Entamées mercredi dernier à Kara, les audiences publiques et privées de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) se sont poursuivies ce samedi à Kara (environ 420 km au nord de Lomé) avec plusieurs sujets dont les évènements liés à l’attentat du gendarme Bokobosso contre le général Gnassingbé Eyadéma le 24 avril 1967, a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.
Au total 23 auditions dont 3 en privée ont été enregistrées par la CVJR. Ces auditions ont porté sur les des évènement liés à l’attentat du gendarme Bokobosso contre le général Gnassingbé Eyadéma le 24 avril 1967, des conflits communautaires liés à la gestion de la succession à l’imamat de Bafilo, des expropriations foncières sans dédommagement dans la région de Kara et d’autres formes de violences et de violations des droits de l’Homme.
Pour les évènements liés à l’attentat du gendarme de deuxième classe Bokobosso contre le général Gnassingbé Eyadéma le 24 avril 1967
Selon Pito Félix, adjudant de l’armée réformé le même jour de l’attentat, tout le village de Kouméa a été puni par le feu général Eyadéma à cause d’une seule personne, ce qui n’est pas normal: « Tous les fils de Kouméa ont été opprimés et ont subi d’injustice depuis plus de 40 ans ».
« Le gendarme Bokobosso, 23 ans, faisait partie de la garde présidentielle. Ce dernier était un dément, mais les gens ne savaient pas. Le 24 avril 1967, sur la marche, à environ 300 mètres, il tira sur le général Eyadéma. A l’époque, moi j’étais chef de bataillon. Après l’acte, ils ont sorti tous les hommes en treillis, natifs de Kouméa. On était resté sous le soleil et la pluie du 24 avril au 23 mai (se sont nos familles qui nous ont apporté à manger) et c’est ce jour qu’on a été tous révoqués et assignés à résidence surveillée », a raconté Pito Félix.
« Nous étions au nombre de 52 militaires, natifs de Kouméa, assignés en surveillance dans notre propre village. Et pendant cette période, pour avoir de grade, les militaires doivent parler mal de Kouéma. Ainsi bon nombre de militaires aujourd’hui gradés, avaient profité de la situation. Aujourd’hui si les jeunes de Kouméa, malgré les études, sont réduits au néant, c’est à cause de Gnassingbé Eyadéma. Kouméa a été enseveli pendant plus de 40 ans et on doit nous réhabiliter », a-t-il estimé.
Atakati Anikigbani a aussi abondé dans le même sens, car selon lui, depuis l’attentat de Bokobosso, le canton de Kouméa a été délaissé: « Nous sommes venus témoigner pour dire à la CVJR que ce geste de Bokobosso nous a causé beaucoup de dommages. Les populations de Kouméa ont été opprimées et ont subi de graves violations des droits de l’Homme ».
Pour les évènements liés à l’imamat à Bafilo, chef lieu de la préfecture d’Assoli
Alfa Biao Nourridin a révélé que c’est suite au décès le 1er avril 2002 de l’imam Sabtiou de Bafilo que les troubles ont commencé.
« Certains voulaient prendre la place de l’Imam. Son adjoint s’est dit trop vieux et a souhaité que son fils qui a fait ses études en Arabie Saoudite prenne sa place. Ce que les autres clans n’ont pas voulu, car ils savaient que le vieux adjoint à l’imam, n’allait pas vivre longtemps et après sa mort, un de leur clan pouvait lui succéder. Le problème a toujours persisté. En juillet de cette même année », a-t-il indiqué.
Selon lui, huit personnes arrêtées et à la gendarmerie de Kara et torturées: « Les militaires envoyés sur le terrain, ont frappé les, même dans l’enceinte de la mosquée Nous avons fait six mois de prison. Le Maire de la ville, après notre arrestation a intronisé de force son petit frère Imam ».
« Le problème persiste jusqu’à ce jour. L’Imam intronisé de force n’arrive pas à diriger la prière. Aujourd’hui à Bafilo, cet Imam ne peut pas mettre pied dans certains quartiers », a dévoilé Alfa Biao Nourridin, invitant la CVJR à aider les populations à régler ce litige.
Plusieurs autres témoins et victimes sont intervenus pour également, inviter le président de la CVJR, Mgr Nicodème Barrigah à prendre ce dossier au sérieux.
Mais quels messages retient la CVJR?
Pour les évènements liés à l’attentat du gendarme Bokobosso
Le message que la CVJR retient de cet évènement est un de cri de détresse des populations de ce canton qui paie un lourd tribu pour l’acte posé par le gendarme Bokobosso. Il faut sauver Kouméa. C’est le cri de détresse.
Quant au dossier de la succession à l’imamat d Bafilo
La CVJR constate qu’il s’agit de faits complexes, nécessitant une réflexion approfondie entre tous les acteurs politiques, traditionnels et religieux concernés par la question. La Commission écoutera les autres parties prenantes, afin de se faire une opinion plus globale de la situation.
Par ailleurs, elle encourage toute personne susceptible de contribuer à la manifestation de la vérité dans le cadre de cette affaire, à se rapprocher de ses services compétents ou à se manifester sur la ligne verte 80 00 12 12.
La CVJR lance un appel à tous les protagonistes de cette crise, afin qu’ils fassent preuve de responsabilité pour un règlement durable dudit différend. Une fois encore, la Commission tient à rappeler que c’est à l’aune des différentes informations fournies par les différents intervenants au cours des audiences, ainsi que le rapport de ses investigations, qu’elle fera des recommandations finales à l’attention du peuple togolais dans le sens de l’apaisement.
Les audiences publiques dans la région de la Kara, prendront fin lundi prochain. La dernière audience sera consacrée aux audiences sur requêtes et aux dossiers relatifs à diverses formes de violations des droits de l’Homme et d’abus de pouvoir. Après Kara, les membres de la CVJR se rendront à Sokodé (environ 375 km au nord de Lomé), où les audiences démarreront le 6 octobre.
Les audiences sont consacrées à la recherche de la vérité sur les violences électorales et autres violations des droits de l’homme qui sont survenues dans notre pays entre 1958 et 2005 dans le cadre des séances publiques, à huis clos et privées qui donnent la parole aux victimes, témoins et aux auteurs présumés.
Rappelons que la CVJR est l’émanation d’un processus lié à la quête de la concorde nationale susceptible de permettre au Togo de panser les séquelles de ses développements historiques conflictuels. Elle a pour mission de déterminer, à travers un rapport circonstancié et détaillé, les causes, l’étendue et les conséquences des violations des droits de l’Homme et les violences qui ont secoué les fondements de la communauté togolaise de 1958 à 2005.
Elle doit, in fine, proposer des mesures susceptibles de favoriser le pardon et la Réconciliation.
Le Togo a été, secoué par une série de violences, notamment lors des scrutins présidentiels.
De Kara, Nicolas KOFFIGAN
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