Les audiences de la Commission justice, vérité et réconciliation (CVJR) ont effectivement démarré ce mercredi au Palais des Congrès de Kara, ville située à environ 420 km au nord de Lomé, a constaté un envoyé spécial de l’Agence Savoir News.
Les audiences de ce jour sont consacrées essentiellement aux événements liés aux « ablodé sodja » en 1958. Au total 18 témoins et victimes ont défilé devant la CVJR.
Beaucoup d’intervenants ont relevé le caractère passé des exactions subies, et malgré la difficile cicatrisation que prouve encore la grande émotion accompagnant les récits, ils ont exprimé le désir de pardonner, c’est-à-dire de ne pas recourir à la vengeance ou à un quelconque règlement de compte.
La CVJR a auditionné publiquement 13 victimes et témoins de violences et exactions et 5 autres à huis clos pour élucider des cas de violations graves des droits humains portant surtout sur les violences sexuelles.
Selon la veuve, Abi Bessere, son mari a subi des exactions au cours de l’année 1958. Il a été souvent battu par ses frères qui le soupçonnaient d’être un anti-indépendantiste.
« Mon mari a été ligoté et battu par ses propres. Il a dû quitter le pays pour le Ghana. Il est décédé dans ce pays et il a été enterré là-bas. Tout ceux qui ne répondaient pas au slogan +Ablodé gbadja+ étaient considérés comme des traîtres », a-t-elle souligné.
La veuve, Bonfoh Salamatou a pour sa part, montré lors de l’audition, les traces des exactions encore vivaces sur son corps. Elle s’est déshabillée, histoire de permettre à la CVJR de bien voir les traces des coups qu’elle a reçus dans les années chaudes de l’indépendance.
Selon elle, c’était le chef de Bassar d’alors, membre influent du Comité de l’Unité Togolaise (CUT) qui ordonnait à ses militants de bastonner les gens.
« J’ai reçu des coups de bâton, même enceinte. Les +Ablodé Sodja+ m’ont déshabillé avant de me fouetter. J’avais reçu 30 coups. Ma mère en a reçus 20. Par la suite j’ai fui pour le Ghana avant de revenir par la suite à Bassar. Je ne le dis pas ou je montre mon dos pour me venger, mais plutôt pour dire la vérité et me dégager », a-t-elle précisé.
Tous les témoins et victimes ont souhaité que de ces audiences, viennent le pardon et rréelle éconciliation nationale.
Ce matin, à l’ouverture de ces audiences, le président de la CVJR, Mgr Nicodème Barrigah a indiqué que le mandat de sa Commission est de « rechercher la vérité sur les violences et violations des droits de l’homme qui ont émaillé l’histoire de notre pays de 1958 à 2005 en vue d’aider les victimes à guérir de leurs traumatismes tout en proposant des mesures susceptibles de favoriser le pardon et la réconciliation nationale ».
« Les audiences, comme on le voit, ont essentiellement une fonction pédagogique car elles sont destinées à apaiser les cœurs, susciter le repentir des auteurs présumés afin de rendre possible le geste interpersonnel du pardon qui réconcilie. En nous rendant plus sensibles aux souffrances les uns des autres, les audiences nous rappellent notre devoir d’éradiquer de notre vivre ensemble les causes de ces violences qui dressent des citoyens contre d’autres citoyens », avait précisé le Prélat.
Demain (jeudi), ces audiences porteront notamment sur les déplacements des populations et les incidents de Bassar.
Rappelons que la CVJR est l’émanation d’un processus lié à la quête de la concorde nationale susceptible de permettre au Togo de panser les séquelles de ses développements historiques conflictuels. Elle a pour mission de déterminer, à travers un rapport circonstancié et détaillé, les causes, l’étendue et les conséquences des violations des droits de l’Homme et les violences qui ont secoué les fondements de la communauté togolaise de 1958 à 2005.
De Kara, Nicolas KOFFIGAN
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