes et militaires lançaient dans toutes les maisons des gaz lacrymogènes. Et c’est dans cette ambiance qu’ils sont rentrés dans le palais pour arrêter le chef et le traîner dans la boue et dans les caniveaux salles. Ils l’ont traîné par terre (…) Il y avait eu beaucoup de morts à Aného ».
« Après, les militaires sont venus demander pardon, car le chef d’Etat major a dit qu’il n’a envoyé personne arrêter le chef. Les militaires avaient tout pillé. Ils ont même volé certaines choses », a-t-il indiqué.
Togbui Komahe Sessi James III, chef du village d’Alimagna, non loin de la ville d’Aného, président des chefs traditionnels du littoral d’Agbodrafo a déclaré avoir été pris à partie par des jeunes de l’UFC, alors qu’il allait donner un coup de main à ceux qui transportaient les urnes, leur voiture étant tombée en panne.
« Des jeunes, munis de bidons d’essence voulaient me brûler. Il a fallait le concours des forces de l’ordre. Mais, ils ont brûlé mon cyber café dans le quartier Yésuvito. Ma maison a été également brûlée », a-t-il raconté.
De tous les témoignages entendus, les victimes et témoins – qu’ils soient proches du parti au pouvoir ou de l’opposition, – ont souhaité que des mesures soient suffisamment prises pour éviter dorénavant toutes sortes exactions, notamment lors des consultations électorales. Ils ont demandé que des campagnes de sensibilisation soient organisées à l’intention des jeunes des partis politiques des préfectures des Lacs, du Bas-Mono et de Vo. A l’endroit des forces de l’ordre, ils leur ont demandé de prendre la mesure de leur responsabilité pour la protection des citoyens, afin d’éviter des cas déplorables de violations des droits de l’Homme.
A l’analyse de tous ces témoignages, la CVJR a déploré la disproportion des mesures de dissuasion des forces de l’ordre et de sécurité déployées pour réprimer des manifestants ou d’innocentes victimes lors des consultations électorales.
Elle a salué les efforts de conciliation et de neutralité des chefs traditionnels, garants des us et coutumes, sensés assurer le bon déroulement des votes de leurs administrés mais aussi le règlement des conflits fonciers.
Au nom du pardon et de la réconciliation, la Commission a appelé les victimes à ne pas privilégier l’esprit de vengeance, malgré les séquelles que certaines traînent encore et a souhaité la main tendue des uns vers les autres pour le renforcement de la culture du pardon et de la réconciliation.
Les audiences se poursuivent jeudi et seront une dernière fois encore consacrées aux violences électorales de 2005 et à des droits de réponse.
En rappel, les audiences de la CVJR sont consacrées à la recherche de la vérité sur les violences électorales et autres violations des droits de l’homme qui sont survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 dans le cadre des séances publiques, à huis clos et privées qui donnent la parole aux victimes, témoins et aux auteurs présumés.
D’Aného, Nicolas KOFFIGAN
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