Ouvertes vendredi dernier à Atakpamé (environ 175 km au nord de Lomé), les audiences publiques, privées et à huis clos (in camera) de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) se sont achevées ce mardi dans cette localité, a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.
Au total 57 dossiers ont été examinés. Ils portent sur des événements liés aux troubles sociopolitiques orchestrés lors des différentes consultations électorales par des militants de partis politiques, politiques, aux violences intercommunautaires suivies de déplacements de populations, aux abus d’autorité, aux interventions des éléments des Forces Armées Togolaises et aux agressions physiques.
Ce mardi, 15 auditions ont été enregistrées. Elles ont été consacrées à l’écoute d’autres témoins et victimes des violences électorales, de présumés auteurs de déplacements forcées de populations et enfin à des droits de réponse sur requête.
Parmi le lot, figurent dix victimes, témoins et auteurs présumés auditionnés pour divers sujets relatifs aux violences sociopolitiques avec des destructions de biens meubles et immeubles, des pertes en vie humaines; aux violences intercommunautaires avec déplacements de population intercommunautaires, aux violences liées à la présidentielle de 2005, ainsi qu’à divers abus d’autorité et violations des droits humains.
Quelques témoignages
Chiobo Ata, maçon, a affirmé avoir reçu de balles lors de la présidentielle d’avril 2005 : « tout mon quartier était pris d’assaut par des éléments du Major Kouloun, après la proclamation des résultats de ce scrutin. Ils ont tiré à balles réelles, cassé des maisons et pillé ».
« Moi j’étais à Nyékonahpoé quand des éléments du Mojor Kouloun ont envahi le quartier aux environs de 22 heures. J’ai reçu deux balles au bras et une autre à l’épaule. C’est le pasteur de l’église évangélique du quartier qui m’a aidé à me soigner. C’est chez mes parents au village que j’ai poursuivi les soins Mais, la balle de l’épaule n’a pu être retirée », a-t-il raconté.
Akoda Yao, militaire retraité et membre influent de l’UFC, a également affirmé avoir subi les affres du Major Kouloun lors de la présidentielle de 2003 : « Le major Kouloun a envoyé des gens me tuer. Mais, comme ils ne m’ont pas vu, ils ont brûlé mes biens y compris ma maison. Ils ont emporté une somme de 250.000 F.CFA ».
« J’ai appelé les gendarmes pour faire le constat. Le lendemain je suis allé voir les gendarmes. Ces derniers m’ont dit de mener moi-même les enquêtes », a-t-il souligné.
Droits de réponse des FAT
S’agissant des droits de réponse exercés par certaines personnes ou institutions citées au cours des audiences publiques antérieures, la commission a écouté 7 intervenants. Parmi ceux-ci le Colonel Lémou Tchalo, à la tête de la délégation des FAT. Il a livré la version des cas de violences liées aux évènements d’Agbandi en 1993, dans la préfecture de Blitta et à l’élection de 2005.
Sur le premier point, les FAT ont eu à préciser que les victimes d’Agbandi ont été inhumées suivant un permis délivré par les autorités compétentes.
Concernant les victimes des élections de 2005 à Atakpamé, les Forces armées ont présenté leurs condoléances aux victimes et familles éplorées et souhaité que la CVJR fasse la lumière sur les atrocités commises. Elles ont également proposé des pistes de solutions à ces problèmes.
« En 2005, la Force sécurité élections présidentielle (FOSEP) a fait preuve de professionnalisme. Mais il faut reconnaître que très tôt, ils ont été débordés. L’Etat-major général n’avait reçu aucun compte rendu de dérapage de la part des éléments de la FOSEP. Cependant, dans un tel cafouillage avec d’un côté les actions et de l’autre les réactions, il est possible que certains éléments aient pu commettre isolement quelques abus. Les FAT condamnent ce violences qui se sont produites et qui marquent négativement l’histoire de notre pays », souligne la déclaration des FAT lue par le Colonel Lémou Tchalo.
Pour une réconciliation et l’apaisement des victimes, les FAT recommandent à la CVJR de faire toute la lumière sur ces atrocités, en vue de situer les responsabilités, rechercher les causes profondes de ces violences et d’envisager d’éventuelles réparations en vue d’une cicatrisation rapide des plaies, pur donner une chance au pardon.
A l’analyse de tous ces cas :
La CVJR a encouragé tous ceux qui reconnaissent leur culpabilité et prônent l’esprit de pardon pour une réconciliation sincère dans la région des Plateaux. Elle a exhorté ceux qui hésitent encore à reconnaître leurs torts à, le faire étant entendu que le pardon est la seule voie pour le triomphe de la justice transitionnelle.
La Commission a rappelé que tous les témoignages recueillis dans les 20 011 dépositions seront pris en compte y compris ceux des 4 623 dépositions de la région des Plateaux pour adresser des recommandations au gouvernement.
Par ailleurs, la CVJR a déploré toutes les formes de violences exercées au nom de l’appartenance à un parti politique et la récurrence des conflits fonciers qui divisent des communautés liées par l’histoire du peuplement de notre pays.
La CVJR a exprimé ses remerciements aux populations qui se sont déplacées pour témoigner ou assister aux audiences, aux autorités administratives, à tous les médias, à toutes celles et à tous ceux qui nous ont accueillis à l’étape d’Atakpamé.
La prochaine étape
Les membres de la CVJR sont attendus à Tsévié (environ 30 km au nord de Lomé) dans la région maritime où les audiences auront lieu du 20 au 22 octobre à l’Hôtel St Georges. La pré-audience se tiendra le 19 octobre.
A Tsévié, comme lors des étapes précédentes de Lomé, Dapaong, Kara Sokodé et Atakpamé, la parole sera donnée aux témoins, victimes et auteurs présumés pour apporter leurs contributions aux différents dossiers sélectionnés par la CVJR.
Les audiences dans cette région seront consacrées notamment aux violences politiques de 1958, les législatives de 1961 et les arrestations arbitraires qui s’en sont suivies.
Les violences électorales de 2005, ainsi que d’autres cas de violations des humains et violences à caractère politique survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 sont inscrits au menu de ces audiences.
Les audiences sont consacrées à la recherche de la vérité sur les violences électorales et autres violations des droits de l’homme qui sont survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 dans le cadre des séances publiques, à huis clos et privées qui donnent la parole aux victimes, témoins et aux auteurs présumés.
Rappelons que la CVJR est l’émanation d’un processus lié à la quête de la concorde nationale susceptible de permettre au Togo de panser les séquelles de ses développements historiques conflictuels. Elle a pour mission de déterminer, à travers un rapport circonstancié et détaillé, les causes, l’étendue et les conséquences des violations des droits de l’Homme et les violences qui ont secoué les fondements de la communauté togolaise de 1958 à 2005.
Elle doit, in fine, proposer des mesures susceptibles de favoriser le pardon et la Réconciliation.
Le Togo a été, secoué par une série de violences, notamment lors des scrutins présidentiels.
D’Atakpamé, Nicolas KOFFIGAN
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